IBK répond à Ban Ki-moon
IBK: « Je l’ai dit au secrétaire général de l’ONU, il serait seyant que les Nations unies fassent preuve de justice et d’équité.
Le message condescend du secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, lu par Hervé Ladsous lors de la cérémonie de signature de l’accord de paix, vendredi, a fait sortir le président Ibrahim Boubacar Kéïta de ses gonds.
La cérémonie de signature de l’« Accord pour la paix et la réconciliation au Mali », le vendredi 15 mai à Bamako a donné lieu à une passe d’arme vive entre le président Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) et le sous-secrétaire général aux opérations de maintien de la paix de l’ONU, Hervé Ladsous, venu lire le message de Ban Ki-moon. Selon, M. Ladsous, l’accord de paix qui est « le fruit de dix mois d’intenses discussions à Alger » est un « texte équilibré et novateur, porteur d’espoir pour l’avenir du Mali ». Cependant il reconnait que le texte n’est pas parfait, mais constitue une excellente base pour la poursuite du processus de paix inter-malien.
Invectives. « Je déplore qu’en dépit de tous les efforts, de graves violations du cessez-le-feu aient été commises de toutes parts ces dernières semaines. Ces actions sont inacceptables », a clamé M. Ladsous. Avant d’appeler toutes les parties à rétablir le cessez-le-feu immédiatement et à reprendre le dialogue pour le consolider.
Selon lui, la cérémonie du vendredi marque un pas important du long chemin vers la paix, mais ce n’est qu’un pas. « Afin que ce premier pas nous mène à l’établissement d’une paix durable, il nous semble que quatre principes vont devoir gouverner les prochaines étapes: le dialogue doit continuer avec les groupes qui ne sont pas ici aujourd’hui ; la possibilité qu’ils signent l’accord de paix à une date ultérieure doit rester ouverte ; et le fait que seules certaines des parties signent l’accord de paix aujourd’hui ne peut en aucun cas servir de prétexte à la reprise d’opérations militaire contre les non-signataires », a-t-il asséné.
Hervé Ladsous se pose en donneur de leçons en invectivant les parties (Etat malien et groupes rebelles). « Les Nations Unies demeurent convaincues que l’établissement d’une paix durable est possible. Mais cela nécessite le concours et la bonne foi de toutes les parties. Les actes sont plus éloquents que les paroles. Les semaines et les mois à venir nous diront si les parties ont le courage de faire les gestes nécessaires à l’établissement de la confiance, au ralliement de tous les Maliens derrière l’accord de paix et à la pleine mise en œuvre de cet accord », a-t-il prévenu.
L’ire d’IBK. Des invectives qui ont fait remonter d’un tour le sang du président IBK, entouré de ses pairs africains. Au moment de faire son discours fou de rage, il s’en est écarté de son texte pour improviser. « J’avais un long discours. J’ai balancé entre le lire ou laisser parler mon cœur. J’ai laissé parler mon cœur », reconnaîtra-t-il à la fin.
Mais le président IBK a tenu à répondre point par point M. Ladsous porte-parole du secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki-moon, à la cérémonie de signature de l’accord de paix. « Sous-secrétaire général, ce dialogue a toujours été notre dédicace. Au Mali nous n’avons jamais fait les choses autrement ; nous nous sommes toujours parlé entre frères maliens et nous allons continuer de le faire », a répondu IBK a M. Ladsous qui insistait sur le dialogue entre l’Etat et les groupes armés rebelles qui occupent une partie du territoire malien.
