En Mauritanie, l’esclavage est désormais un crime contre l’humanité
Le 29 avril 2015, à Nouakchott, lors d’une manifestation contre les discriminations dont sont victimes en Mauritanie, les descendants d’esclaves, plus connu sous le nom des « Harratines ». (AFP/ STRINGER)
L’Assemblée nationale mauritanienne a adopté à l’unanimité, mercredi soir, une loi durcissant la répression contre l’esclavage moderne désormais reconnu comme crime contre l’humanité.
L’esclavage constitue un crime contre l’humanité. Il est imprescriptible. » C’est ce que stipule l’article premier de la loi votée par les députés mauritaniens réunis en assemblée mercredi soir. La Mauritanie, dernier pays à avoir aboli l’esclavage en 1981, possédait jusqu’alors une législation très permissive en la matière. En 2014, le pays affiche le plus fort taux d’esclavage au monde puisque près de 4% de sa population – soit 150.000 personnes – est encore asservie d’après un rapport de l’ONG Walk Free. Retour sur cette avancée significative pour les droits de l’Homme.
Le mariage forcé, nouvelle forme d’esclavage. Déjà en 2007, un premier texte criminalisant l’esclavage avait été voté sous la pression de la communauté internationale. Mais la faiblesse des sanctions prévues – du reste, rarement appliquées – n’a en rien ébranlé cette pratique profondément ancrée dans la société mauritanienne depuis le XIe siècle. Aussi le ministre de la Justice, Brahim Old Daddah, a salué l’adoption de la nouvelle loi qui double les peines prévues contre les auteurs (20 ans d’emprisonnement au lieu de 10 ans) et criminalise onze différentes formes d’esclavage contre une seule auparavant*. Le mariage forcé des femmes « moyennant une contrepartie en espèce ou en nature » et leur « cession à un tiers ou transmission par succession, à la mort de leur mari, à une autre personne » fait notamment partie des nouvelles formes d’asservissement incriminées.
Le nouveau texte législatif prévoit également la création de juridictions spécialisées pour ce type de crimes et impose aux magistrats la mise en place de mesures conservatoires contre les auteurs, afin de garantir les droits des victimes. La promotion de ces droits humains passe aussi par le « dédommagement » des personnes abusées désormais inscrit dans la loi, de même que la gratuité de l’assistance judiciaire et de la procédure.
Des anti-esclavagistes incarcérés. Autre avancée significative : les ONG « reconnues » peuvent maintenant dénoncer les cas d’esclavage, assister les victimes et se constituer partie civile pour déposer plainte en leur nom.
Cette résolution intervient au moment où trois militants anti-esclavagistes attendent d’être jugés, le 20 août prochain, devant la Cour d’appel d’Aleg. On compte parmi eux le président de l’Initiative pour la Résurgence du mouvement Abolitionniste (IRA), Biram Dah Abei, qui avait été condamné, avec un autre membre, à deux ans de prison ferme au mois de janvier 2015 pour « appartenance à une organisation non reconnue ».
Si cette nouvelle loi constitue une révolution juridique et sociale pour la République islamique, son impact est tout de même à relativiser puisqu’il demeure extrêmement difficile pour les personnes en situation d’esclavage -même une fois libres – de se saisir des tribunaux pour que justice soit faite.
Armelle Sae-Jeanne
* ancienne et unique définition de l’esclavage : « une privation de liberté et un travail sans salaire »
Source L’Obs
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