Côte d’Ivoire: deux anciens chefs rebelles pro-Ouattara inculpés
Chérif Ousmane a joué un rôle majeur dans la crise opposant les forces pro-Gbagbo aux pro-Ouattara.
Une vague d’inculpations d’anciens chefs de guerre a eu lieu en Côte d’Ivoire, pour des crimes commis pendant la crise post-électorale de 2010-2011. Parmi eux, deux anciens « com-zone », des caciques de l’ex-rébellion ivoirienne venus du nord du pays, ont été mis en examen par la justice ivoirienne. C’est la première fois que des anciens chefs rebelles proches du président ivoirien, Alassane Ouattara, sont poursuivis.
Chérif Ousmane et Losséni Fofana, deux anciens commandants de zone basés respectivement à Bouaké (centre) et Man (ouest), ont été cités parmi la vingtaine d’inculpations, selon une information publiée lundi 6 juillet sur le site Web de Jeune Afrique, citant une source proche du dossier. Une information confirmée par l’AFP. Le gouvernement ivoirien n’a pour l’instant pas fait de commentaire.
Après l’élection contestée d’Alassane Ouattara à la présidence en 2011, Chérif Ousmane a joué un rôle majeur dans la crise opposant les forces pro-Gbagbo aux pro-Ouattara. Le chef de guerre a dirigé la bataille particulièrement meurtrière pour la prise de la capitale économique, Abidjan, notamment dans la commune de Yopougon. Selon les ONG, il est inculpé pour des exactions et des crimes de guerre commis durant la « bataille d’Abidjan ».
Celui qui se fait appeler « Papa Guépard », en référence à l’unité d’élite des guépards qu’il dirigeait pendant la crise, a été nommé en août 2011 commandant en second du groupe de sécurité de la brigade républicaine, basé à Abidjan. Après la crise, Losséni Fofana a pris la tête de la brigade de sécurisation de l’ouest. Toujours selon des ONG qui disent avoir eu accès au dossier d’inculpation, il est soupçonné par la justice ivoirienne d’avoir commandité l’offensive de Duékoué (centre) qui a provoqué la mort de 816 personnes, et plusieurs charniers.
Depuis Paris, Florent Geel, responsable Afrique de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), parle d’un « pas décisif dans la procédure judiciaire », avec l’arrestation de ces « deux piliers sécuritaires du régime ». Il ajoute : « Si on ne juge pas les crimes commis à cette période, le boomerang de l’impunité reviendra dans 10 ou 15 ans. »
Le président Ouattara, bien que largement favori, est critiqué par la société civile et l’opposition qui lui reprochent de faire valoir une « justice des vainqueurs » et d’omettre les responsables de crimes commis par certains caciques de son camp.
À près de quatre mois de l’échéance électorale, Alassane Ouattara, qui va briguer un second mandat, semble vouloir faire taire ces critiques. « [S’il] veut un bilan justice et que l’élection peut servir pour accélérer les procédures, tant mieux ! », commente-t-on à la FIDH.
Parmi les inculpations, le général Guiai Bi Poin a lui aussi été cité. Celui qui était à la tête du centre de commandement des opérations de sécurité (Cecos) avait déjà été inculpé en 2011 pour « crimes économiques », avant d’être relâché après une courte détention. Reste aujourd’hui à savoir si ces inculpations permettront la tenue d’un procès, d’autant que les parties civiles disent disposer de plusieurs centaines de témoignages et de preuves.