Au Mali, IBK facilement réélu, malgré un bilan désastreux
Le président malien sortant Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), soutenu par la France, a été facilement réélu pour cinq ans avec plus de 67 % des voix, selon des résultats officiels publiés jeudi 16 août. Son opposant a dénoncé des irrégularités dans le scrutin. Retour sur les raisons de la victoire d’IBK.
Malgré un bilan désastreux, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a été réélu pour cinq ans avec 67,17 % des suffrages au second tour de l’élection présidentielle, a annoncé jeudi 16 août le ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation (MATD). Le taux de participation s’est élevé à 34,54 %.
Son adversaire, Soumaïla Cissé, ancien ministre des finances qui affrontait IBK dimanche au second tour, a dénoncé dès lundi des fraudes électorales et a appelé ses partisans à ne pas reconnaître la victoire attendue de Keïta, qui doit entrer en fonction pour son nouveau mandat le 4 septembre.
Dix-huit des vingt-quatre candidats à la présidentielle avaient déjà dénoncé des irrégularités – ventes de cartes d’électeurs, abus de votes par procuration, taux de participation irréalistes, etc. – à l’issue du premier tour du 29 juillet, remporté par IBK avec 41,4 % des voix.
Nous republions l’analyse de notre correspondant publiée le 23 juillet, à quelques jours du premier tour, sur les raisons de la probable victoire d’IBK.
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Dakar (Sénégal), de notre correspondant. – Une campagne présidentielle peut produire des miracles. Qui aurait imaginé voir le président du Mali Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), élu en 2013 sur un discours de rétablissement de l’autorité de l’État et d’intransigeance à l’égard de la rébellion touareg, déambuler dans Kidal emmitouflé dans un turban blanc, discourir face au drapeau quadricolore de l’« Azawad » et être escorté par les ex-rebelles comme un chef d’État en visite en terre étrangère ?
À quelques jours de l’élection présidentielle du 29 juillet, cette scène est censée « réaffirmer le retour à la “normalité républicaine” dans cette région », assure l’équipe de campagne du président malien. Pour d’autres, c’est plutôt une imposture. « IBK bafoue tout ce qu’il affirmait hier sacré et inviolable », dénonce-t-on au sein d’un groupe armé d’ex-rebelles désapprouvant l’omniprésence de ceux de Kidal.
Cette visite arrangée jure avec les années passées à tenter de reconquérir la ville à coups de canon. Elle conclut cinq années d’exercice du pouvoir très peu consensuelles. À écouter IBK lors de sa déclaration de candidature le 28 mai, « la mission a été accomplie » et « le Mali se fait à nouveau écouter dans le concert des nations ».
S’il n’est pas réélu, il léguera un pays bien mal en point devenu un foyer de déstabilisation régionale. En dehors des cercles du pouvoir, le bilan dressé de ce mandat présidentiel est sans concession. Pour Soumaïla Cissé, meneur de l’opposition arrivé deuxième en 2013, un nouveau mandat d’IBK serait une « prime à la médiocrité », après une « gestion chaotique de l’État » marquée par la « corruption, le népotisme et le favoritisme ». Son directeur de campagne Tiébilé Dramé retient qu’« IBK a fait ce qu’il sait faire de mieux : ne rien faire ».
Les alliés d’hier ne sont pas plus tendres. « Il s’est monarchisé, accuse l’ancien premier ministre Moussa Mara. Il a laissé faire des bandits et des voleurs. Son bilan, c’est cinq ans de perdus. Il suffit de s’asseoir et de regarder le Mali pour s’en rendre compte. » « IBK a tellement voulu le pouvoir, de toute son âme, de tout son corps, qu’une fois qu’il l’a obtenu, il n’avait plus de force pour l’exercer », constate, acide, un ancien ministre.
Les « grands électeurs » qui l’avaient soutenu en 2013 se sont éloignés et, pour certains, paient au prix fort leurs critiques contre le régime d’IBK. L’ex-chef de la junte Amadou Sanogo attend son jugement en prison. Tout aussi impliqué dans les affaires terrestres que célestes, le chérif de Nioro, influent chef religieux, soutient cette fois Aliou Boubacar Diallo, PDG de la société minière Wassoul’Or à la fortune mystérieuse.
Quant à la France, son soutien enthousiaste des débuts a peu à peu laissé place à l’agacement. Le ministre français des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian a dénoncé mi-juin le manque de « volonté politique » dans la mise en œuvre de l’accord de paix de 2015. « À quatre mois du scrutin présidentiel au Mali, le bilan du président IBK, sur qui la France a misé en 2013, est décevant », appréciait en avril Christian Cambon devant la commission concernée du Sénat. Certains diplomates en sont réduits à se satisfaire qu’IBK ne soit pas un dictateur, en expliquant qu’« on peut [lui] reprocher beaucoup de choses mais [il] n’est pas un violent, pas un sanguinaire ».
