Au Burkina Faso, le général Diendéré reconnaît ses « torts » après son coup d’Etat
Le général Diendéré à l’aéroport international de Ouagadougou, le 23 septembre 2015.
Le président de la transition au Burkina Faso, Michel Kafando, a été officiellement réinstallé à la tête du pays, une semaine après avoir été renversé par un putsch, lors d’une cérémonie publique, mercredi 23 septembre, en présence de chefs d’Etat de la région. L’organisation d’élections démocratiques demeure « l’objectif primordial », a déclaré M. Kafando après sa nomination.
A l’issue de cette cérémonie, le chef des putschistes, le général Gilbert Diendéré, a affirmé : « Le putsch est terminé, on n’en parle plus. » « Le plus grand tort a été d’avoir fait ce putsch », a ajouté l’ancien bras droit de l’ex-président Blaise Compaoré. « Aujourd’hui, quand on parle de démocratie, on ne peut pas se permettre de faire des actions de ce genre ».
« Nous avons vu ce qui s’est passé. Nous avons su que le peuple n’était pas favorable. C’est pour ça que nous avons tout simplement abandonné. (…) Ce qui me rend de bonne humeur, c’est que nous ayons évité l’affrontement. C’est très important. Nous avons toujours souhaité qu’il n’y ait pas de combats entre frères d’armes. »
Report des élections de plusieurs semaines. Mercredi matin, le président de transition burkinabé avait salué lors d’une allocution « la clameur nationale » qui s’est élevée « contre les usurpateurs ». « Le gouvernement de transition que vous avez librement choisi et en qui vous avez totalement confiance est resté le seul à incarner la volonté du peuple souverain. »
Le premier ministre de transition, Isaac Zida, également rétabli dans ses fonctions mercredi, a évoqué un report de « plusieurs semaines » des élections, initialement prévues le 11 octobre. Des scrutins présidentiel et législatifs devaient clore la période de transition ouverte après la chute de l’ex-président Blaise Compaoré, chassé par un soulèvement populaire en octobre 2014.
Michel Kafando avait été renversé le 17 septembre par le régiment de sécurité présidentielle (RSP), unité d’élite de l’armée burkinabée et garde prétorienne de Blaise Compaoré. Dans la nuit de mardi à mercredi, putschistes et loyalistes sont finalement parvenus à un accord d’apaisement, prévoyant notamment le retour du RSP dans ses casernes. Le général Gilbert Diendéré, chef des putschistes et ancien bras droit de M. Compaoré, a aussi accepté le retour au pouvoir du président de transition.
« Volonté du peuple ». Les présidents du Bénin Thomas Boni Yayi, du Ghana John Dramani Mahama, du Niger Mahamadou Issoufou, ainsi que le vice-président nigérian Yemi Osinbajo ont assisté à la cérémonie qui a rétabli le président de transition mercredi. Le premier ministre Isaac Zida, le gouvernement, le président de l’assemblée intérimaire Chérif Sy étaient également présents. « Cette cérémonie symbolise la poursuite de la transition vers une élection libre et apaisée. (…) Le rôle de la Cédéao ne peut être que de soutenir et accompagner les efforts des Burkinabés dans la poursuite de la transition civile », a souligné le président Boni Yayi.
Une délégation de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao) avait fait le déplacement à Ouagadougou, mercredi, pour superviser le rétablissement des autorités de transition. Michel Kafando a insisté sur le fait que les propositions de sortie de crise de l’organisation régionale devaient « prendre en compte la volonté du peuple ».
La médiation régionale devrait aussi tenter de résoudre plusieurs dossiers sensibles pour tourner la page de ce coup d’Etat. Parmi ces questions figure celle du processus électoral. Le putsch a porté un coup d’arrêt à l’organisation d’élections générales prévues en octobre et censées clore la période de transition ouverte par la chute de Blaise Compaoré, après le soulèvement populaire d’octobre 2014. Il faut « rester mobilisés autour de la transition pour qu’ensemble nous continuions ce que nous avons commencé, à savoir remettre le processus électoral sur les rails », a insisté Michel Kafando mercredi.
Un processus électoral qui inclura les anciens partisans de Blaise Compaoré ? Pour justifier leur coup de force, les soldats de la garde présidentielle réclamaient que ceux-là, qui avaient été exclus par le pouvoir de transition, puissent participer aux scrutins. Un premier projet d’accord présenté dimanche par les présidents sénégalais et béninois suggérait de réintégrer les partisans de Compaoré dans la campagne électorale mais, mardi soir, la Cédéao n’avait pas tranché.
