FIFA : Joseph Blatter gagne à la fin
Michel Platini, vice-président de la FIFA et président de l’UEFA, félicite Sepp Blatter lors de sa réélection à Zurich le 29 mai.
Vous m’avez gardé à la FIFA. Je reste avec vous. Je vous aime. » C’est par cette déclaration empreinte de gratitude surjouée que Joseph Blatter a refermé, vendredi 29 mai, le 65e congrès de la Fédération internationale de football. A 79 ans, le Suisse a été réélu pour un cinquième mandat à la tête de l’institution, dans la grande salle de l’Hallenstadion, à Zurich. Malgré la tempête judiciaire qui a ébranlé l’organisation deux jours plus tôt, avec l’arrestation de sept de ses dignitaires et la suspension provisoire de onze autres pour des faits présumés de corruption, l’empire du patriarche reste inexpugnable, car verrouillé.
Pour la première fois depuis 1998 et son arrivée aux commandes de la FIFA, le roué Valaisan n’a pourtant pas réussi à obtenir, au premier tour, les deux tiers des suffrages des représentants des 209 pays membres de la Fédération. Soutenu par cinq des six confédérations continentales, le septuagénaire n’a rassemblé sur son nom que 133 suffrages, contre 73 pour son adversaire, le prince jordanien Ali Bin Al-Hussein, appuyé par l’Union des associations européennes de football (UEFA) et son président, Michel Platini. Heureux de mettre symboliquement en ballottage le dirigeant sortant, assuré de s’incliner au second tour, le challenger a finalement décidé de jeter l’éponge. « Cela a été un beau voyage, merci à ceux qui m’ont suivi », a-t-il déclaré, sous les vivats du Congrès.
Sous la pression et le feu des critiques, « Sepp » Blatter a une nouvelle fois montré toute l’étendue de son habileté politique. « Ecœuré des scandales » à répétition, son ancien ami et conseiller Michel Platini ne l’avait-il pas prié de « démissionner de la FIFA » à la veille de sa grand-messe ? Son gouvernement n’était-il pas soudainement amputé de deux de ses vice-présidents, dont le patron de la Confédération d’Amérique du Nord, centrale et des Caraïbes (Concacaf), Jeffrey Webb, écroué par la police zurichoise en attendant d’être extradé vers les Etats-Unis, où le département fédéral de la justice enquête sur le versement depuis 1991 de 150 millions d’euros de dollars de dessous-de-table en échange de droits médias et marketing ?
D’une duplicité à toute épreuve, Blatter a fui ses responsabilités tout en assurant « assumer » la litanie d’affaires qui secouent la FIFA. « Je veux bien accepter que le président soit responsable de tout, mais j’aimerais partager cela avec le comité exécutif, et les fédérations nationales, a-t-il lancé. On ne peut pas contrôler en permanence les 1,6 milliard d’individus qui sont dans le football. » Assis à deux sièges de lui, Platini ne cachait pas son agacement et son dépit.
Socle électoral effrité. « Nous devons serrer les rangs. Réparons les dégâts pour que le bateau ne tangue plus et reparte directement à bon port », a clamé le patron du foot mondial, alors que l’attribution des Mondiaux 2018 et 2022, respectivement à la Russie et au Qatar, fait l’objet d’une enquête de la justice helvétique à la suite d’une plainte déposée, en novembre 2014, par la FIFA.
Au-delà de ces déclarations d’intention, le Congrès a été la vitrine des succès économiques et sociaux de l’ère Blatter. « La Coupe du monde, c’est notre poule aux œufs d’or », a souri le Suisse, dont l’organisation est assise sur une réserve financière de 1,5 milliard de dollars et affichait 5,7 milliards de revenus entre 2011 et 2014.
Les cadres de l’administration de la FIFA ont passé en revue les juteux programmes de développement lancés sous le règne de « Sepp » et dont profitent principalement les fédérations africaines, asiatiques et caribéennes, partisanes les plus ferventes de l’Helvète. S’il s’est légèrement effrité, le socle électoral du Valaisan reste solide. « Le football est en sécurité », souriait un délégué namibien au terme du congrès. « Les gens nous détestent peut-être, les journalistes n’aiment pas notre président, mais il faut respecter la démocratieet le résultat du vote », confiait le Paraguayen Juan Angel Napout, président de la Confédération sud-américaine (Conmebol) et nouveau membre du Comité exécutif.
« Il n’y aura pas de mauvais sentiments. Je serai le président de toute la FIFA », a assuré Blatter, alors que la rupture est consommée entre la Fédération et l’UEFA de Platini. « Le changement est crucial, si la FIFA veut retrouver sa crédibilité », a réagi le patron du foot européen Français au terme du congrès.
Joseph Blatter est pourtant passé à l’offensive, dès le lendemain de son élection. Il a en effet dénoncé, à la télévision suisse, une « haine, venue d’une organisation, l’UEFA » et a averti : « Je pardonne mais je n’oublie pas. » La réunion du comité exécutif, samedi, devait refléter ces tensions.
Reconduit en dépit du climat d’affairisme qui mine son organisation, Blatter a laissé entendre qu’il s’agirait de son dernier mandat. Il avait déjà fait cette promesse en 2011, lors sa troisième réélection. « Le temps que j’ai passé à la FIFA est encore court, a glissé l’Helvète, entré à la Fédération en 1975 comme directeur des programmes de développement, avant de devenir, six ans plus tard, le secrétaire général de son dirigeant brésilien Joao Havelange, resté au pouvoir durant un quart de siècle. Quelle est la notion de temps ? Le temps est éternel. »
Source : LE MONDE