Burkina: recherches pour retrouver le corps de Thomas Sankara
Mariam Sankara réclame depuis des années « la vérité » sur la mort de son mari.
Après des années de blocage judiciaire, l’enquête sur l’assassinat de Thomas Sankara pourrait connaître une avancée décisive. Près de vingt-huit ans après la mort, lors d’un coup d’Etat, de ce capitaine révolutionnaire devenu président, les recherches pour exhumer son corps et ceux de ses douze compagnons assassinés ont commencé, lundi 25 mai, dans un cimetière de Ouagadougou, dans le cadre d’une instruction ouverte à la fin de mars.
L’enjeu est double : savoir si sa dépouille se trouve bien dans le cimetière de Dagnoën (quartier est de Ouagadougou), conformément à la version officielle, et éclairer les causes et circonstances de sa mort.
Car de nombreux mystères entourent la mort du « père de la révolution burkinabé », le 15 octobre 1987, au soir du coup d’Etat qui a porté Blaise Compaoré au pouvoir pour vingt-sept ans. Ainsi selon le rapport officiel, Thomas Sankara est mort de mort naturelle. Il a ensuite été enterré à la sauvette. Pour sa famille et ses nombreux partisans, il a été assassiné. Et beaucoup doutent également qu’il ait bien été inhumé dans le cimetière de Dagnoën.
Notamment sa veuve, Mariam Sankara. Entendue pendant près de huit heures par la justice le 14 mai, elle réclame depuis des années « la vérité » sur la mort de son mari.
Une opération qui prendra « beaucoup de temps ». Après avoir échoué auprès des tribunaux burkinabés, sous le régime Compaoré, à faire effectuer des tests ADN pour trancher cette question, malgré une décision des Nations unies en 2006, la famille a saisi la Cour africaine des droits de l’homme, qui a ordonné en 2008 au gouvernement du Burkina Faso d’autoriser les expertises nécessaires. Mais Blaise Compaoré ne s’est jamais résolu à le faire.
←Thomas Sankara
Il faudra donc attendre sa chute, le 31 octobre 2014, pour que le dossier Sankara soit rouvert. Sous la pression populaire, le gouvernement de transition a donc décidé en mars de procéder à l’exhumation du corps du président assassiné. Car la figure de Thomas Sankara, révolutionnaire loué pour son intégrité et icône du panafricanisme, a été abondamment évoquée durant le soulèvement populaire qui a conduit à la chute de Compaoré.
Lundi matin, à 8 heures, des jeunes gens munis de « pioches et pelles » ont donc commencé à « ouvrir deux tombes » dans le cimetière, selon des proches des victimes. L’opération est conduite par trois médecins – un Français, le professeur Alain Miras, et deux Burkinabés – en présence du commissaire du gouvernement et d’un juge d’instruction. Mais certains Burkinabés ont également fait le déplacement. Aux cris d’« On veut la vérité ! », des dizaines de curieux sont venus aux abords du cimetière mais se sont vu refuser l’accès par la gendarmerie.
Vingt-huit ans après l’assassinat du président, ses proches en ont assez d’attendre. Mariam Gouem, la fille d’un des gardes du corps de Sankara assassiné en même temps que lui, déplore que cette opération prenne « beaucoup de temps ». En effet, si l’ouverture des sépultures et les prélèvements ADN sur les corps ne devraient prendre que quelques jours, l’analyse des résultats devrait, elle, être moins rapide. Selon une source proche du dossier, « les prélèvements seront sûrement analysés dans des laboratoires étrangers ».