Brésil: Dilma Rousseff écartée de la présidence
Mme Rousseff, 68 ans, est automatiquement écartée de la présidence pendant un délai maximum de 180 jours.
La présidente brésilienne Dilma Rousseff a été écartée du pouvoir jeudi 12 mai, suspendue de ses fonctions par le Sénat, et elle devait être remplacée dans la journée par son vice-président Michel Temer qu’elle accuse de coup d’Etat institutionnel.
En pleine tourmente, le géant émergent d’Amérique latine pourrait tourner ainsi la page de 13 ans de gouvernements du Parti des travailleurs (PT), ouverte en 2003 par l’ex-président Luiz Inacio Lula da Silva, qui a présidé au boom socio-économique brésilien des années 2000.
Les sénateurs ont voté à une large majorité de 55 voix (sur 81) l’ouverture formelle d’un procès en destitution de l’impopulaire dirigeante de gauche, accusée de maquillage des comptes publics, au terme d’une session historique entamée mercredi matin.
Seuls 22 sénateurs s’y sont opposés. Mme Rousseff, 68 ans, est par conséquent automatiquement écartée de la présidence pendant un délai maximum de 180 jours, dans l’attente du jugement final des sénateurs où un vote des deux tiers (54 sur 81), déjà dépassé jeudi, sera requis pour prononcer la destitution.
Celui-ci pourrait intervenir en septembre, entre les jeux Olympiques de Rio de Janeiro (5-21 août) et les élections municipales d’octobre.
– ‘Remède amer mais nécessaire’ –L’opposition de droite accuse la présidente d’avoir dissimulé l’ampleur des déficits publics pour se faire réélire en 2014 ainsi qu’en 2015, via des tours de passe-passe budgétaires. Elle lui reproche aussi d’avoir décrété des dizaines de milliards de dépenses sans l’aval du Parlement.
Ancienne guérillera torturée sous la dictature (1964-85), Mme Rousseff allègue que tous ses prédécesseurs ont eu recours à cette pratique sans avoir jamais été inquiétés.
Elle se dit victime d’un coup d’Etat institutionnel ourdi par Michel Temer, qui a précipité sa chute en poussant fin mars sa formation, le PMDB, à claquer la porte de sa majorité.
La sénatrice Gleisi Hoffmann (PT), ancienne chef de cabinet de Dilma Rousseff, a dénoncé une sanction disproportionnée. C’est comme si on voulait sanctionner par la peine de mort une infraction au code de la route, a-t-elle déclaré.
Aecio Neves, un des leaders de l’opposition à Mme Rousseff et candidat malheureux au second tour de la présidentielle en 2014, a estimé que le vote des deux tiers déjà atteint représente un signal positif pour le nouveau gouvernement, qui prend ses fonctions avec la perspective qu’il ne sera pas seulement un gouvernement temporaire mais qu’il devra conclure le mandat de la présidente.
Le Tribunal suprême du Brésil a par ailleurs autorisé ce jeudi l’ouverture d’une enquête pour corruption à l’encontre de M. Neves, soupçonné dans une affaire de pots-de-vin et de détenir un compte bancaire secret familial au Liechtenstein.
L’impeachment est un remède amer mais nécessaire, a jugé pour sa part le sénateur José Serra (PSDB, centre-droit) qui pourrait être nommé dans la journée ministre des Affaires étrangères.
Mme Rousseff devait s’exprimer vers 10H00 locales (13H00 GMT) avant de quitter le palais du Planalto, a indiqué à l’AFP le service de communication du PT.
Le PT a convoqué élus et militants devant le siège de la présidence à 08H30, sous le mot d’ordre Nous n’acceptons pas un gouvernement illégitime, pour entourer Mme Rousseff.
– Michel Temer aussi impopulaire – Mme Rousseff devrait rejoindre ensuite sa résidence officielle de l’Alvorada, où elle continuera de vivre avec sa mère pendant la durée du procès.
Le futur président en exercice Michel Temer, 75 ans, doit ensuite s’adresser à la nation depuis la présidence, accompagné de son futur ministre des Finances Henrique Mereilles, selon le site d’information UOL.
Homme d’appareil sans charisme, M. Temer est tout aussi impopulaire que Mme Rousseff. Une majorité de Brésiliens souhaitent son départ et des élections anticipées, non prévues par la Constitution.
Il va hériter du cocktail explosif qui a conduit droit dans le mur Mme Rousseff: la pire récession depuis les années 1930 et l’énorme scandale de corruption Petrobras, aux développements judiciaires imprévisibles, qui éclabousse son propre parti au plus haut niveau.
Il pourra compter dans un premier temps sur le soutien des milieux d’affaires qui espèrent un choc de confiance, et sur celui, prudent, des partis de droite qui ont oeuvré à la destitution de Mme Rousseff.
M. Temer prépare un paquet de mesures libérales impopulaires qui pourraient jeter les syndicats dans la rue: ajustement budgétaire sévère, réforme du système déficitaire des retraites et de la législation du travail.
Il va hériter en grande partie de l’insatisfaction des Brésiliens contre la politique traditionnelle qu’il incarne, souligne Thiago Bottino, analyste à la Fondation Getulio Vargas.
AFP
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