Au Mali, la téléconsultation dermatologique veut faire fleurir le désert médical
Le Pr Ousmane Faye, chef du service dermatologie du Centre national d’appui à la lutte contre la maladie (Cnam) examine les photos des lésions d’un patient atteint de dépigmentation à Bamako, le 30 mai 2017 / © AFP/Archives / Sebastien RIEUSSEC Dans son bureau de Bamako, le Pr Ousmane Faye, un des rares dermatologues maliens, examine les photos du torse et des bras ravagés par la dépigmentation d’un patient, reçu le jour même en consultation à Koulikoro, à 57 km de là.
Baptisé « Teledermali », le programme-pilote conduit depuis 18 mois dans 10 centres de santé des régions de Koulikoro, Sikasso et Mopti, dans le centre du pays, sous la direction du Pr Faye, permet d’offrir à des médecins généralistes exerçant en brousse le diagnostic d’un spécialiste.
Avec à peine un dermatologue pour un million d’habitants au Mali, où près de 30 % de la population souffre de maladies de la peau (notamment lèpre, psoriasis, eczéma …), selon les estimations, les besoins sont immenses.
« Le malade de Koulikoro souffre de lésions d’hypochromie (dépigmentation, NDLR) avec des espaces réservés de peau saine », diagnostique le Pr Faye, chef du service dermatologie du Centre national d’appui à la lutte contre la maladie (Cnam).
« Il y a deux mois environ, il a reçu des traitements ayant aggravé les lésions », précise-t-il, en référence au recours à des remèdes traditionnels.
Grâce à l’application « Bogou », conçue par un informaticien malien, le spécialiste peut analyser, via son téléphone portable ou son ordinateur, les données envoyées par le généraliste.
« J’accède à la plateforme sécurisée par un mot de passe et je visionne les images qui ont été postées par le médecin traitant à Koulikoro », explique le Pr Faye. « Là, je confirme le diagnostic du médecin et je donne même des conseils », via une connexion 3G.
Cette spécialité se prête particulièrement à la télémédecine, à condition de disposer d’une bonne image, car la dermatologie est « basée sur l’observation à l’oeil humain », souligne-t-il.
« Il y a un triple gain, énumère-t-il: « le temps, l’argent et la formation » continue des praticiens sur le terrain.
– ‘Tout faire sur place’ –« Ça me grattait beaucoup depuis longtemps », témoigne Fatoumata Konaré, patiente de Banamba, à environ 140 km au nord-est de Bamako. « Quand je suis venue voir le médecin, il a fait des photos et les a envoyées et il m’a demandé de revenir le lendemain pour prendre l’ordonnance ».
« On est allé acheter les comprimés et la pommade, et j’ai été guérie. Je n’ai pas eu besoin d’aller ailleurs, tout s’est fait à Banamba », se réjouit-elle.
La Fondation Pierre Fabre, qui finance cette expérience, en a salué les « résultats solides (3.000 infections recensées auprès des 10 centres de santé participant au projet et 175 cas cliniques complexes référencés et diagnostiqués à distance) », dans un communiqué le 1er juin lors des « Premières assises de télédermatologie africaines », à Bamako.
L’événement, organisé par la Fondation, le Cnam et la faculté de médecine de Bamako, a réuni des spécialistes de huit pays (Mali, Burkina Faso, Guinée, Mauritanie, Sénégal, Togo, Bénin, Côte d’Ivoire).
A cette occasion, la Fondation Pierre Fabre, actionnaire majoritaire du laboratoire du même nom, a lancé sur le modèle de « Télédermali » un appel à projets « pour l’utilisation des nouvelles technologies dans l’amélioration des diagnostics et de la prise en charge des maladies de la peau en Afrique ».
Le succès de ce projet dermatologique, qui a abouti à la formation de 20 médecins et infirmiers, va « permettre le passage à l’échelle de tout le pays, faisant du Mali un pays en pointe sur ce sujet », avec pour objectif d’ici deux ans de passer à 80 centres de santé secondaires et 160 agents de santé équipés, formés et opérationnels, selon la Fondation.
Dans un premier temps, les efforts devraient se concentrer sur les zones défavorisées et enclavées, mais disposant néanmoins d’une couverture internet.