Amnistie pour les putschistes ? Autre sujet de possible contentieux, l’amnistie réclamée par les putschistes. Michel Kafando a appelé mercredi à « honorer les mémoires des compatriotes injustement tombés pour la défense de la patrie ». Selon des sources hospitalières, au moins dix manifestants ont été tués, et des dizaines d’autres blessés en une semaine. « La nation tout entière leur rend hommage en attendant d’examiner la façon dont nous solderons les conséquences de cette funeste barbarie », a ajouté le président de la transition.
Enfin, le sort du RSP reste en suspens. Selon l’accord conclu dans la nuit de mardi à mercredi, le RSP s’est engagé à cantonner ses soldats dans leur base de Ouagadougou et à se retirer des rues de la capitale. Les forces loyalistes, des unités habituellement stationnées en province qui avaient convergé sur la capitale lundi, ont, elles, promis de « reculer de 50 km » et de « garantir la sécurité du personnel [du RSP] et de leurs familles ».
La société civile et le premier ministre issu de ses rangs, le lieutenant-colonel Isaac Zida, réclamaient toutefois la dissolution de cette véritable armée dans l’armée. Mercredi, M. Zida jugeait « inimaginable » de « conserver le RSP en l’état ». Le gouvernement de transition doit se réunir dès jeudi « au nom de la continuité de la vie nationale ».
Le Monde.fr avec AFP
Déclaration de Michel Kafando, qui a repris ses fonctions de président du Burkina Faso ce mercredi 23 septembre à OuagadougouDans le malheur nous avons lutté ensemble, dans la liberté nous triomphons ensemble. A présent, libre de mes mouvements, je reprends du service. Et par là même, je m’affirme en la légitimité nationale. La transition est ainsi de retour et reprend à la minute même l’exercice du pouvoir d’Etat. L’a-t-elle d’ailleurs jamais perdu ? Non, vu la clameur nationale contre les usurpateurs, vu la réprobation internationale contre l’imposture, c’est l’aveu même que le gouvernement de transition que vous avez librement choisi, et en qui vous avez totalement mis votre confiance, est resté le seul à incarner la volonté du peuple souverain. Au demeurant, le président du Conseil national de la transition, M. Chérif Sy, agissant en intérimaire du président du Faso, a su garder la flamme intacte. Je lui en suis gré. Je vous invite donc à rester mobilisés autour de la transition, pour qu’ensemble nous continuions ce que nous avons commencé. A savoir, remettre le processus électoral sur les rails, après avoir naturellement pansé les plaies et honoré la mémoire de nos compatriotes injustement tombés pour la défense de la patrie, et dont certains gisent toujours dans les morgues. Je m’incline très respectueusement devant leur mémoire. La nation toute entière leur rend hommage. En attendant d’examiner la façon dont nous solderons les conséquences de cette funeste barbarie, à toutes les familles éplorées je présente nos sincères condoléances. Nous sommes fiers de la mobilisation et de l’intrépidité du peuple burkinabè, en particulier de sa jeunesse dont la détermination sans faille a permis d’arrêter l’imposture. Tout indique que la conscience aiguë qui a guidé l’insurrection ne s’est guère émoussée, bien au contraire. Je salue notre armée nationale qui, réalisant elle aussi le défi et l’anathème qui lui ont été lancés par cette horde d’insoumis, dans son amour propre a volé au secours du peuple martyrisé. Je salue tous les hommes de l’extérieur. Je salue la communauté internationale pour avoir rejeté sans équivoque et de façon péremptoire, ce pronunciamento d’une autre époque. Je salue toutes les forces vives du Burkina Faso, les partis politiques, les organisations de la société civile, les syndicats, le monde de la presse, les autorités coutumières et religieuses, pour leur patriotisme, leur bravoure et leur dévouement. Je rends hommage à tous ceux qui, à travers de longues chaînes de prières continues, de suppliques et d’incantations, ont confié la destinée de notre pays à la mansuétude de la providence divine. A tous, je dis merci et reconnaissance. Dès demain, le gouvernement de la transition se réunira au nom de la continuité de la vie nationale. En ce qui concerne les dernières propositions de la Cédéao pour une sortie de crise, il est évident que nous ne nous engagerons que si elles prennent en compte la volonté du peuple burkinabè, clairement exprimée dans la charte de la transition. Vive le Burkina Faso ! Paix et honneur à nos victimes ! A nos morts ! Que Dieu nous vienne en aide ! Que Dieu bénisse le Burkina Faso ! »
|
Pingback: Au Burkina Faso, le général Diendéré reconnaît ses « torts » après son coup d’Etat – Malicom – Toute l’actualité Malienne en direct | Malicom – Actualité du Mali sur Internet