De nouvelles figures de la contestation apparues au cours du mandat sont par ailleurs venues renforcer l’opposition. C’est le cas du tribun « Ras Bath », soutien de Soumaïla Cissé, qu’il avait pourtant qualifié un temps de « plus versatile qu’un caméléon ».
Le président s’engage donc dans cette élection en étant mal en point. Pourtant, magie du Mali, ses chances de l’emporter sont réelles. Il « dispose de privilèges comme celui de l’accès et de l’utilisation des médias d’État », rappelle-t-on sur Wathi, laboratoire d’idées citoyen ouest-africain.
Dès le 24 avril, l’opposition avait dénoncé « la colonisation de la radio et de la télévision publiques par le candidat Ibrahim Boubacar Keïta », dans une ville truffée de photographies du président. Au Mali comme ailleurs, le pouvoir d’arbitrer et d’orienter à sa guise les dépenses (marchés publics, investissements, projets…) assure par ailleurs au régime en place des soutiens intéressés.
La dispersion des voix et la géographie électorale dans un contexte sécuritaire préoccupant pourraient également profiter à IBK. Vingt-trois autres candidats sont engagés dans la bataille et les principaux opposants n’ont pas su présenter une candidature unique. Quant aux nombreux « petits » candidats à l’agenda inconnu, « difficile de dire qui parmi eux ralliera IBK au second tour, mais c’est certain qu’il y en aura », assure-t-on dans l’entourage présidentiel.
En 2013, IBK avait dépassé parfois très largement Soumaïla Cissé au premier tour dans 25 des 28 divisions administratives des régions de Koulikoro, Ségou, Kayes et Sikasso. Or ces régions du sud du pays sont à la fois les plus épargnées par l’insécurité, celles qui comptent le plus d’électeurs et celles qui recueillent le plus de lauriers de la part du pouvoir. Grâce aux subventions et aux investissements, le secteur agricole décolle dans ces régions. Le Mali est devenu le premier producteur de coton et le troisième producteur d’or du continent. Dans des régions où plus de trois millions de personnes vivent de l’« or blanc » et où « les mécontents ne votent pas », comme se rassure un proche du pouvoir, cela peut compter le jour du scrutin.
Reste qu’en dépit d’une « légère baisse du taux de pauvreté », la croissance « n’a pas été suffisamment inclusive pour réduire le nombre de pauvres » ni pour « réduire les inégalités entre les milieux urbains et ruraux, les hommes et les femmes, et au niveau géographique entre les régions du Nord et du Sud », écrit la Banque africaine de développement. Comment pourrait-il en être autrement quand ce Sud « utile » représente à peine le quart d’un pays sinistré ?
Un système de prébendes, d’accaparement, d’impunité
Si l’unité du Mali a été officiellement sauvée par l’accord de paix de 2015, le pays n’a dans les faits plus rien d’« un et indivisible », selon la formule consacrée. Un enfant né à Kidal en 2012 n’a peu ou prou jamais bénéficié du moindre service de l’État malien, a plus souvent vu flotter le drapeau de l’« Azawad » que le drapeau vert, jaune, rouge et n’a connu l’armée malienne que cantonnée comme une armée étrangère. Quelque 138 000 réfugiés maliens, jamais aussi nombreux depuis 2012, continuent de demeurer au Burkina Faso, en Mauritanie et au Niger.
Trois ans après sa signature, l’accord de paix n’est pas appliqué dans ses principales mesures, sans que cela ne semble déranger les chefs des groupes signataires des ex-rebelles. Ces derniers profitent moins des dividendes d’une paix encore incertaine que des largesses et des postes offerts par un pouvoir et une communauté internationale suspendus au bon vouloir de quelques centaines de combattants indétrônables.
Les chefs militaires de Barkhane et le pouvoir malien ont beau annoncer depuis plusieurs années le « chant du cygne » des terroristes et la « montée en puissance » de l’armée malienne et de la force du G5 Sahel, Aqmi fait toujours la loi dans la région de Tombouctou. Les bases de la force conjointe et de la Minusma sont toujours attaquées. L’armée malienne ne s’est jamais débarrassée des accusations d’exécutions sommaires depuis 2013 et le nombre de victimes civiles augmente. Près de 300 personnes sont mortes depuis le début de l’année dans la région de Mopti, plongée comme la région de Ménaka dans des guerres intracommunautaires qui échappent désormais aux uniformes.
