Affaire Fillon : vers une mise en examen la semaine prochaine ?
Le calendrier judiciaire de François Fillon se resserre.
Le candidat de la droite et du centre à la présidentielle pourrait être ciblé par une information judiciaire, mais aussi par une citation devant le tribunal pour un procès début mars.
Le calendrier judiciaire de François Fillon se resserre. Le candidat de la droite et du centre à l’élection présidentielle est pris dans une tourmente politico-médiatique depuis les révélations sur les emplois présumés fictifs de sa femme, les rémunérations touchées par ses enfants alors étudiants, et ses activités de conseil. Une tourmente qui a débouché sur une enquête préliminaire du parquet financier pour détournement de fonds publics, abus de bien sociaux et recel.
Si les présidents des groupes parlementaires de droite et du centre appellent à « la séparation des pouvoirs », dénonçant une justice qui prend « en otage » la présidentielle, l’affaire Fillon pourrait prendre un tournant la semaine qui vient. Selon le « Journal du Dimanche » du 12 février, le parquet financier s’apprête en effet à lancer des poursuites contre les époux Fillon.
Après 17 jours d’enquête et d’audition, Eliane Houlette, chef du parquet financier, étudie deux scénarios : soit l’ouverture d’une information judiciaire qui conduira à la mise en examen du candidat à la présidentielle, soit une citation devant le tribunal correctionnel qui permettra de déclencher un procès au plus tard début mars, soit en plein au moment du dépôt des candidatures à l’élection.
« Je ne vois aucun magistrat de la 32e chambre juger un candidat en pleine élection », pronostique Me Pierre Cornut-Gentille, avocat de Penelope Fillon, au « JDD ».
« Le camp Fillon ne croit plus à une issue favorable » L’avocat anticipe-t-il une mise en examen pour un procès
repoussé après l’élection ? Sauf qu’à la fin janvier, François Fillon a lui-même promis sur le plateau de TF1 :« Une seule chose pourrait m’empêcher d’être candidat, c’est si mon honneur était atteint, si j’étais mis en examen. »
Reniera-t-il sa promesse ? Ses avocats ont déjà préparé le terrain en assurant que cette « enquête [du parquet financier] viole les principes les plus fondamentaux du droit constitutionnel, qui est le garant de nos institutions, et les valeurs cardinales qui président au déroulement des investigations pénales », selon les mots de Me Antonin Lévy, avocat de François Fillon. Les deux avocats avaient demandé publiquement (en vain) au parquet de se dessaisir de l’enquête.
Pour le « JDD », l’initiative « accrédite le sentiment que le camp Fillon ne croit plus à une issue favorable ». Selon l’hebdomadaire, il y a quelques jours, François Fillon a lâché à ses équipes la boutade :
« Maintenant je fais du Chirac : je bombe le torse et je fonce dans le tas ! »
Source : L’Obs
7 scandales qui accablent François Fillon décryptésLe candidat des Républicains voit sa campagne plombée par une succession de révélations compromettantes. Le point pour s’y retrouver dans ces affaires à tiroir. Les révélations sur les emplois présumés fictifs de Penelope Fillon ont ouvert une boîte de Pandore. Indemnités de départ, salaires de ses enfants, activités de la société de conseil… Le parquet financier a ouvert une enquête préliminaire pour détournement de fonds publics, abus de biens sociaux et recel. Que reproche-t-on à François Fillon ? 1 L’attachée parlementaire invisibleDe quoi s’agit-il ? C’est le gros morceau, celui qui alimente les soupçons d’emplois fictifs et qui a déclenché le scandale. François Fillon, alors député de la Sarthe, a salarié son épouse Penelope comme attachée parlementaire à plusieurs reprises. D’abord entre 1986 et 1990, puis entre 1998 et 2002, et encore entre 2012 et 2013. Quand François Fillon a rejoint le gouvernement, son suppléant, Marc Joulaud, l’a salariée entre 2002 et 2007. Embaucher sa femme n’est pas illégal. Sauf que, selon « le Canard enchaîné », Penelope Fillon n’aurait pas travaillé. De multiples témoignages accréditent cette thèse, à commencer par l’épouse du candidat elle-même :« Je n’ai jamais été son assistante ou quoi que ce soit de ce genre. Je ne m’occupe pas non plus de sa communication », a-t-elle déclaré en mai 2007 au journal britannique « Sunday Telegraph ». La journaliste Christine Kelly, auteure d’une biographie de François Fillon, témoigne qu’elle n’a pas vu son épouse travailler:« Quand j’ai rencontré Penelope Fillon, elle est mère au foyer, on est à l’automne 2007, elle ne travaille pas ». L’élu Les Républicains a cessé de salarier sa femme en 2013, après l’affaire Cahuzac. C’est-à-dire précisément au moment où le vote de la loi sur la transparence de la vie politique (à laquelle il était opposé) allait le contraindre à déclarer les activités de sa conjointe.
Dans un premier article, le « Canard enchaîné » évoque une rémunération d’environ 500.000 euros au total. Mais cette estimation est portée à 831.440 euros bruts la semaine suivante (680.000 euros net, selon les documents produits par François Fillon).
