Pourquoi il faut maintenir la pression sur le Colonel Assimi Goita
Aujourd’hui le Colonel Assimi Goita est vu par beaucoup comme un héros, tant dans son pays qu’en dehors. Une partie de la presse africaine commence à faire ses éloges, suite à son bras de fer avec la France. Pourtant ce sont ces mêmes personnes qui se plaignent du manque de démocratie dans nos différents pays. C’est contradictoire de dénoncer les régimes en place pour leur supposé manque de démocratie, et dans le même temps plébisciter quelqu’un qui a renversé un régime démocratiquement élu, et qui désire se maintenir encore cinq années au pouvoir, après y avoir passé 18 mois.
En Afrique de l’Est et en Afrique australe, il n’ y a pratiquement pas eu de putsch depuis le début des années 2000. Pourtant les régimes dans cette zone ne sont pas tous démocratiques. Et beaucoup de pays ont traversé, et traversent en ce moment des guerres ( Mozambique, Ethiopie, Est de la RDC etc.). Mais il y a un consensus sur le fait que l’armée ne doit plus désormais intervenir dans la vie politique. Les élections sont contestées, les présidents sont conspués par la rue, mais les armées se mettent à l’écart. En Afrique de l’Ouest nous n’avons pas encore ce consensus, et il faut s’en inquiéter, non pas seulement pour cette partie du continent, mais pour toute l’Afrique, car ce qui s’ y passe en ce moment peut donner « des idées » aux militaires partout sur le continent.
Si le régime du Colonel Goita arrive à prospérer, si l’ homme réussit à se maintenir au pouvoir sur une longue période grâce à des rallonges successives de la période de transition, on peut être certain que cela fera tache d’huile, pas seulement en Afrique de l’Ouest. Cela voudra dire que les militaires peuvent revenir aux affaires comme dans les années 70, 80, et 90, en mettant cette fois en place des « transitions », théoriquement dirigées par des civils, mais dont ils seront les véritables maîtres. Cela voudra aussi dire que les élections ne sont pas vraiment importantes, dès lors qu’on peut renverser un président élu, pour peu qu’il soit contesté par la rue.
Le premier putsch du Colonel Goita d’Août 2020 rappelle à bien des égards le premier putsch de Gnassingbé Eyadéma ( le père de Faure Eyadéma ) en 1963 au Togo. Ce fut le premier putsch en Afrique francophone, et l’un des tout premiers en Afrique. Ce fut un électrochoc qui montra que les » pères fondateurs » pouvaient être renversés. Et malheureusement c’est ce qui arriva, la série noire des putsch commença alors sur le continent, où pratiquement tous les pères des indépendances furent renversés les uns à la suite des autres. Le putsch d’Assimi Goita a montré qu’on pouvait renverser un président démocratiquement élu. Les récents putsch en Guinée Conakry, au Burkina et le putsch manqué en Guinée Bissau en sont la conséquence logique. Faut-il laisser la gangrène prendre davantage sur le continent ? Un président élu doit-il être forcément renversé dès lors qu’il est contesté par la rue ? Un putsch représente-t-il une solution viable à long terme pour un pays ?
Le Colonel Goita n’a fait aucun miracle depuis 18 mois qu’il est en place. Sur le plan militaire, la situation s’est totalement dégradée. Le centre du pays échappe désormais au pouvoir de Bamako. Le fait de faire venir des Russes prouve l’incapacité de l’armée malienne, donc son incapacité en tant que Chef de cette armée à combattre la menace. L’armée malienne a toujours été accusée d’un manque d’engagement. Ses 18 mois à la tête du pays n’ y ont rien changé. Sur le plan politique, ce sont des arrestations de journalistes et d’opposants, les Maliens ne peuvent plus manifester. Sur le plan économique, ce sont des grèves incessantes. Son putsch a plombé l’investissement dans le pays. Tous les bailleurs de fonds ont suspendu leur aide. Faut-il laisser un tel régime en place cinq années de plus avec le risque de contagion que cela représente pour toute la sous-région voire pour toute l ‘Afrique ?
Il est donc absolument nécessaire que les sanctions soient maintenues et au besoin alourdies afin que le Colonel Goita cède le pouvoir à un président que les Maliens éliront. Certes la population souffre des sanctions imposées, mais dans l’histoire contemporaine de l’Afrique, ils sont rares les militaires qui ont cédé le pouvoir d’eux-mêmes après s’en être emparé par un putsch. Il est clair en ce moment que le Colonel Goita s’accroche. Il a pris goût au fauteuil, et il ne sera pas facile à déloger. C’est dire que les sanctions sont un mal nécessaire pour les populations maliennes, mais également pour les autres pays, le Mali étant le troisième PIB de l’UEMOA. Les sanctions affectent aussi ses voisins. Mais il est important que le Colonel Goita « capitule » afin que les putschs ne soient pas vus comme des instruments de résolution des crises internes dans les pays.
Douglas Mountain