Bamako, la cible idéale pour tenter de déstabiliser le Mali
Le chef de l’Etat IBK a présidé ce matin 7 mars un conseil de défense extraordinaire pour renforcer les mesures sécuritaires.
L’attentat qui a frappé vendredi soir Bamako n’est qu’une demi-surprise. Depuis plusieurs mois, la situation au Mali se dégrade sous la pression de groupes terroristes à nouveau actifs au nord du pays. Laminés à la suite de l’intervention militaire française au début de l’année 2013, ces groupes, Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI), sa filiale locale Ansar Dine ou Al Mourabitoune, ont pu depuis reprendre pied dans le pays. La Libye, en pleine anarchie, leur a fourni une base arrière tranquille. L’immensité du désert malien, presque impossible à surveiller en dépit d’un déploiement de troupes françaises et de 10.000 casques bleus, leur a ensuite permis de s’infiltrer sans grande difficulté. Sur place, ils ont retrouvé les complicités et les relais dont ils avaient besoin pour agir.
Car les mécanismes qui avaient conduit à la guerre dans le courant de 2012 n’ont jamais été détruits. L’antagonisme entre les tribus touaregs du nord et les autorités de Bamako restent le même. Kidal, la «capitale» touareg que l’armée malienne a du fuir précipitamment il y a un an après deux jours de combats contre les miliciens locaux en est la preuve. La réaction du gouvernement, qui a, à son tour, créé un groupe touareg favorable à ses vues en jouant sur les divisions tribales, le Gatia (Groupe d’autodéfense touareg Imghad et alliés) n’a fait qu’envenimer les choses. La signature fin février d’un accord de paix à Alger entre Bamako et les rebellions n’a pas apporté la détente espérée. Au contraire. Négocié aux forceps, le texte n’a pas été définitivement paraphé par les milices, très divisées et poussées par une base hostile à cet accord. Il a même suscité de nouvelles frustrations.
Dès lors, la possibilité d’une attaque ou d’un attentat pour tenter de plomber cette petite avancée devenait réelle. Bamako, la capitale, jusqu’alors épargnée par le guerre, était une cible idéale et facile. La cité est grande et sa sécurité largement théorique. La tentative de meurtre le 26 janvier en plein centre ville contre le général Ould Meydou, un officier fidèle au gouvernement, avait été une première alerte pour la communauté internationale. La France en particulier, qui oeuvre au mieux pour trouver une solution, est aussi dans le viseur des terroristes. En frappant l’un des établissements les plus fréquentés par les expatriés, ces derniers ont pu frapper en même temps ceux qu’ils considèrent comme leurs deux ennemis: le gouvernement et les pays étrangers.
La rue des noctambules de Bamako prise pour cible. Le choix du site de l’attentat ne doit rien au hasard. La rue Princesse est le haut lieu de la nuit bamakoise. Cette petite artère du quartier de l’Hippodrome – baptisé Princesse en écho à la rue de même nom à Abidjan et célèbre dans toute l’Afrique l’ouest pour ses fêtes – concentre les bars chics de la ville, des restaurants et des boites de nuit. Le quartier attire la jeunesse dorée et occidentalisée, les artistes, les expatriés et des jeunes filles à la vertu aléatoire. Autant de raisons pour les mouvements islamistes de faire de cette rue une cible privilégiée.
Fin 2012, alors que Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi) et ses alliés contrôlaient le nord du Mali et que le risque d’attentat semblait au plus haut, la fréquentation des établissements de la rue Princesse avait été interdite aux employés des grandes entreprises étrangères, des ONG et vivement déconseillée par les ambassades. Depuis l’intervention militaire française début 2013, l’artère avait peu à peu retrouvé son animation.
La Terrasse, le bar-restaurant pris pour cible, est l’un des lieux les plus connus du quartier. Situé sur le toit d’un night-club, cet immense établissement est particulièrement fréquenté par les étrangers.
Le Figaro. fr