Risques d’embrasement dans le nord Mali
L’Américain David Gressly, coordinateur humanitaire de la Minusma : « le recours à la violence n’est plus inacceptable »
La recrudescence de la violence dans le nord inquiète la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) qui monte le ton contre les fauteurs de troubles.
Le jeudi 1er Janvier 2015 le véhicule du maire de la commune d’Anderaboucane, Aroudeyni Ag Hamatou, a été attaqué sur l’axe Ménaka-Anderaboucane par des groupes armés. Une agression qui a causé la mort de deux personnes dont le maire lui-même . Dans un communiqué le gouvernement malien « condamne avec la dernière vigueur cet acte lâche et ignoble perpétré par des individus sans foi ni loi, qui seront traqués et punis selon la loi », tout en assurant les populations « de sa détermination à lutter contre l’insécurité, et à anéantir les groupes terroristes, en coopération étroite avec tous ses partenaires ».
Aroudeyni Ag Hamatou, maire d’Anderaboucane décédé→
Cette attaque n’est que l’épilogue d’une recrudescence de la violence dans le nord malien depuis un mois. Une guerre sans merci semble commencer entre les groupes armés de la Plateforme du 14 juin (MAA loyaliste à l’Etat malien, CMFPR, CPA-dissidence, GATIA, MPSA) et ceux de la Coordination (MAA rebelle, MNLA…). « Le 30 décembre 2014, les éléments de la coordination composés du MNLA et du MAA se sont pris à des paisibles populations en volant et en pillant à Bamba. Les mouvements de la Plateforme n’ont pas tardé à les déloger de Bamba, puis de Zorho » témoigne un communiqué de la Plateforme publié le 3 janvier. « S’en est suivie une poursuite qui les a conduit jusqu’à Ber où ils se sont retranchés et cachés derrière les femmes, les enfants et les éléments de la Minusma présente en ce lieu. Malgré nos nombreuses tentatives à les sortir pendant 3 jours, ils n’ont jamais voulu apparaître, prouvant leur volonté délibérée de se servir de ces paisibles populations comme boucliers et au mépris de la présence des forces internationales de la Minusma », assure le communiqué.
←Casques bleus des Nations Unies au nord du Mali
Les mouvements de la Plateforme affirmant tenir compte des bons offices de la Minusma et de l’engagement pris par des notabilités de la commune de Ber ont décidé de lever le siège autour de cette localité et donner une chance à la paix. Mais la mission des Nations Unis excédé par la violence commence à monter le ton. Elle a exprimé « sa profonde inquiétude suite à la série d’affrontements armés et d’actes de violence et provocation survenus durant les derniers jours dans un nombre de localités dans le nord du Mali ». Une délégation présidée par l’officier David Gressly, accompagné notamment par le commissaire adjoint de la police des Nations Unies, Jean Francois Voillot, s’est rendue à Bamba le 29 décembre. La mission avait déjà réagi en déployant un hélicoptère pour constater la situation sur le terrain le 24 décembre ainsi qu’une mission de ses casques bleus et de la police des Nations Unies à Bamba (Gao) et à Zarho (Tombouctou) aux fins de surveiller la situation. Des éléments d’infanterie et de génie des contingents du Bangladesh et du Cambodge ont été déployés à Bamba le 29 décembre pour prendre contact avec les autorités locales et évaluer la situation. Elle a également déployé une patrouille à Bamba et à Zahro le 31 décembre suite à des rapports faisant état de reprise des affrontements.
« Nous condamnons dans les termes les plus vigoureux tous ces actes de violence et de provocation, notamment la prise d’otages et le pillage et nous les dénonçons comme actes de violation aussi bien du cessez-le-feu que des droits de l’Homme. Les auteurs de ces violations doivent savoir qu’ils seront tenus pour responsables et répondront de leurs actes », a avertit David Gressly. Car depuis quelques temps, des tensions persistent entre la Coordination et la Plateforme dans la région de Ber au sujet de la libération de personnes respectivement prises en otage par les deux groupes.
Une délégation de l’Equipe mixte d’observation et vérification (EMOV) de Gao a été déployée à Tombouctou aux fins de rassembler les faits sur les événements qui ont eu lieu à Ber, Zahro et Bamba et en faire rapport au Comité technique mixte de sécurité (CTMS) qui se réunira le 15 janvier à Gao . « Le recours à la violence et à la provocation est d’autant plus inacceptable que les accords conclus prévoient le mécanisme du CTMS pour régler les différends et les plaintes. Et toutes les parties ont l’obligation d’assurer que les accords conclus soient respectés dans leur lettre et dans leur esprit surtout en cette phase critique où elles se préparent à entamer la phase ultime des pourparlers de paix à Alger », a prévenu David Gressly.
Ahmadou DIALLO