A quoi sert l’accord de défense Mali-France ?
Les président malien Ibrahim Boubacar Keïta (d) avec son homologue français François Hollande au Mali.
Le traité de coopération en matière de défense entre la France et le Mali a été signé le 16 juillet 2014 à Bamako par Jean-Yves Le Drian, ministre français de la défense et Bah Ndaw, ministre malien de la défense et des anciens combattants. Il a été soumis au Sénat français pour autorisation de ratification le 3 juin 2015 par le Ministre Laurent Fabius au nom du Premier ministre Manuel Valls. Il est autorisé pour la ratification par l’Assemblée nationale malienne le 3 juillet 2015, un mois plus tard. Mais que contient-il ? Un document du Sénat nous permet d’en savoir plus.
La coopération en matière de défense entre le Mali et la France a été longtemps encadrée par un accord de coopération militaire technique signé le 6 mai 1985, sous le régime du général Moussa Traoré. Cependant, le déclenchement de l’opération Serval a nécessité la signature d’un accord par échange de lettres les 7 et 8 mars 2013 afin de conférer un statut juridique aux forces françaises et de faciliter leur intervention.
Près d’un an après le déclenchement de cette opération, et après la tenue d’élections démocratiques au Mali, il est apparu nécessaire de refonder le cadre juridique de notre coopération avec cet État. Par lettre du 16 octobre 2013 adressée au président François, le président Ibrahim Boubacar Keïta a envisagé la conclusion d’un traité de coopération en matière de défense afin de marquer l’engagement dans la durée de la coopération entre la France et le Mali.
Dans cette perspective, un projet de traité de coopération en matière de défense a été proposé aux autorités maliennes et les échanges menés entre février et avril 2014 ont permis d’aboutir, dans des délais très courts, à un texte validé par les deux parties.Ce traité a été signé à Bamako le 16 juillet 2014 par Jean-Yves Le Drian, ministre françaisde la défense et Bah Ndaw, ministre malien de la défense et des anciens combattants de la République du Mali.
Il est comparable aux accords de coopération ou de partenariat de défense récemment conclus avec d’autres États africains comme l’Union des Comores, le Togo, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Gabon ou Djibouti. Le traité est rédigé de manière réciproque afin de couvrir juridiquement les personnels français au Mali et les personnels maliens en France et s’inspire, à ce titre, des accords signés avec le Togo et l’Union des Comores.
Comme pour les autres États africains, il a été décidé d’inscrire dans un texte unique le nouveau cadre juridique à la relation de défense entre le Mali et la France. Cette relation ne comporte pas de clause impliquant un concours de la France au Mali en cas d’agression extérieure et encore moins en cas de troubles intérieurs. Elle est essentiellement centrée sur la coopération militaire structurelle menée par la direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère des Affaires étrangères et du développement international et sur la coopération militaire opérationnelle menée au sein du ministère de la défense par l’état-major des armées.
En effet, l’objectif principal de la coopération française est d’aider l’Afrique à mettre sur pied son propre système de sécurité collective, ce à quoi contribuent les coopérations structurelle et opérationnelle.
Outre un préambule et un article 1er consacré aux définitions, le texte comporte quatre parties.
Les différents considérants du préambule visent à replacer la relation de défense entre les deux parties dans le cadre des systèmes de sécurité collective des Nations unies et de l’Union africaine. L’inscription de cette relation dans le cadre du partenariat stratégique Afrique – Union européenne complète cette première référence. La référence au respect de la souveraineté, de l’indépendance et de l’intégrité territoriale des partenaires vient rappeler le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des États concernés, tout en n’étant pas indifférente aux menaces pouvant peser sur ceux-ci.
La première partie du traité expose les principes généraux de la coopération de défense.
L’article 2 rappelle les grands objectifs de la coopération de défense. L’ouverture de notre coopération vers la constitution de la Force africaine en attente et vers l’action de l’Europe et de ses États membres en faveur du système africain de sécurité collective est affirmée. L’action des organisations sous-régionales dans ce domaine est également prise en compte.
L’article 3 pose les principes de la coopération instituée : aucune disposition du traité ne saurait être considérée comme dérogeant aux droits et obligations déjà reconnus à une force ou à un membre du personnel de l’une des Parties à raison de sa participation à une opération de maintien de la paix sous mandat de l’Organisation des nations unies (alinéa 1) ; les forces et les membres du personnel de l’État d’origine respectent les lois et règlements de l’État d’accueil et s’abstiennent de tout comportement incompatible avec les objectifs du traité (alinéa 2).
L’article 4 précise les domaines et les formes de la coopération en matière de défense. Il prévoit des échanges de vues sur les menaces à la sécurité nationale et régionale et sur les moyens d’y faire face. La liste reprend les activités menées par le ministère de la Défense et celui des Affaires étrangères et du développement international au titre des coopérations qu’ils mènent ou pourraient mener au Mali.
L’article 5 porte sur les facilités et le soutien logistique que les deux États s’engagent à fournir aux forces de l’autre État présentes sur leur territoire dans le cadre des activités de coopération organisées en application du traité.