Souvent représenté en « roi fainéant », le président au lyrisme indigné est-il pour autant le seul fautif ? « Quand Serval est arrivé en 2013 pour porter assistance au Mali, le pays était comme une maison sans portes ni fenêtres où les moustiques entraient comme ils voulaient, métaphorise Moustapha Ben Barka, secrétaire général de la présidence du Mali. La nécessité d’installer ces portes et fenêtres était de la responsabilité du Mali, mais pendant ce temps les moustiques ont continué à entrer. Il fallait être utopique pour penser se débarrasser des terroristes d’un coup de baguette magique. Quand on voit d’autres zones du monde, on se rend compte que la situation est pire que celle qui prévaut ici avec pourtant une réponse militaire beaucoup plus conséquente. »
La rébellion ? « Cela fait 50 ans que le problème du Nord existe. Nos aînés l’ont géré ; nous le gérons et nos cadets continueront à le gérer », présageait, fataliste, l’ancien président Amadou Toumani Touré (ATT) en 2012. L’accord de paix de 2015 ? Signé sous la pression. La Minusma ? Son inadaptation en tant que mission de maintien de la paix est reconnue par tous. La France ? Après le succès de Serval, elle a louvoyé en misant sur certains rebelles touaregs contre les djihadistes, avant de constater quatre ans plus tard qu’on ne savait plus trop qui était qui.
Des liaisons dangereuses qui continuent aujourd’hui dans la région de Ménaka avec d’autres groupes armés touaregs alliés, choisis cette fois-ci pour leur attachement à l’unité du Mali et leur disponibilité à collaborer avec l’armée malienne. Mais « l’appui à certains groupes armés interfère avec [les] dynamiques locales », écrit International Crisis Group dans un rapport sur la frontière Niger-Mali. « Ceux qui ne sont pas soutenus par leur État ou les militaires français sont tentés de chercher l’aide des djihadistes. »
Enfin, le Mali est ou a été soutenu par certains de ses voisins comme la corde soutient le pendu. Par souci de préservation des équilibres existants, par absence de confiance en l’État malien ou par ambition régionale, le Burkina Faso de Blaise Compaoré s’était acoquiné avec des djihadistes. L’Algérie mène un jeu difficilement lisible, tout comme la Mauritanie, épargnée depuis plusieurs années par les attaques malgré la présence de groupes opérant à ses frontières.
La part d’échec d’IBK se lit surtout dans la perpétuation d’un système d’impunité, de prébendes et d’accaparement des biens publics. Celui-là même qui a été à l’origine des crises actuelles, un système bâti depuis la chute de Moussa Traoré en 1991 par une classe dirigeante consanguine. « Je cherche l’homme nouveau parmi les candidats à l’élection présidentielle malienne, je ne trouve pas. Ils ont tous géré, tous dirigé et tous contribué à mettre le pays dans le chaos », assène Seydi Gassama, directeur d’Amnesty International Sénégal.
L’engagement d’IBK à mettre « fin à l’impunité, aux passe-droits qui sont à l’origine du dévoiement des institutions judiciaires et étatiques » n’a jamais pu être tenu. La moindre institution publique contrôlée par celle du vérificateur général révèle chaque année des fraudes massives. Poule aux œufs d’or de la production de coton dans la région de Sikasso, la Compagnie malienne pour le développement des textiles (CMDT) a ainsi perdu un million et demi d’euros en fraude et mauvaise gestion pour la seule année 2016.
Adopté quelques mois avant le début de la campagne, le projet de loi d’entente nationale, dénoncé par les associations, renoue avec la vieille politique du pardon, quand les djihadistes ont fait de la justice le cœur de leur programme. Passé quelques années, de présumés délinquants en col blanc sont réhabilités et à nouveau promus, quand la « gestion désastreuse des deniers publics » est sciemment couverte par les autorités. IBK lui-même est loin d’avoir montré l’exemple. Rolex, voiture, shopping… Mediapart avait révélé comment lui et sa famille avaient bénéficié des largesses de Michel Tomi, sulfureux homme d’affaires corse présent sur le continent africain.
Dans un contexte politique déjà tendu ces dernières années à Bamako, les principaux opposants ont émis ces derniers jours de lourds soupçons de fraude. L’équipe de Soumaïla Cissé a dénoncé le 20 juillet la mise en ligne, par la délégation générale aux élections, d’un fichier électoral différent de celui audité auparavant. « Potentiel de fraude » estimé : 1 241 574 voix sur un peu plus de huit millions d’inscrits.
L’alliance autour de Cheick Modibo Diarra a par ailleurs souligné un taux de distribution de cartes d’électeur à Mopti, Tombouctou et Kidal « extrêmement élevé pour des zones où l’administration n’est pas suffisamment présente et dans un contexte où les populations ont des préoccupations éloignées des élections ». Et d’écrire qu’« il est fort probable que des contestations des résultats conduisant à des conflits postélectoraux surviennent ». Dans un pays déjà partiellement en cendres, Bamako joue encore une fois avec le feu.
Mediapart
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