Fifa: l’élection du président entre incertitudes et chaos
Le Prince jordanien Ali et le Français Michel Platini.
Avant l’élection vendredi du successeur de Sepp Blatter à la tête de la Fifa, les cinq candidats jettent leurs dernières forces dans la bataille, sur le terrain ou en coulisses via leurs avocats, conscients qu’à l’ombre des affaires judiciaires la tâche du futur président sera immense.
Seront-ils encore cinq vendredi au moment où les 209 fédérations déposeront leur bulletin dans l’urne? Rien n’était moins sûr mardi matin.
A quatre jours de l’élection, le Suisse Joseph Blatter, et celui qui rêvait de lui succéder, le Français Michel Platini, devraient de leur côté connaître le sort de leur appel contre la sanction de suspension de huit ans prise à leur encontre.
Face à Gianni Infantino, l’Italo-Suisse de 45 ans, né à Brigue dans le Haut-Valais, à moins de 10 km de Viège, le village natal… de Joseph Blatter, l’autre grand favori est le président de la Confédération asiatique, le Cheikh Salman Bin Ebrahim Al Khalifa.
Et si Infantino a reçu le soutien de l’UEFA, de la Confédération sud-américaine (Conmebol) et de l’Union d’Amérique centrale de football (UNCAF), Salman peut lui se prévaloir de l’appui officiel de son continent et de la Confédération africaine (CAF). Mais certaines voix du continent noir, comme celle du Soudan du Sud qui a choisi Infantino, pourraient manquer à l’appel chez le leader bahreïni.
Car les positions sont loin d’être figées, et ce n’est sans doute pas un hasard si Infantino s’est déplacé lundi au Cap, à l’invitation de l’homme d’affaires sud-africain Tokyo Sexwale, un des autres candidats. « Je me sens très confiant concernant mes soutiens en Afrique. Je pense que j’aurai une majorité des votes africains », a-t-il même assuré.
M. Sexwale, dont la propre fédération n’est même pas certaine de voter en sa faveur, a lui répondu qu’il était un « réaliste » et qu’il était « ouvert aux alliances ».
Mi-janvier, le Prince jordanien Ali, candidat malheureux en mai face à Blatter et en difficulté pour rassembler sur son nom, a dénoncé de son côté les tentatives de négocier des votes en bloc, désignant implicitement les deux poids lourds, Infantino et Salman.
– Sexwale trop discret – Le dernier postulant, le Français Jérôme Champagne, ancien diplomate et ex-secrétaire général adjoint de la Fifa, a lui aussi eu du mal à exister.
M. Champagne, qui promet d’accroître l’aide au développement des fédérations les moins nanties, espère capitaliser sur son expérience. « Je n’ai pas honte de mes 11 ans à la Fifa », confie le Français, sans hésiter à répéter que « Blatter a fait du bien au football ».
A quelques jours du scrutin, les « petits » candidats se sont en tout cas lancés dans un activisme procédural.
Le Prince Ali a affirmé avoir saisi le Tribunal arbitral du sport pour obtenir l’installation d’isoloirs transparents, et Champagne a dénoncé le trop grand nombre « d’observateurs » de l’UEFA et de l’AFC accrédités pour le congrès. Des invités qui selon lui seraient là en tant que lobbyistes, pour faire campagne pour Salman et Infantino jusqu’à la dernière seconde.
Quel que soit le nom du prochain président de la Fifa, sa tâche sera lourde et périlleuse.
Aux procédures menées par la justice interne de la Fifa et à celles lancées par la justice américaine, visant une quarantaine de prévenus dont des anciens vice-présidents de la Fifa et membres du comité exécutif, s’ajoute une procédure pénale ouverte par la justice suisse.
– Reconquérir les sponsors – Dans le cadre de cette procédure suisse, Sepp Blatter a été mis en examen pour « gestion déloyale » et « abus de confiance », notamment pour un paiement sans contrat écrit de 1,8 million d’euros à Michel Platini, lequel a été entendu comme témoin assisté. Pour ce paiement intervenu 9 ans après la fin de la mission, les deux hommes ont été suspendus 8 ans.
Dans ce contexte, l’un des enjeux sera de retrouver la confiance du public et des sponsors, ces derniers contribuant à faire de la Fifa la fédération sportive la plus prospère au monde mais aussi la plus décriée, avec 4,8 milliards de dollars de revenus générés par le dernier Mondial au Brésil.
Pour y parvenir, des réformes profondes s’imposent comme la limitation du cumul des mandats, un contrôle de l’intégrité des élus et plus de transparence dans les rémunérations et les contrats.
Conscient de l’ampleur du défi que devra affronter le successeur de Joseph Blatter, en poste depuis 17 ans, le président par intérim de la Fifa, le Camerounais Issa Hayatou, l’a répété lundi dans un courrier aux 209 fédérations membres: « Nous devons nous assurer que ce congrès marquera une nouvelle aube pour la Fifa », « sur le chemin d’une crédibilité à regagner ».
AWP
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