L’opposant Buhari remporte la présidentielle au Nigeria
Ex-général de 72 ans, Muhammadu Buhari fut à la tête d’une junte militaire dans les années 1980.
Le candidat de l’opposition Muhammadu Buhari a remporté l’élection présidentielle la plus serrée de l’histoire du Nigeria, en récoltant 15,4 millions de voix contre 13,3 millions pour le président sortant Goodluck Jonathan.
Le principal parti d’opposition au gouvernement de Googluck Jonathan a revendiqué mardi 31 mars la victoire de son candidat Muhammadu Buhari à l’élection présidentielle nigériane. Ex-général de 72 ans, il fut à la tête d’une junte militaire dans les années 1980 et se présentait pour la quatrième fois à la présidentielle depuis le retour du pays à la démocratie en 1999.
Mardi soir, le décompte presque complet des 36 états du pays, plus la capitale Abuja, réalisé par la commission nationale électorale indépendante (INEC) accordait en effet plus de deux millions de voix d’avance (sur 68,8 millions d’électeurs inscrits) à Muhammadu Buhari face au président sortant Goodluck Jonathan.
Le président sortant reconnaît sa défaite. Ce dernier a d’ailleurs officiellement reconnu sa défaite dans un communiqué. « Je remercie tous les Nigérians, une fois de plus, pour l’immense opportunité qui m’a été donnée de diriger ce pays […] J’ai transmis mes voeux personnels au général Muhammadu Buhari ».
« J’ai promis à ce pays des élections libres et justes. J’ai tenu ma parole » M. Jonathan a appelé les Nigérians mécontents du scrutin à le contester par les voies légales, avant d’ajouter : « Aucune ambition personnelle ne vaut le sang d’aucun Nigérian. L’unité, la stabilité et le progrès de notre cher pays est plus important que tout le reste ».
← Goodluck Jonathan.
Sans tarder, l’Union européenne a « chaleureusement félicité » mardi soir la victoire du candidat de M. Buhari. Le président français François Hollande a également félicité Muhammadu Buhari et « salué la détermination du peuple nigérian » ainsi que « le sens des responsabilités » du président nigérian sortant, qui a reconnu sa défaite.
Ce serait ainsi la première fois dans l’histoire de cette ancienne colonie anglaise que « l’opposition chasse un gouvernement par la voie des urnes au Nigeria », s’est réjouiLai Mohammed, porte-parole du Congrès progressiste (APC), le mouvement de M. Buhari, revendiquant la victoire dans une ambiance de joie, chants et tambours battants, parmi les leaders du parti réunis dans Abuja, la capitale. Pour gagner, Muhammadu Buhari a bien entendu pu compter sur les voix des électeurs originaires des Etats musulmans du nord du pays. Mais pas seulement.
Réputation d’intégrité. Il a aussi dominé le président sortant dans l’Etat de Lagos, le cœur économique du pays et l’Etat le plus peuplé, ainsi que dans plusieurs Etats du sud-ouest. Au total, il a ainsi remporté 20 états contre 15 au président sortant. Jusqu’au dernier moment, les Nigérians ont redouté que le processus électoral ne dérape. Les islamistes de Boko Haram, qui depuis des mois mettent le nord du pays à feu et à sang, avaient en effet promis de torpiller ce scrutin « impie ».
La précédente élection présidentielle, en 2011, incitait également à la prudence malgré l’appel au calme lancé quelques heures avant la fin du dépouillement par les deux principaux candidats. Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne avaient également mis en garde les différents protagonistes du scrutin contre toute tentative de fraude destinée à inverser le choix des électeurs.
Des affrontements post-électoraux avaient éclaté, il y a quatre ans, à la suite de l’annonce de la victoire de Goodluck Jonathan. Les heurts avaient fait 800 morts dans le nord du pays. Pays le plus peuplé d’Afrique avec ses 173 millions d’habitants et première puissance économique du continent, le Nigeria est divisé en deux parties sur le plan confessionnel : le nord, majoritairement musulman, et le sud, majoritairement chrétien.
Muhammadu Buhari, fort de sa réputation d’intégrité et de militaire à poigne – souvenir de son passage au pouvoir dans les années 1980, a promis de rompre avec la passivité des autorités précédentes vis-à-vis de Boko Haram et de lutter contre un autre mal endémique, la corruption.
Outre leur président, les 69 millions d’électeurs ont voté ce week-end pour élire les 109 sénateurs et les 360 députés nigérians. La rébellion de Boko Haram, qui menaçait d’empêcher le vote, notamment dans ses bastions du nord-est, a finalement échoué malgré quelques attaques, sans doute affaiblie ces dernières semaines par l’offensive internationale en cours.
AFP et AP