Accord de paix au forceps sur le nord du Mali
Accord de paix au forceps sur le nord du Mali |
Il arrive fréquemment que les médiations servent à pousser les parties d’un conflit à trouver un accord, à contrecœur mais pour leur bien, en leur évitant de rester enfermées dans des détails ou des animosités. Le Mali vient-il d’être sauvé de lui-même ? La médiation internationale, menée par l’Algérie à train d’enfer, n’a pas dévié d’un cheveu de son objectif : faire signer les parties le 1er mars à Alger, renvoyer tout le monde chez soi, attendre la paix. Mais l’accord de paix et de réconciliation n’a été signé – ou plutôt paraphé, car la signature « définitive » n’aura lieu à Bamako qu’à la fin mars –, dimanche 1er mars à Alger, que par le gouvernement malien et les groupes du Nord-Mali qui lui sont proches. La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), qui regroupe les mouvements en faveur de l’autonomie du nord du Mali, après s’être vu refuser toutes ses ultimes propositions d’amendements, a demandé un « délai raisonnable » pour consulter la base de ses mouvements, chez elle, à Kidal. Refonte de l’armée malienne Parmi ces « signataires en suspens », on trouve le Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), qui reste central pour toute solution au Nord-Mali, et d’autres formations de la mouvance rebelle, issues de scissions de groupes à bases ethniques (comme le Mouvement arabe de l’Azawad, MAA, dont une partie est désormais du côté loyaliste). La CMA n’a pas rejeté l’accord d’Alger. Mais à présent, il lui faut faire de la diplomatie interne. Des manifestations contre le texte ont déjà été organisées à Kidal, Ménaka et Ber, pour protester contre un texte qui se refuse à mentionner les perspectives espérées d’autonomie pour le Nord, ou de solution relevant du fédéralisme. Les responsables politiques et militaires des mouvements armés devraient bientôt se retrouver à Kidal pour décider s’ils approuvent la signature d’un texte qui reconnaît, en guise de consolation, que l’Azawad, le nom qu’ils donnent au Nord-Mali, est une « réalité humaine ». Cette minuscule concession n’engage pas à grand-chose. Il n’est pas dit que les responsables nordistes apprécient le geste. D’autant que, pour les partisans discrets des tendances plus religieuses, une autre disposition de l’accord précise que le Mali restera « uni et laïc ». En compensation, l’accord offre des perspectives de renforcement réel des pouvoirs locaux, à travers la création d’Assemblées régionales élues au suffrage universel direct, dans un délai de dix-huit mois, et la promesse d’« plus grande représentation des populations du Nord au sein des institutions nationales ». Une refonte de l’armée malienne doit également avoir lieu pour intégrer des combattants des mouvements armés. Cette dernière mesure constituait le socle des accords – déjà sous parrainage algérien – destinés à éteindre les rébellions précédentes. Ses limites sont connues. Il reviendra donc aux mesures de décentralisation de faire la différence, pour relancer la confiance à l’échelle nationale. En mai 2014, le Mali avait subi un électrochoc lorsque des combats avec le MNLA, déclenchés par la visite du premier ministre d’alors, Moussa Mara, à Kidal, s’étaient soldés par la défaite cuisante des forces armées loyalistes et son retrait d’une grande partie du Nord. Région plus divisée que jamais Il avait alors fallu l’intervention du président mauritanien pour amener un premier cessez-le-feu et éviter la perspective d’un embrasement. Des négociations avaient ensuite été entamées à Alger, en juillet. L’équipe de médiation était large, composée de représentants de la Mission des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), de l’Union africaine, de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest, de l’Organisation de la coopération islamique, de l’Union européenne, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad, mais avec l’Algérie en chef de file. Alger est directement concerné par la situation au Nord-Mali, où évoluent les groupes d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI), et où elle a des intérêts pétroliers. La France, elle aussi, a poussé pour une solution politique. Mais déjà, à Paris ou à Alger, on regarde du côté de la Libye, objet de toutes les craintes actuelles. L’Algérie pourrait prendre la tête d’un nouveau processus politique concernant ce pays. Qui, alors, fera le suivi de l’accord de paix au Mali, alors qu’il y urgence à faire revenir l’Etat dans le nord du pays ? Cette région est plus divisée que jamais. Les relations avec la capitale n’ont pas été apaisées par le processus d’Alger. Et, à présent, le Nord subit le choc conjugué des groupes djihadistes, des trafiquants de drogue et d’une prolifération de nouveaux groupes armés. Le Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia), par exemple, apparu en août 2014, est désormais le bras armé de Bamako et de l’armée régulière. D’autres milices se sont réorganisées récemment sur des bases ethniques (notamment autour des Songhaï et des Peul). On est loin de l’ancien tête-à-tête entre la capitale et les rebelles touareg. Désormais, le Nord-Mali est une région éclatée dont AQMI, ou les groupes de la mouvance djihadiste, compte mettre toutes les faiblesses à profit pour s’y tailler, de nouveau, un fief. LE MONDE |