Faut-il en finir avec la règle des 5 % à la présidentielle ?
Yann Bouchez (Le Monde) Le 10 avril, huit des douze candidats au premier tour de l’élection présidentielle ont recueilli chacun moins de 5 % des suffrages exprimés. Leurs frais de campagne seront donc beaucoup moins bien remboursés. Moins de voix, moins d’argent : logique ou injuste ?
L’argument représentatif
En 1962, la loi instaurant l’élection du président de la République au suffrage universel fixe à 5 % des suffrages exprimés le seuil pour qu’un candidat puisse être remboursé de ses dépenses de campagne. Il lui faut recueillir au moins 100 parrainages d’élus, issus de dix départements ou territoires d’outre-mer pour se présenter. Des conditions durcies en 1976 : 500 parrainages nécessaires, d’au moins 30 départements et collectivités d’outre-mer. Des critères suffisants pour éviter les candidatures complètement « fantaisistes ».
L’argument démocratique
La loi a évolué, les montants pris en charge aussi. Désormais, les postulants n’ayant pas franchi le seuil des 5 % peuvent être remboursés de leurs frais, mais uniquement jusqu’à 800 423 euros. Une somme multipliée par dix s’ils franchissent cette barrière. Brutal effet de seuil. Le système actuel incite les « petits » candidats à se serrer la ceinture et facilite la vie aux « gros », qui peuvent espérer être remboursés jusqu’à 8 millions d’euros – et jusqu’à 10,7 millions pour les « finalistes » du second tour. Un système qui creuse les inégalités entre postulants.
L’argument financier
Avec respectivement 4,78 % et 4,63 % des voix au premier tour, la candidate LR, Valérie Pécresse, et l’écologiste Yannick Jadot n’ont pas passé la barre pour quelques dizaines de milliers de voix. Tous deux ont donc fait appel à la générosité de leurs soutiens, pour ne pas mettre en péril leur formation politique. Une bonne affaire pour l’argent public ? Pas vraiment. Avec des dons défiscalisés à hauteur des deux tiers, cela risque de représenter un sacré manque à gagner pour l’État, qui financerait de manière indirecte ces opérations de sauvetage.
Le contre-argument représentatif
Maires, conseillers régionaux, départementaux, députés… plus de 45 000 élus en France peuvent parrainer un candidat à la présidentielle. Réunir 500 parrainages n’est donc pas insurmontable. Difficile de traiter la douzaine de postulants comme s’ils avaient tous la même assise électorale. Il faut donc des garde-fous. D’ailleurs, en ce qui concerne le temps de parole dans les médias audiovisuels lors des trois mois précédant le premier tour, le « principe d’équité » favorise les candidats les plus installés. Seules les deux dernières semaines respectent une stricte égalité.
Le contre-argument démocratique
Enfonçons quelques portes ouvertes : oui, les « gros » candidats ont tendance à drainer des foules plus importantes, à organiser de plus grands meetings et donc à dépenser plus d’argent que les « petits ». Pas illogique qu’ils puissent être remboursés à des hauteurs plus importantes. Une candidate qui recueille 4,99 % des voix ne peut être remboursée qu’à hauteur de 800 000 euros, et un autre qui termine à 5,01 % réclamer 8 millions ? Cela peut paraître injuste, mais c’est le principe même de l’élection : une poignée de voix peut avoir de très lourdes conséquences.
Le contre-argument financier
Imaginons un instant la fin de la règle des 5 %. Très bien, mais par quoi la remplacer ? Rembourser tous les frais de campagne des candidats ? Même avec un plafond de dépenses imposé pour chaque postulant, c’est l’inflation assurée des coûts de l’élection présidentielle. Ajouter des tranches ou rembourser proportionnellement chaque candidat à hauteur de son score électoral ? Les règles, déjà pas si simples, risquent de devenir illisibles. La règle des 5 %, c’est peut-être, comme la démocratie, le pire des systèmes, à l’exclusion de tous les autres.
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