Aura-t-on encore internet en 2023 ?
En augmentant le nombre de câbles, on augmenterait aussi le besoin en électricité.
Selon un chercheur britannique, internet pourrait être confronté à un problème de capacité d’ici huit ans à peine. En cause, les demandes de débit en augmentation constante.
Internet pourrait-il arriver à saturation ? C’est ce que pense un chercheur britannique qui souligne que le réseau pourrait être rapidement confronté à un « capacity crunch », un problème de capacité pour véhiculer des flux de données toujours plus importants.
D’ici six à huit ans. « Nous commençons à atteindre un point, dans notre labo de recherche, où nous ne pouvons plus faire passer une seule donnée supplémentaire à travers un câble optique », a expliqué au « Daily Mail » le professeur Andrew Ellis, de l’université d’Aston de Birmingham. « Le délai avant que le marché atteigne ce même point de saturation est estimé à entre six et huit ans. » A son appel, des experts se réuniront le 11 mai prochain à la Royal Society de Londres pour examiner le problème et réfléchir à des solutions.
Les câbles de fibre optique sont des tuyaux transparents, flexibles, qui ont l’épaisseur d’un cheveu humain. L’information est transformée en lumière, envoyée à travers la fibre, puis transformée à nouveau en information. Jusqu’à présent, les fournisseurs d’accès internet (FAI) se sont contentés d’envoyer de plus en plus de données dans cette fibre. Pour faire face à l’augmentation de la demande, ils pourraient ajouter des câbles, mais évidemment, cela ferait gonfler la facture. « Si vous posez une deuxième ligne, cela coûte le double », indique le professeur Ellis au « Daily Mail ». Et ce coût se répercuterait indéniablement sur les abonnés.
Autre problème : en augmentant le nombre de câbles, on augmenterait aussi le besoin en électricité. Selon le « Daily Mail », 16% de l’énergie consommée en Grande-Bretagne provient d’internet. Dans une étude de 2013, Digital Power Group estime que l’ensemble de l’écosystème numérique pèse près de 10% de toute l’électricité produite dans le monde.
Un taux d’encodage plus élevé en raison de Netflix et co. « On peut effectivement s’inquiéter de la saturation des réseaux. Quand on observe la croissance du trafic, on réalise qu’elle est exponentielle », indique Julien Coulon, co-fondateur de Cedexis, l’aiguilleur du net, spécialisée dans l’amélioration de la performance web et mobile [dont « L’Obs » est cliente, NDLR]. « Selon Cisco, la vidéo représente 80% du trafic internet. Il y a cinq ans, la moyenne de visualisation était de 10 minutes et le taux d’encodage moyen était de 450 kilobits/secondes. Aujourd’hui, alors que la HD débarque sur Netflix et ses concurrents, le taux d’encodage avoisine les 3 mégabits/secondes. Le nombre d’utilisateurs d’internet s’est fortement accru, mais aussi la durée des contenus – on propose désormais des films de 90 minutes ou plus. »
En quelques années, l’offre et la demande ont explosé. Plus de personnes qui regardent plus longtemps un contenu encodé à un plus fort débit nécessite au final une capacité de bande passante exponentiellement plus importante », détaille-t-il.
« Aujourd’hui, internet est composé d’environ 50.000 réseaux interconnectés entre eux au niveau mondial. Au début, les sites prenaient un serveur, puis deux, puis un data center, puis deux, puis plusieurs Content delivery network (CDN), et aujourd’hui les éditeurs de contenus basculent sur plusieurs centres serveurs et plusieurs clouds, précise encore Julien Coulon. « En France, le réseau fait tout remonter par Paris. Certaines entreprises commencent à travailler sur des plateformes situées en région, histoire de gagner en disponibilité et en performance. »
Et les acteurs d’internet ont de très bonnes raisons de vouloir un internet rapide, comme le rappelle Julien Coulon. « Sur des sites d’e-commerce, une page qui met 2 secondes à s’afficher représente un taux de transformation[une vente effective, NDLR] de 7%. Si la page met 5 secondes à s’afficher, on tombe à 2,5%. Et si elle met 10 secondes, ce n’est plus que 0,5% ». »Pour les médias, c’est la même chose : plus le site est rapide, plus il y a de pages vues, donc plus il y a de pubs vues et donc plus de revenus pour les éditeurs de contenus », ajoute-t-il.
« L’internet est conçu pour tomber en panne ». Selon lui, « il faudrait 4 à 5.000 fois plus de bande passante d’ici 10 ans ». Mais il est loin d’être pessimiste : On peut cependant faire confiance à la loi de Moore. Il y a 10 ans sur une ligne de cuivre téléphonique on pouvait faire transiter 1 mégabit/seconde, aujourd’hui c’est 10 gigabits par seconde, soit 10.000 fois plus. »
« De plus, les logiciels s’améliorent, au niveau compression, tout comme les protocoles de transmission. Google travaille actuellement sur des nouveaux protocoles de transmission de données (QUIC) qui permettront encore plus d’accélérer la transmission des données. Le problème n’est pas le terminal mais la livraison du contenu. L’internet est conçu pour tomber en panne et la survie viendra du déploiement de plateformes distribuées un peu partout sur le territoire et dans le monde. Si on prend en compte les évolutions techniques, on va vers l’optimisation ».
Sollicité par le « Daily Mail », Andrew Lord, en charge de la recherche optique chez BT Group, le service de télécoms britannique, pense lui aussi que les scientifiques trouveront une solution : « Internet n’est pas sur le point de s’effondrer. Il reste beaucoup de bande passante ». Il suggère de stocker l’information dans des « fermes de serveurs » plutôt que de la transférer à chaque connexion.
« Il y a tellement d’argent en jeu qu’on trouvera des solutions », insiste Julien Coulon. Les acteurs du secteur investissent continuellement dans de nouvelles technologies. A ce titre, Orange vient d’annoncer vouloir injecter 15 milliards d’euros entre 2015 et 2018 dans ses réseaux et multiplier par trois en ses investissements dans la fibre d’ici 2020, afin d’offrir à chaque client « une expérience incomparable ».
Source: L’OBS