Mali : la cour de justice de l’UEMOA ordonne la suspension des sanctions
Alors que la CEDEAO se réunit vendredi 25 mars, la cour de justice de l’UEMOA vient de suspendre les sanctions économiques adoptées contre le Mali le 9 janvier.
C’est une nouvelle qui pourrait influer sur le rapport de force diplomatique en cours entre les dirigeants ouest-africains et les autorités de transition malienne. Une cour de justice de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) a ordonné ce jeudi 24 mars la suspension de sanctions prises en janvier dernier par l’Afrique de l’Ouest contre le Mali.
La nouvelle a été annoncée par des avocats de l’État malien avant que l’institution ne la confirme. « La cour de justice de l’UEMOA), saisie par les avocats de l’État malien, a ordonné “le sursis à exécution” des sanctions prononcées par la conférence des chefs d’État et de gouvernement de l’UEMOA lors de sa session extraordinaire tenue à Accra le 9 janvier », affirme cette ordonnance.
Dures sanctions
L’UEMOA avait alors suspendu le Mali de ses organes, endossé des sanctions prises par la CEDEAO comme le gel des avoirs financiers d’environ 150 personnalités liées à la junte malienne, et surtout annoncé « des sanctions additionnelles vigoureuses incluant notamment des sanctions économiques et financières ».
Elle avait dit qu’elle se solidariserait avec les mesures de rétorsion que prendrait ultérieurement la CEDEAO, dont les pays de l’UEMOA sont tous membres.
Dans la foulée du sommet de l’UEMOA, la CEDEAO avait annoncé la fermeture des frontières avec le Mali et suspendu les échanges financiers et commerciaux autres que de produits de première nécessité.
Les organisations régionales sévissaient ainsi contre le projet alors affiché par les militaires de se maintenir encore jusqu’à cinq ans de plus à la tête de l’État, alors qu’ils s’étaient initialement engagés à organiser en février 2022 des élections qui auraient ramené les civils à la direction de ce pays pris dans la tourmente sécuritaire et politique depuis 2012.
L’impact potentiel de ces sanctions sur un pays pauvre et enclavé a suscité une vive inquiétude, mais aussi un large ressentiment, au-delà du Mali, contre les organisations régionales. Les autorités maliennes ont accusé la CEDEAO de se laisser instrumentaliser par la France, en pleines tensions diplomatiques entre Bamako et Paris.
Un sommet très attendu
Mi-février, un collectif d’avocats mandatés par le gouvernement malien a saisi la cour de justice de l’UEMOA de deux requêtes : l’une pour demander l’annulation de sanctions illégales selon eux, et une autre pour les suspendre.
C’est sur cette dernière requête que s’est prononcée la cour de justice en attendant de statuer sur le fond. La cour note qu’elle peut ordonner un sursis d’exécution en cas d’« urgence ». Les arguments de l’État du Mali quant à ce caractère d’urgence sont « fondés dans la mesure où (l’)application (des) sanctions risque d’entraîner des conséquences difficilement réparables au regard de l’impact social, économique et financier », dit-elle.
Les conséquences sur les sanctions de la CEDEAO étaient peu claires dans un premier temps. La décision de la Cour de justice devrait peser sur un nouveau sommet extraordinaire de la CEDEAO prévu vendredi au Ghana.
La CEDEAO a jusqu’alors conditionné une levée progressive de ses mesures de rétorsion à la présentation par les autorités d’un calendrier électoral « acceptable ». Le médiateur de la CEDEAO Goodluck Jonathan est reparti dimanche du Mali sans être parvenu à un accord avec la junte sur ce point.
La CEDEAO a à ce jour demandé l’organisation d’élections dans un délai de 12 à 16 mois. Au cours de la visite du médiateur Goodluck Jonathan il y a quelques jours, le gouvernement installé par les militaires a lui-même reconnu que le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, avait ramené les prétentions initiales à deux années supplémentaires avant la tenue d’élections.
La CEDEAO a invité le colonel Goïta, qui a pris le pouvoir par la force avec d’autres colonels en août 2020 et s’est fait investir président à la suite d’un second putsch en mai 2021, à prendre part au sommet. Cependant d’après plusieurs sources dont un courrier des Affaires étrangères que consulté par l’AFP, le colonel malien ne pourra pas participer. Il exprime sa « disponibilité à interagir » avec les dirigeants ouest-africains par visioconférence, dit ce courrier envoyé à la CEDEAO.
Une délégation de quatre ministres se préparait à représenter le Mali à Accra, mais le format du sommet, un huis-clos entre chefs d’État, interdit de fait leur participation. C’est ce qu’a expliqué dans un tweet laconique le ministre malien des Affaires étrangères, Abdoulaye Diop.