L’article 6 prévoit l’instauration d’un comité de suivi co-présidé par un représentant civil ou militaire de chaque Partie.
La deuxième partie est consacrée au statut des membres du personnel engagés dans la coopération en matière de défense.
Comme la majeure partie des stipulations du traité, cette partie est rédigée sur un mode totalement réciproque pour couvrir les activités des personnels français au Mali et maliens en France.
L’article 7 précise les conditions d’entrée et de séjour sur le territoire des deux États des membres du personnel et des personnes à leur charge et leur octroie une franchise à l’importation de leurs effets personnels à l’occasion de leur première arrivée en vue de leur prise de fonction, pour la durée de leur séjour et dans les limites compatibles avec un usage familial.
L’article 8 précise que les membres du personnel de l’État d’origine sont autorisés à revêtir l’uniforme et les insignes militaires conformément à la réglementation en vigueur dans leur armée.
L’article 9 prévoit la reconnaissance des permis de conduire pour les véhicules et engins militaires des membres du personnel de l’État d’origine sur le territoire de l’État d’accueil.
L’article 10 relatif à la détention, au port et à l’utilisation des armes prévoit que les militaires de chaque Partie sont assujettis au respect des règles de l’État d’accueil, à moins que les autorités de cet État n’acceptent l’application des règles de l’État d’origine. Il s’agit là d’encadrer l’utilisation des armes des personnels français par référence à nos propres règles, en général, plus restrictives que celles de nos partenaires africains.
L’article 11 établit le principe d’une compétence exclusive de l’État d’origine en matière de discipline de ses personnels.
L’article 12 détermine les conditions dans lesquelles les membres du personnel de l’État d’origine ont accès aux services de santé de l’État d’accueil.
L’article 13 est consacré aux dispositions applicables en cas de décès d’un des membres du personnel de l’État d’origine sur le territoire de l’État d’accueil.
L’article 14 prévoit le maintien de la domiciliation fiscale des personnels dans l’État d’origine et ce, nonobstant les stipulations de la Convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mali signée à Paris le 22 septembre 1972. Cette stipulation modifie la situation des coopérants militaires français dont la rémunération, en application du précédent accord de coopération, était imposable au Mali et sera désormais imposable dans l’État d’origine qui assure leur rémunération.
L’article 15 est relatif aux infractions commises par des membres du personnel ou des personnes à charge. Il est stipulé que la peine de mort, non encore abolie au Mali, ne sera ni requise, ni appliquée. Dans l’hypothèse où cette peine aurait été prononcée, il est prévu qu’elle ne soit pas exécutée. Les dispositions prévues permettent d’éviter que des membres du personnel français ou des membres du personnel malien que la Partie française pourrait devoir remettre à la Partie malienne, soient exposés devant les juridictions maliennes, non seulement à la peine de mort mais aussi à des traitements contraires à l’article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
L’article 16 précise les modalités du règlement des dommages causés par les Parties. Sauf en cas de faute lourde ou intentionnelle, chaque Partie renonce au recours qu’elle pourrait avoir contre l’autre pour les dommages causés à ses biens ou son personnel. La prise en charge par les Parties des indemnités versées pour la réparation des dommages causés aux tiers fait l’objet de règles spécifiques.
La troisième partie, rédigée elle aussi sur un mode totalement réciproque, est relative aux activités organisées dans le cadre de la coopération de défense. Elle vise à permettre des exercices en commun et l’utilisation par nos forces, sur autorisation du Mali, de l’espace aérien de cet État, notamment dans le cas où un détachement français se rendrait sur le territoire malien pour effectuer un exercice. Elle permettra également une utilisation de l’espace aérien français dans l’hypothèse d’une escale d’un avion malien en France. En outre, elle précise le régime fiscal et douanier applicable en matière d’importation de matériels et approvisionnements destinés à l’usage exclusif des forces (article 20).
La quatrième partie, consacrée aux dispositions finales, prévoit notamment, à l’article 25, l’abrogation de l’accord de coopération militaire technique du 6 mai 1985 et les accords et arrangements subséquents. Cette formule vise à marquer un nouveau départ dans la relation de défense franco-malienne, sur la base de cet unique traité.
Cependant, l’entrée en vigueur du traité n’aura pas pour effet d’abroger l’accord sous forme d’échanges de lettres des 7 et 8 mars 2013 dont les stipulations s’appliqueront, sur demande de la Partie française, aux opérations d’assistance militaire à l’État malien et de protection des ressortissants français que les membres du personnel de la partie française présents au titre du traité pourraient encore être amenés à conduire sur le territoire malien.
Enfin, le traité est conclu pour une durée de cinq ans renouvelable par tacite reconduction. Ainsi, cette relation de défense évoluera naturellement au fur et à mesure que le système de sécurité collective africain se renforcera.
Telles sont les principales observations qu’appelle le traité de coopération en matière de défense entre la République française et la République du Mali. Ce traité comporte notamment des dispositions relatives à la procédure pénale et au port d’arme, il doit donc être soumis au Parlement en vertu de l’article 53 de la Constitution.
Télécharger ici le Traité de defense
Source : Sénat français