Blaise Compaoré : la fin et les comptes
L’ex président Blaise Compaoré, après 27 ans de pouvoir, il doit désormais rendre des comptes.
Après presque trois décennies de règne sans partage, l’insubmersible Blaise Compaoré a été chassé par son peuple. L’heure de rendre des comptes a-t-il sonné ?
Chassé par une insurrection populaire, Blaise Compaoré, 63 ans, à quitté le pouvoir le 31 octobre 2014 par une fuite sans gloire à bord d’un hélicoptère de l’armée française. Depuis trois jours, le président du Faso fait face à un soulèvement populaire contre son projet de modification de l’article 37 de la Constitution limitant le nombre de mandats présidentiels, afin de se représenter en 2015. Le 30 octobre, l’Assemblée nationale où devait se tenir le vote pour modifier la loi fondamentale est brûlée par les manifestants. Les députés détalent, les voitures sont calcinées et les forces de l’ordre n’arrivent pas à contenir la foule. Cette fois-ci le président du Faso n’est pas sûr que l’armée le suive. Pour éviter un bain de sang où l’issue reste incertaine, il démissionne et le chef d’état-major des armées, Honoré Traoré, annonce la création d’un « organe de transition », chargé des pouvoirs exécutif et législatif, dont l’objectif est un retour à l’ordre constitutionnel « dans un délai de douze mois ». Ce dernier est écarté par le lieutenant-colonel Isaac Zida, 48 ans, numéro deux du Régiment de la Sécurité Présidentielle (SRP) et est désigné chef de l’Etat de transition du Burkina Faso par l’armée le 1er novembre 2014. Sous la pression de la communauté internationale il transmet le pouvoir à Michel Kafando (un diplomate). Ainsi, le nouveau président de la transition nomme le lieutenant-colonel Isaac Zida, le 21 novembre,Premier ministre.
Le chaud et le froid. Entre temps, exfiltré par les Français, Blaise Compaoré trouve refuge en Côte d’Ivoire le 31 octobre, puis au Maroc le 20 novembre. Mais qui aurait crut au lendemain de sa prise de pouvoir par l’assassinat de son frère d’arme et ami Thomas Sankara, l’icône de la révolution Burkinabé, un jeudi 15 octobre 1987, que ce fringant capitaine allait faire vingt sept ans et quinze jours de règne sans partage dans un pays qui a connu pas moins de cinq coups d’Etat en trente ans. C’est que le beau Blaise comme l’appelle ses compatriotes, un moment surnommé « la vipère » était devenu un véritable « caméléon » de la scène politique africaine. Élu président du Faso en 1991 à la suite d’un scrutin contesté et boycotté par l’opposition, il est réélu en 1998, 2005 et 2010. Soufflant le chaud et le froid maniant à merveille la carotte et du bâton, Blaise est arrivé à maintenir son peuple en laisse. Il tenait l’armée, l’administration et les chefferies traditionnelles. Ce soldat, révolutionnaire, putschiste, président qui rétablit le multipartisme et les libertés individuelles mais aussi accusé d’assassinat de ceux qui gênent son pouvoir comme Thomas Sankara son prédécesseur ou le journaliste Norbert Zongo est un animal politique. Sur le plan continental, Blaise Compaoré a joué un rôle controversé. C’est l’homme qui héberge sans sourciller les opposants aux régimes de ses voisins. Ce qui expliquait ses bisbilles avec Laurent Gbagbo de la Cote d’Ivoire. Mais aussi les autorités maliennes ne lui ont jamais pardonné d’avoir offert gite et protection aux rebelles touaregs. Il a également offert ses bons offices, sinon jouer le rôle de pacificateur dans certaines crise africaines (Cote d’Ivoire, Mali) grâce à une diplomatie efficace ce qui faisait de lui l’interlocuteur privilégié des Français et Américains. Souvent accusé d’avoir soutenu des dictateurs bannis par la communauté internationale comme Charles Taylor ou de déstabiliser le Togo de Gnassingbé Eyadema ou la Mauritanie de Ould Taya, le président Burkinabé a su s’imposer dans la sous région Afrique de l’Ouest.
←Michel Kafando, président de la Transition au Burkina
Comptes à rendre. Maintenant qu’il n’est plus au pouvoir, M. Compaoré doit répondre de certains dossiers compromettant de son long règne les assassinats de Thomas Sankara et de Norbert Zongo. L’une des premières décisions du président de transition burkinabè, Michel Kafando, a été d’autoriser, vendredi 21 novembre,des investigations pour identifier le corps du capitaine Thomas Sankara, héros national tué lors du putsch qui porta au pouvoir Blaise Compaoré. La mort du père de la révolution burkinabè aux côtés d’une dizaine d’autres collaborateurs sous les balles d’un commando,le 15 octobre 1987 à l’intérieur du Conseil de l’entente à Ouagadougou, n’a encore jamais été élucidée. Le nouveau pouvoir avait publié un certificat médical concluant à la « mort naturelle » de Sankara. Le cas Zongo est assez énigmatique du Compaoré. Après avoir commencé une enquête sur la mort mystérieuse de David Ouedraogo, le chauffeur de François Compaoré, le frère de Blaise Compaoré le journaliste Norbert Zongo est assassiné le 13 décembre 1998, avec les trois personnes qui l’accompagnaient, soulevant une très vive émotion à Ouagadougou, à travers tout le pays mais aussi dans les pays voisins. Si dans ce il y a eu un procès les vraies coupables n’ont jamais été poursuivies. Pour ces deux affaires les plus emblématiques de son pouvoir l’ex-président du Faso aura sans doute des comptes à rendre.
Fousseni TRAORE
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