Dans un premier temps, le candidat a d’abord affirmé avoir embauché sa femme en 1997 : »Ma femme travaille pour moi depuis toujours. Elle l’a fait bénévolement pendant des années. En 1997, j’ai un collaborateur parlementaire qui est parti, je l’ai remplacé par Penelope. » (TF1, jeudi 26 janvier) Puis, après de nouvelles révélations, le candidat a été contraint de changer de version. François Fillon assure que les emplois n’étaient pas fictifs, mais pourquoi est-il si difficile de retrouver une lettre, un email, voire un simple texto, qui prouverait la réalité du travail de Penelope Fillon ? Et où l’épouse du député travaillait-elle ? L’avocat du candidat a affirmé qu’elle assurait une permanence au domicile, or, la permanence du député de la Sarthe se trouvait à l’hôtel de ville de Sablé-sur-Sarthe, souligne Mediapart. 2 Quand Penelope Fillon se dédouble
Penelope Fillon a été rémunérée comme attachée parlementaire durant 185 mois au total, soit l’équivalent de plus de 15 années pleines. Mais l’été 2002 retient plus particulièrement l’attention. Aux législatives de juin, François Fillon est réélu député, mais il est bientôt nommé ministre. Le contrat de sa « collaboratrice » Penelope Fillon prend fin un peu plus tard, le 21 août 2002. Le siège de député de François Fillon revient à son suppléant, Marc Joulaud… qui embauche Penelope Fillon dès le 13 juillet. Durant un peu plus d’un mois, elle perçoit ainsi deux rémunérations pour deux emplois simultanés.
L’addition des deux rémunérations revient, sur un mois, à 9.257,82 euros nets. Un montant particulièrement élevé car entre juillet 2002 et août 2007, la rémunération de Marc Joulaud atteint 6.009,07 euros nets par mois. Ce qui est supérieur à l’indemnité du député lui-même, qui s’élève à 5.388 euros (7.185,60 euros bruts, hors indemnité de frais de mandats).
François Fillon ne s’est pas expliqué sur ce point. « Personne n’a le droit de juger du contenu du travail des attachés parlementaires », a-t-il seulement lancé, pour récuser toute question trop précise. 3 De prodigieuses indemnités de licenciement
Le « Canard enchaîné » révèle le 7 février le montant surprenamment élevé des indemnités de licenciement de Penelope Fillon.
45.000 euros, payés par l’Assemblée nationale, affirme le « Canard ». François Fillon conteste cette somme, tout en avançant des montants qui s’en approchent. Selon lui :
Comme tous les salariés, les assistants parlementaires ont droit à des indemnités de licenciements, mais pas à un niveau aussi élevé. Quand un assistant a entre un et dix ans d’ancienneté, son indemnité correspond à 1/5e de mois de salaire de référence par année d’ancienneté.
François Fillon a dénoncé « les mensonges du Canard enchaîné », mais n’a pas justifié le montant des indemnités. 4 Des jobs en or pour les enfants Fillon
Entre 2005 et 2007, François Fillon, devenu sénateur de la Sarthe, embauche non pas sa femme (elle est déjà salariée par Marc Joulaud à l’Assemblée) mais deux de ses enfants, qui sont encore étudiants. Marie, âgée de 23 ans, est salariée durant 15 mois, jusqu’au 31 décembre 2006. Son niveau de rémunération est particulièrement élevé pour une personne de son expérience – 3.373 euros, puis 3.814 euros bruts par mois. Il correspond à un travail à plein temps. Pourtant, elle suit des études de droit et effectue au même moment un stage dans un cabinet d’avocats. Dès le 1er janvier 2007, Charles lui succède. Il a 22 ans et est encore mieux payé que sa sœur : 4.846 euros mensuels (soit 27% de plus…), selon le « Canard enchaîné ». Lui aussi est encore étudiant.
57.084 euros pour Marie, 26.651 euros pour Charles, soit un total de 83.735 euros, selon le « Canard ».
Le candidat des Républicains affirme que ses enfants ont réellement travaillé. Pourtant, là non plus, il ne parvient pas à en produire la preuve. Aux enquêteurs, François Fillon explique que Marie l’a aidé à préparer un livre : « Elle a travaillé sur beaucoup de sujets, mais en particulier sur la base documentaire permettant d’écrire ce livre », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse. Et Charles ? François Fillon a expliqué aux enquêteurs que son fils avait travaillé à la préparation de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy de 2007. Mais cette justification n’est pas sans poser une nouvelle difficulté car elle peut s’apparenter à un financement illégal de campagne électorale. François Fillon a donc changé de version lors de sa conférence de presse du 6 février : « J’ai indiqué aux enquêteurs qu’il avait constitué des bases documentaires pour me permettre de préparer le projet politique qui a été le nôtre, et pour me préparer à être pendant cinq ans Premier ministre. » 5 Les Deux mondes et les deux salaires
De mai 2012 à décembre 2013, Penelope Fillon a été salariée par la « Revue des Deux Mondes », comme conseillère littéraire, a révélé le « Canard enchaîné ». La encore, elle est soupçonnée d’emploi fictif : en 20 mois, elle n’a rédigé en tout et pour tout que deux brèves notes de lecture, sous pseudonyme. Michel Crépu, qui dirigeait la revue à l’époque, précise à « l’Obs » qu’il ne l’a « jamais rencontrée ». La Revue des Deux Mondes appartient à Marc Ladreit de Lacharrière, décoré de la grand-croix de la Légion d’Honneur un peu plus tôt, en 2010, alors que François Fillon est Premier ministre.
