Charlie hebdo met le feu au monde musulman
Les manifestants dans les rues de Niamey (Niger) où 5 personnes ont trouvé la mort le week-end et 45 autres blessés.
Du Niger au Pakistan, la dernière parution de l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo a mis le monde musulman en ébullition. Des drapeaux français brûlés, des églises incendiées, des personnes tuées…, depuis vendredi des manifestations de colère inquiètent certains pays africains et asiatiques.
Le numéro 1178 de Charlie Hebdo du mercredi 14 janvier, sorti une semaine après l’attaque qui a coûté la vie à 12 personnes de la rédaction de l’hebdomadaire satirique, été imprimé à 7 millions d’exemplaires. Du jamais vu dans la presse. La vente qui s’étalera sur plusieurs semaines est exceptionnelle pour le journal qui n’est habituellement tiré qu’à 60 000 exemplaires, pour des ventes ne dépassant pas à 35 000 numéros chaque semaine.
Mais la une de Charlie Hebdo qui met à nouveau en scène le prophète de l’islam Mahomet, a été mal accueillie dans certains pays où des manifestations émaillées de heurts ont eu lieu au Moyen-Orient et en Afrique. Au Niger, notamment le 17 janvier, cinq personnes ont trouvé la mort et une vingtaine de lieux de culte des chrétiens a été incendié. Au Mali, au Sénégal, au Soudan, en Mauritanie et en Algérie les populations sont sorties massivement pour manifester leur mécontentement contre ce qu’ils considèrent comme une agression contre leur religion.
Ibrahim Boubacar Keïta et François Hollande à Paris le 11 janvier →
Niger. Au moins un millier de jeunes se sont réunis près de la Grande Mosquée de Niamey, samedi 17 janvier, pour protester contre la caricature. Les manifestants ont scandé « Allahou Akbar », « À bas la France », ou encore « À bas Charlie Hebdo« . Sur place, des dizaines de policiers antiémeute ont tenté de disperser les protestataires, usant ainsi de gaz lacrymogène. Au total cinq personnes ont été tuées et 45 ont été blessées lors de la manifestation. Le Centre culturel français de Zinder a été incendié et une vingtaine de lieu de culte chrétien dont trois églises ont été saccagées par les manifestants.
Mali. Plusieurs milliers de personnes ont également déploré un « affront à l’islam », vendredi, alors que le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a participé dimanche à la « marche républicaine », en hommage aux victimes de la tuerie. « Le monde entier était convié à venir à Paris, d’un front uni, signifier de la manière la plus claire, la plus nette, la volonté des peuples du monde à s’opposer, par tous les moyens, au terrorisme […] Nous tenions à dire notre refus de l’horreur, de la barbarie, notre plaidoyer positif pour un monde de paix, pour un monde du vivre ensemble, pour un monde de fraternité entre les hommes et entre les religions du monde », avait-t-il déclaré à son retour à Bamako.
Algérie. Aux cris de « Il n’y a Dieu qu’Allah, et Mahomet est son messager », des milliers d’Algériens sont descendus dans les rues pour protester contre la une du dernier numéro de Charlie Hebdo. Le journal satirique a d’ailleurs été interdit de distribution dans le pays. Le drapeau français a également été brûlé par des manifestants.
Mauritanie. A Nouakchott, un drapeau français a été brûlé. Et le chef de l’Etat Mohamed Ould Abdel Aziz a rejoint la foule, s’adressant aux milliers de manifestants pour condamner à la fois le « terrorisme » et les « viles caricatures ».
←Une longue queue devant un kiosque parisien, le 14 janvier 2015.
Sénégal. Au Sénégal, après la grande prière du vendredi, une manifestation spontanée a eu lieu autour de la grande mosquée de Dakar. Quelques centaines de manifestants se sont ensuite rendus devant l’ambassade de France.
Yémen. Samedi matin, des dizaines de manifestants ont aussi dénoncé la une de Charlie Hebdo devant l’ambassade de France à Sanaa, la capitale du Yémen. Les protestataires ont alors brandi des pancartes sur lesquelles il était écrit « Je sacrifie mon père et ma mère pour notre Prophète » ou « L’armée de Mahomet s’est réveillée ».
