Jean-Yves Le Drian convoqué par la justice malienne
Cette convocation fait suite à une plainte d’une association dénommée « Maliko » (« La cause du Mali »), proche de la junte actuellement au pouvoir dans le pays, sur fond de fortes tensions diplomatiques entre Paris et Bamako.
La brouille diplomatique entre le Mali et la France se poursuit. Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian est convoqué par la justice malienne dans le cadre d’une enquête portant sur une « atteinte aux biens publics et autres infractions », a-t-on appris ce mercredi auprès d’un tribunal de Bamako.
« Le juge d’instruction du deuxième cabinet au tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako (pôle économique et financier) invite Monsieur Jean-Yves Le Drian à se présenter à son cabinet le lundi 20 juin 2022 pour affaire le concernant », précise la convocation, qui a été authentifiée par la justice malienne.
« C’est une histoire d’attribution d’un marché de fabrication de passeports maliens à une société française (à laquelle) le fils de Le Drian serait lié », a précisé une source judiciaire malienne. Selon un document officiel, l’affaire daterait de 2015, lorsque Ibrahim Boubacar Keita était président du Mali. À cette époque, une société française – Oberthur Technologie – a obtenu pour une dizaine d’années le marché de fabrication des passeports biométriques maliens.
« Le Drian était à l’époque ministre de la Défense. A-t-il appuyé le dossier pour défendre une entreprise française ou ses intérêts ? Voilà en gros ce que la justice malienne cherche à comprendre. Là, nous sommes au stade des enquêtes », a déclaré une autre source judiciaire malienne.
Cette enquête ferait suite à une plainte d’une plateforme de plusieurs associations de la société civile malienne, dénommée « Maliko » (« La cause du Mali »), proche de la junte actuellement au pouvoir. « Les procédures et règles instituées par la législation malienne, en particulier le décret n° 2015 – 06040 du 25 septembre portant code des marchés publics ont été allègrement violées à l’occasion de l’attribution du marché susmentionné », affirme un document qui accompagne la plainte.
« Aucun fondement juridique »
Une source diplomatique à Bamako a affirmé ce mercredi « qu’à ce jour, aucune plainte n’est parvenue à l’ambassade de France à Bamako ». Commentant le dossier, une magistrate malienne a de son côté indiqué que « cette convocation » du ministre français en l’état n’avait « aucun fondement juridique ».
Les rapports entre Bamako et Paris ne cessent de se dégrader ces derniers mois, en particulier depuis l’arrivée au Mali de paramilitaires du groupe russe Wagner. Les autorités maliennes – dominées par les militaires arrivés au pouvoir par la force en août 2020 – reproche une supposée ingérence de la France dans la politique malienne et une partie de la population n’a plus confiance en l’armée française, déployée au Sahel, pour la protéger des attaques terroristes qui se sont multipliées.
La junte au pouvoir a annoncé début mai mettre fin au traité de coopération de 2014 avec la France, qui assurait une présence militaire au Mali, ainsi qu’aux accords de 2013 et 2020 fixant le cadre juridique de la présence de la force française Barkhane et du regroupement de forces spéciales européennes Takuba, initié par la France.
Fin avril, Bamako a accusé l’armée française d’espionnage en réaction à la diffusion par l’état-major français de vidéos tournées par un drone à proximité d’une base du centre du Mali montrant des soldats s’affairer autour de cadavres qu’ils recouvrent de sable.