Mali : faut-il s’inquiéter du retour des groupes armés à Kidal ?
Des hommes de la Coordination des Mouvements de l’Azawadà bord d’un pick-up.
Des groupes armés qui ont signé l’accord de paix d’Alger sont de retour dans la ville du nord-est du Mali, soulevant inquiétudes et interrogations.
La situation est loin d’être réglée autour de Kidal, dans le nord du Mali. En début de semaine, des centaines d’hommes du Gatia (Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés) favorables aux autorités de Bamako sont entrés dans la ville, qui est contrôlée, elle, par les ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Aujourd’hui, les rebelles demandent le retrait des hommes du Gatia, qui campe sur ses positions. Pour l’instant, aucun coup de feu n’a été entendu. Il n’y a donc pas de combat. Mais c’est à se demander pourquoi maintenant. Quelles sont les revendications des combattants pro-Bamako ? L’État était-il informé de leur arrivée ? À quoi ces groupes armés jouent-ils dans le nord du Mali ? Pour l’instant, la situation est très confuse, et les autorités maliennes sont plutôt silencieuses.
Tout commence mardi avec l’entrée du Gatia dans la ville. Des centaines de membres d’un groupe armé pro-gouvernemental malien sont entrés sans violence à Kidal, bastion de l’ex-rébellion dans le nord-est du pays. Ces derniers ont été aussitôt accueillis par les ex-rebelles de la Coordination des mouvements de l’Azawad, fixés, eux, dans la ville. À ce moment-là, les deux parties assurent agir en bonne intelligence. Azaz Ag Loudag Dag, un porte-parole du Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés, confie même à l’AFP que son groupe est entré à Kidal avec « bien sûr le consentement de (leurs) frères de la CMA ». Le Gatia est une composante de la « Plateforme », coalition de groupes soutenant le gouvernement. Ainsi, une centaine d’hommes ont débarqué à bord de véhicules, certains sont venus armés, d’autres non. L’accueil de la CMA ne s’est pas fait attendre, un membre de la CMA, le député Hamada Ag Bibi, ayant déclaré : « C’est vraiment la paix qui est en marche. Nos frères de la Plateforme sont avant tout des parents. Ils sont venus à Kidal avec bien sûr notre feu vert, même si leur entrée a un peu fait peur à certains. » Plusieurs personnalités sont revenues dans la ville par ce biais, ce qui a renforcé le caractère officiel de l’entrée du groupe pro-gouvernemental à Kidal. Le général El Hadj Ag Gamou, un officier touareg loyaliste de l’armée, réputé proche du Gatia, figure parmi les personnes entrées à Kidal, selon des témoins.
Que préparent ces groupes armés ? Pourtant, les rapports entre les deux groupes sont loin d’être évidents, surtout que dans un passé assez proche, l’été 2015, il y a eu de vifs combats entre CMA et groupes pro-Bamako à dominante touareg de part et d’autre. Et ce, malgré la signature de l’accord de paix en mai-juin entre le camp gouvernemental et l’ex-rébellion. Mais, depuis le 16 octobre et la conclusion de « pactes d’honneur » au terme de trois semaines de rencontres à Anéfis près de Kidal, chaque camp avait déposé les armes. Cette arrivée du camp pro-gouvernemental dans la zone du nord-est aurait donc pu être l’occasion de célébrer définitivement le rapprochement des deux groupes et le retour de la paix dans la zone. Mardi, il était en tout cas encore question d’imaginer une prochaine gestion commune de la ville et donc un probable retour à un ordre institutionnel. Avec un retour des représentants et symboles de l’État. « Nous voulons aller plus loin dans le processus de paix. C’est pourquoi nous avons mis sur pied plusieurs commissions de travail pour aller de l’avant. Et nous allons bien sûr participer à la structure qui va gérer la ville pour une période transitoire », a souligné M. Ag Loudag Dag.
Coup de théâtre mercredi. Mais, coup de théâtre ce mercredi, on apprend qu’un chef des anciens rebelles du nord du Mali réclame le départ de Kidal des membres du Gatia. « La CMA a tenu une réunion mercredi. La décision est que nous demandons au Gatia de quitter la ville de Kidal, avant les discussions » prévues avec eux sur leur retour, a déclaré à l’AFP Alghabass Ag Intalla, chef du Haut Conseil pour l’unité de l’Azawad (HCUA), une des principales composantes de la CMA. Selon lui, certains responsables de la CMA étaient « pour l’arrivée du Gatia dans la ville » et d’autres « contre cette arrivée ». « C’est vrai que le Gatia devait arriver. Mais pas comme ça. C’est une violation de l’accord d’Alger. Ce n’est pas normal. Le Gatia doit sortir de Kidal », a martelé ce dirigeant de la CMA en référence à l’accord de paix négocié à Alger et signé à Bamako en mai-juin 2015 avec le gouvernement malien et les groupes qui le soutiennent. « Pour le moment, nous ne voulons pas la guerre », a-t-il ajouté, interrogé par l’AFP sur le risque d’une reprise des hostilités en raison de la présence du Gatia à Kidal. Pour le moment, les hommes du Gatia refusent de bouger. Alors qu’aucun coup de feu n’a été tiré et que le calme régnait dans la ville, ce retournement de situation fait craindre une reprise des combats entre les deux groupes. Jeudi, la situation n’était toujours pas clarifiée. On ne sait pas ce qui a poussé les hommes du Gatia à entrer dans la ville ni ce qu’ils préparent. On ne sait pas non plus jusqu’à quand va durer le statu quo. Des discussions seraient en cours. La Mission des Nations unies (Minusma) fait tout de son côté pour calmer le jeu en passant des appels dans chaque camp dans le but de faire respecter l’esprit de l’accord d’Alger.
Source Le Point.fr