Penelope Fillon est rémunérée 5.000 euros par mois, soit 100.000 euros en tout, selon le « Canard ». A cette époque, l’épouse de François Fillon cumule deux emplois à plein temps, puisqu’elle est aussi rémunérée comme assistante parlementaire de Marc Joulaud pour 3.872,91 euros. Un cumul qui, selon « le Parisien », aurait été rendu possible lors de l’embauche à l’Assemblée par un stratagème : en minimisant le nombre d’heures censées être effectuées à la « Revue des deux mondes » afin de rester dans la limite de 44 heures hebdomadaires.
Le candidat n’a pas justifié l’embauche. « Les choses ne se sont pas bien passées. Le directeur de cette revue l’a prise en grippe », a-t-il déclaré aux policiers, selon « Le Monde ». Pour sa part, Marc Ladreit de Lacharrière soutient qu’il a confié à l’épouse de François Fillon une « réflexion stratégique informelle » sur l’avenir de la revue. 6 Le généreux chéquier du Sénat
Les sénateurs disposent d’une enveloppe pour rémunérer leurs assistants. Certains d’entre eux, qui n’avaient pas utilisé l’intégralité de leur budget, ont reversé l’argent restant au groupe Les Républicains. Puis, selon Mediapart et le « Journal du Dimanche », le groupe a reversé l’argent à ces sénateurs. Deux juges d’instruction enquêtent depuis 2013 sur ces soupçons de détournement de fonds publics. Six personnes sont mises en examen dans ce dossier, dont des sénateurs LR.
François Fillon aurait perçu sept chèques entre 2005 et 2007, selon le « JDD ». Montant total : 21.000 euros.
L’entourage de François Fillon a prévenu qu’il ne ferait « aucun commentaire sur une affaire judiciaire en cours ». Fillon confirme sans ciller avoir touché de l’argent détourné au Sénat 7 Les mystères de 2F Conseil
Un député n’a pas le droit d’exercer des activités de conseil, ceci afin d’éviter tout trafic d’influence. Seule exception, si le parlementaire exerçait cette activité avant d’être élu. François Fillon, élu député le 17 juin 2012, a anticipé, puisqu’il a fort opportunément créé sa société 2F Conseil onze jours plus tôt, le 6 juin. François Fillon a longtemps refusé de dévoiler le nom de ses clients, ce qui a alimenté les spéculations sur l’origine de ses revenus. François Fillon s’est rendu plusieurs fois en Russie et au Liban mais seule une conférence au Kazakhstan, facturée 30.000 euros en 2013, a été rendue publique par le « Canard enchaîné ». Alors, d’où viennent les centaines de milliers d’euros que rapporte la société ? Lors de sa conférence de presse du 4 février, François Fillon a cité quelques-uns de ses clients : « L’assureur Axa, la société Fimalac et la banque Oddo ». On retrouve là des proches de François Fillon. Axa a longtemps été dirigée par Henri de Castries, qui soutient aujourd’hui le candidat de la droite pour la présidentielle. Le patron de Fimalac n’est autre que Marc Ladreit de Lacharrière, le propriétaire de la « Revue des deux mondes ». Philippe Oddo, classée 125e fortune de France par « Challenges », a aussi recruté en 2015 Arnaud Barthélémy, ex-membre du cabinet de François Fillon, selon « Libération ». Enfin, le siège social de la société 2F Conseil a d’abord et domicilié au numéro 2 de l’avenue Hoche, là où se trouve aussi un cabinet dirigé par René Ricol, ancien commissaire à l’investissement du gouvernement de François Fillon. Le cabinet Ricol Lasteyrie Corporate Finance, leader de l’évaluation financière, est l’un des plus généreux clients de François Fillon.
Entre 2012 et 2015, 2F Conseil a rapporté 750.000 euros à François Fillon, soit un revenu mensuel moyen de 17.600 euros. Axa a versé 200.000 euros d’honoraires, selon BFM Business. René Ricol a confirmé auprès du « Monde » avoir eu recours aux services de François Fillon, pour un contrat qui lui aurait rapporté entre 40.000 et 60.000 euros par an, et environ 200.000 euros au total.
Le candidat, qui prône un rapprochement avec la Russie de Vladimir Poutine, a assuré lors de sa conférence de presse : « La liste de mes clients ne comprend aucune entreprise russe ni aucun organisme de ce pays », « toutes les conférences que j’ai données en Russie l’ont été à titre gratuit ». François Fillon fait aussi face à des accusations de conflits d’intérêts – François Bayrou lui reproche d’être « sous l’influence des puissances de l’argent – mais le candidat n’a pas répondu sur ce point. Source : L’Obs |