←Ban Ki-moon
Impartial. « Le cessez-le-feu ? Bien sûr que nous y sommes acquis. Avons-nous jamais violé un cessez-le-feu ? Avons-nous jamais violé la cessation des hostilités ? », interroge IBK. « Monsieur Ladsous je l’ai dit au secrétaire général des Nations unies, il serait convenable, il serait seyant que les Nations unies fassent preuve de justice et d’équité à cet égard là. Chaque fois qu’il y a eu violation de cessez-le-feu, violation de la cessation des hostilités, nous l’avons acté, nous l’avons signalé. Rarement, nous avons été entendus. On nous a toujours dit : oui « les parties » ! « Les parties » ? Un peu de respect pour notre peuple », a martelé IBK. Il a rappelé que le Mali est un peuple de dignité avéré au long des siècles. « Un peuple qui, dans la communauté internationale, n’a jamais manqué à ses engagements internationaux, et il continue de le faire aujourd’hui et pourvu qu’en retour il soit l’objet d’un minium de respect. »
Surréaliste. Pour IBK, l’accord reste ouvert aux signatures de ceux qui n’ont pas encore connu l’intérêt. « Bien sûr, nous y sommes favorables ; pourvu que ce ne soit une prise en otage du Mali et de la paix au Mali. Je suis très clair là-dessus. Enfin, il n’a pas aussi clair que vous quand vous avez dit il n’est pas question que l’on profite de l’accord pour attaquer ceux qui n’ont pas paraphé ou signé aujourd’hui. Nous ne sommes pas des gueux. Nous sommes, Monsieur Ladsous, gens de bonne compagnie. Nous sommes un pays de vieille civilisation », a déclaré IBK.
Pour le président malien, depuis qu’elle a été cantonnée, l’armée malienne n’a jamais manqué à ses engagements. « Cantonnée dans la ville de Kidal, il a fallu que je le dise à la CEDEAO pour que nos frères comprennent quelle était la situation surréaliste que notre armée vivait à Kidal.Le Mali a accepté beaucoup. Le peuple malien est à saluer », a-t-il exprimé.
« Nous avons donc dit à Monsieur le secrétaire général des Nations unies que nous restons évidemment ouverts à nos frères et qu’il nous tardait qu’ils comprennent l’urgence à être de la partie, à signer l’accord de paix. Que nous avons eu mal à notre être malien quand la rentrée scolaire survenue dans tout le Mali, les jeunes maliens sont allés à l’école sauf ceux de Kidal. J’ai pleuré dans mon cœur », a ajouté IBK, très ému.
Sanctions. Pour lui, il est temps que la mission de l’ONU soit impartiale et fasse son travail. « Je dis donc qu’il est temps que les malices cessent et que ceux qui ont en charge de missions d’aider à parvenir à la paix fassent en sorte que les choses soient transparentes, qu’ils soient d’égale partage ; et que nul ne se méprenne, et puisse prendre une telle souplesse dans l’engagement, telle ouverture pour une faiblesse ou un encouragement à persister dans l’erreur. Ce ne serait pas rendre service à la paix mondiale », a dit IBK à l’endroit de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (Minusma).
Selon lui, « les Nations unies nées à la suite de la Seconde Guerre mondiale ont pour vocation à assurer la paix mondiale pour les temps à venir et l’organe en charge de le faire est le conseil de sécurité, qui opine sur rapports, pourvu que ses rapports soient des rapports équilibrés, justes, sincères, et qui disent la réalité. Le Mali a souffert de cela. Le Mali a souffert de cela. Je le dis très clairement du haut de cette tribune, en ce jour solennel ».
Revenant sur une possible mise en œuvre flexible de l’accord en raison de non-signature par l’ensemble des acteurs, induit du discours de M. Ladsous, le président IBK n’est pas allé avec le dos de la cuillère. « L’accord paraphé en Alger, ce jour, il a été dit, entendu, convenu que cela mettait un terme à la négociation. Nous avons paraphé le 1er mars. Nous sommes presque trois mois après. Avant le paraphe il avait été dit avec gravité, avec solennité que tous ceux qui s’aviseraient de ne pas le parapher s’exposeraient à des sanctions. Nous n’avons rien demandé, nous n’avons rien vu venir non plus. Que de patience ! Mais nous ne perdons pas patience cent fois. Il faut que le monde sache le réel de la situation a prévalu au Mali et qui si nous ne prenions garde va continuer de prévaloir », a prévenu IBK.
« Nous comptons encore sur la communauté internationale, Monsieur Ladsous, pour que nous ayons uniquement notre dû ; pas plus, pas moins. Pas plus, pas moins ! », a conclu IBK.