Gaza. Le centre culturel français a été tagué dans la nuit de vendredi à samedi. « Vous irez en enfer, journalistes français » et « Tout, mais pas le Prophète » tapissent désormais le mur d’enceinte du centre culturel français de Gaza.
Pakistan. Le même jour, un rassemblement anti-Charlie Hebdo a également tourné au drame, à Karachi, dans le sud du Pakistan. Les manifestants ont tenté de s’approcher du consulat de France, s’opposant alors à la police. Un photographe pakistanais de l’Agence France-Presse a été grièvement blessé. Des rassemblements ont aussi eu lieu dans d’autres grandes villes du pays, à Islamabad, Lahore, Peshawar et Multan.
Face à ces mouvements de protestation, François Hollande, en visite en Corrèze, a défendu samedi la liberté d’expression. Le chef de l’État français a réagi aux protestations, parfois violentes, qui ont suivi la publication du dernier numéro de Charlie Hebdo. « Je pense notamment à ces pays qui parfois ne peuvent pas comprendre ce qu’est la liberté d’expression car ils en ont été privés. Mais aussi, ces pays, on les a soutenus dans la lutte contre le terrorisme, et donc je veux leur exprimer toujours ma solidarité, mais en même temps, la France a des principes et des valeurs et c’est notamment la liberté d’expression », a déclaré François hollande. Le chef de l’Etat français répondait aux questions des journalistes qui l’accompagnaient à Tulle (dans son fief électoral) samedi où il était arrivé dans la matinée pour présenter ses vœux aux Corréziens. « En France, toutes les croyances sont respectées, en France c’est la laïcité, en France il y a cette volonté de garder ce qui fait notre force et qui d’ailleurs n’est pas propre à la France … la liberté. », a –t-il ajouté.
Ibrahim CISSE
Les Sociétés des journalistes réagissentLes SDJ (Sociétés des journalistes) de nombreux médias français ont publié un communiqué commun à la suite des attentats terroristes qui ont coûté la vie à 17 personnes la semaine dernière dont voici le texte. Même pas peur En mémoire de nos confrères de Charlie-Hebdo et des victimes du terrorisme assassinées à Paris, Montrouge et porte de Vincennes, nous, journalistes de presse écrite, radio, télé et internet affirmons notre refus obstiné de céder à la violence et à l’intimidation. Leur combat nous oblige. Leur courage, face aux menaces de mort, nous impose de continuer à informer sans transiger, toujours indépendants de tous les pouvoirs. Comme eux, osons dire, crier, scander : nous n’avons pas peur! Le rire est un rempart universel contre l’obscurantisme. La caricature des idées comme des croyances est une manière de faire vivre le pluralisme. Nous n’y renoncerons pas. Nous voulons réaffirmer le sens de notre métier pour faire reculer la propagande, la rumeur et les manipulations. Dans les jours, les mois et les années qui viennent, nous voulons porter haut notre exigence et notre responsabilité d’informer nos concitoyens. L’enjeu dépasse notre profession. Il en va de la démocratie, aujourd’hui rongée par le doute. La presse a besoin de liberté La liberté a besoin de la presse Défendons-les ! « Le silence, c’est la mort, et toi, si tu te tais, tu meurs. Et si tu parles, tu meurs. Alors dis et meurs. » Tahar Djaout, journaliste et écrivain algérien assassiné par le FIS en 1993 Les Sociétés des journalistes de l’AEF, l’Agence France Presse, Alternatives économiques, Canal +, Courrier international, La Croix, Les Echos, Europe 1, L’Express, Le Figaro, France Bleu, France Info, France Inter, France Culture, L’Humanité, iTélé, Libération, Marianne, Mediapart, Le Monde, Le Mouv’, L’Obs, Le Parisien, Le Point, RFI, RTL, Rue 89, Télérama, TF1 et La Vie. |
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