Angola : 6.000 étrangers affamés, assoiffés et des blessés confinés en prison
La police maltraitant les étrangers dans les rues de Luanda, la capitale angolaise.
Sous prétexte d’arrêter les étrangers en situation irrégulière la police angolaise est en train de commettre des exactions terribles et d’attenter aux droits humains.
« Affamées, assoiffées, et blessées, elles sont près de 6.000 personnes, toutes nationalités confondues (africaines ou asiatiques) qui sont présentement entassées dans la prison de “Trinta“ à 30 km de Luanda, la capitale angolaise. Si rien n’est fait, on risquerait d’apprendre dans ces quelques jours des décès dans cette prison faute de soins et de nourriture et d’hygiène pour des personnes arbitrairement arrêtées.» Ainsi nous alertait hier soir un jeune africain vivant en Angola et qui a requis l’anonymat pour des raisons de sécurité. L’on dénombre pour l’instant pendant les trois jours de rafles, selon nos sources : 6 morts (dont 04 guinéens, 01 somalien et une femme dont l’identité n’est pas connue) et d’innombrables blessés à l’arme blanche (notamment bâton et parfois le gourdin ramassé dans la rue). Certains graves blessés ont reçu des premiers soins élémentaires avant d’être immédiatement et directement éconduits en prison.
Ceux qui, malgré leur situation régulière, affirment être en danger d’arrestation arbitraire ou de torture à tout moment. Mais une source signale qu’elle a des parents et des amis qui ont été brutalisés dans la rue par la police, arrêtés puis conduits à la sinistre prison de Trinta. Ils sont confinés en prison et pendant la nuit il n’y a pas de place pour dormir. Selon les différents témoignages, les 6.000 prisonniers se repartissent entre plusieurs nationalités, africaines (Nigérians, Guinéens, Maliens, Sénégalais, Burkinabés, Ivoiriens entre autres) et asiatiques (Chinois, Pakistanais, Indiens et Libanais). Certains sont en situation régulière tandis que d’autres n’ont pas de titres de séjour.
Xénophobie et islamophobie. Tout a commencé le vendredi dernier, 19 décembre 2014, lorsque les forces de l’ordre angolaises (policiers en tenue et en civils, policiers-militaires) ont envahi et procédé à des rafles dans les différentes mosquées de Luanda à l’issue de la prière en début d’après-midi. L’objectif de l’opération, indique-t-on, arrêter toutes les personnes étrangères en situation irrégulière. Pour rafler le maximum de personnes et contenir la foule, les policiers angolais ont sévi contre les fidèles par des méthodes de répressions et de tortures avec une brutalité inouïe et de façon systématique en quadrillant les mosquées. L’opération a été ensuite étendue à l’ensemble de la capitale dans les points stratégiques où se trouvent beaucoup d’étrangers qui sont parfois poursuivis dans les rues. D’autres seront surpris dans leur famille, arrêtés dans leur dernier retranchement manu militari et rassemblés en petits groupes dans les quartiers avant d’être débarqués dans la prison Trinta. Les femmes et les enfants ne sont pas épargnés. La même “opération coup-de-poing“ a été déclenchée le lendemain samedi et surlendemain dimanche afin de ratisser sur toute la capitale. A la question de savoir si la population a pris part à ces rafles contre les étrangers, nos sources sont formelles : « la population n’a pas participé à l’opération. » Cependant, ajoutent-t-elles, depuis longtemps la population angolaise a commencé à manifester des signes de jalousie, de xénophobie avec des insultes du genre « sales étrangers » à l’endroit de ceux qui réussissent.
Malgré tout ils payent leurs impôts. Nos sources ont exprimé leur indignation et leur incompréhension face ce comportement barbare du régime angolais qui n’est pas à son coup d’essai. En effet les étrangers sont sporadiquement harcelés lors des opérations coup-de-poing de la police angolaise dont le caractère arbitraire et inhumain prend des proportions inquiétantes dans l’indifférence généralisée. Selon un témoin, seul le Nigéria assiste systématiquement ses ressortissants en cas de problème. Les autorités diplomatiques maliennes en Angola ont rendu une visite de soutien moral aux Maliens dans la prison de Trinta. « C’est fini, il n’y a aucune autre forme d’accompagnement, de protection ou de protestation contre les tortures commises par la police angolaise ». D’autre part l’incompréhension des étrangers, toutes les nationalités confondues, est d’autant plus grande qu’ils contribuent officiellement à la création de la richesse nationale de l’Angola à travers les impôts et taxes divers qu’ils payent à l’Etat. Beaucoup d’étrangers en Angola travaillent au niveau du commerce et des affaires diamantifères. A titre illustratif, une source témoigne qu’il a un petit magasin de vente à Luanda. Il paye tous les six mois 1.000 à 1.200 dollars (Kwanza, monnaie locale) d’impôt à l’Etat angolais. « Les étrangers disposant de gros magasins peuvent payer 40.000 à 50.000 dollars d’impôt tous les six mois. Les montants sont faramineux pour ceux disposant d’une société » a-t-il ajouté avant de renchérir qu’ils [ndlr, étrangers] payent d’autres petites taxes par mois. A toutes ces charges payées à l’Etat angolais, il faut également ajouter l’argent envoyé au pays d’origine pour couvrir des dépenses de famille. Le régime angolais malgré tout, déplorent nos sources, demeure tortionnaire et répressif contre les étrangers.
L’urgence demeure la libération des 6.000 personnes arbitrairement arrêtées et emprisonnées au mépris de toute législation, angolaise ou internationale. Elles ont droit au minimum de dignité : la nourriture et un toit. Elles doivent recouvrer la liberté ou bénéficier d’un procès équitable. Une forte interpellation est lancée aux autorités des ressortissants des pays africains et asiatiques concernés, de même que l’Union africaine et les organisations sous-régionales en Afrique de l’ouest ainsi que les organisations de défense des droits de l’homme (qui ont déjà commencé à réagir au Mali). Le régime angolais se rendra t-il coupable d’autres assassinats d’étrangers en prison ? La mobilisation ne doit pas faiblir !
Bakary TRAORE