Ibrahim CISSE
L’ONU accuse le Mali de manquer de reconnaissance pour ses « sacrifices »Le chef des opérations de maintien de la paix de l’ONU, Hervé Ladsous, s’est insurgé samedi à Bamako contre un manque de reconnaissance des autorités maliennes envers la force internationale dans ce pays, la Minusma au lendemain de la signature d’un accord de paix. Il a par ailleurs souhaité que « le dialogue annoncé entre le gouvernement malien et la Coordination s’établisse sans délai » pour amener la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, rébellion à dominante touareg), qui exige des discussions supplémentaires pour signer l’accord, à la faire à son tour. Lors d’une conférence de presse, M. Ladsous a dit « regretter que hier, durant les débats, l’impartialité de la Minusma ait pu être mise en question », en allusion à la salve de critiques lancée par le président malien Ibrahim Boubacar Keïta lors de la cérémonie. « Depuis la Somalie (il y a plus de 20 ans, NDLR), aucune mission des Nations unies n’a été aussi coûteuse en vies humaines« , avec 35 tués en moins de deux ans pour la Minusma, a-t-il souligné. Dans un communiqué publié dans la nuit de vendredi à samedi, la Minusma avait déploré que « son impartialité soit régulièrement mise en cause et que ni sa contribution, ni ses sacrifices ne soient reconnus à leur juste valeur ». A la clôture de la cérémonie de signature de l’accord par le gouvernement malien, plusieurs mouvements armés et la médiation internationale, le président Keïta a apostrophé le chef des opérations de maintien de la paix de l’ONU qui avait lu un message du secrétaire général Ban Ki-moon. « Avons-nous jamais violé le cessez-le-feu? Jamais. Pour autant, M. Ladsous, il serait convenable que les Nations unies fassent preuve de justice et d’équité à cet égard-là », a-t-il lancé, exigeant « un peu de respect pour notre peuple ». « Que l’accord doive rester ouvert, nous y sommes favorables, pourvu qu’il ne soit pas une prise en otage pour le Mali et pour la paix au Mali. Je suis très clair là-dessus« , a ajouté M. Keïta. – ‘Faire la différence entre groupes armés’ –Dans le discours lu par M. Ladsous, le secrétaire général de l’ONU déplorait que « de graves violations du cessez-le-feu aient été commises de toutes parts ces dernières semaines ». « Le dialogue doit continuer avec les groupes qui ne sont pas ici aujourd’hui, la possibilité qu’ils signent l’accord de paix à une date ultérieure doit rester ouverte », affirmait M. Ban au sujet des rebelles. L’accord vise à instaurer une paix durable dans le nord du Mali, qui a connu une série de rébellions touareg depuis les premières années d’indépendance du pays, en 1960. En 2012, il a été transformé en sanctuaire et en base d’opérations jihadiste, jusqu’au lancement de l’opération militaire française Serval en janvier 2013. « Après cette signature, on va être en mesure de clairement faire la différence entre les groupes armés qui se sont engagés dans le processus de paix ou qui vont s’y rallier et ceux qui se situent en dehors de ce cadre et qui seront forcément assimilés aux groupements terroristes« , s’est félicité M. Ladsous. Interrogé sur d’éventuelles violations du cessez-le-feu par l’armée malienne, il a dit ne pas en avoir connaissance, mais s’est étonné de la proximité des troupes de Bamako lors de chaque opération de la formation pro-gouvernementale Groupe autodéfense touareg Imghad et alliés (Gatia). « Toutes les parties quasiment ont été responsables de violations du cessez-le-feu« , a précisé le responsable de l’ONU, appelant à l’arrêt immédiat des affrontements de ces derniers jours à Ménaka (nord-est), près de la frontière nigérienne « car ils alourdissent l’atmosphère ». Le nord du Mali est tombé en mars-avril 2012 sous la coupe de groupes jihadistes liés à Al-Qaïda après la déroute de l’armée face à la rébellion, d’abord alliée à ces groupes qui l’ont ensuite évincée. Bien que les jihadistes aient été dispersés et en grande partie chassés de cette région par l’opération Serval, des zones entières échappent encore au contrôle des autorités. AFP
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