La colère des Maliens
Serge Lazarevic à son arrivée en France en compagnie de François Hollande et Jean Yves Le Drian.
Si tout le monde s’est réjouit de la libération du dernier otage français, la méthode utilisée et l’attitude des autorités maliennes a provoqué des indignations.
Serge Lazarevic libéré hier par ses ravisseurs, dans des conditions non encore élucidées, est renté ce matin 10 décembre à Paris. Pendant ce temps au Mali la colère monte. Tout porte à croire que la libération de l’otage franco-serbe s’est faite contre rançon et la remise en liberté de quelques terroristes emprisonnés à Bamako. L’Association Malienne des Droits de l’Homme (AMDH) est montée au créneau pour dénoncer « la promotion de l’impunité » par les autorités maliennes. L’organisation accuse le gouvernement, d’avoir remis en liberté quatre prisonniers qui devaient répondre devant la justice de graves violations des droits humains et cela à la veille de la journée international des droits de l’Homme. Quelques jours plus tôt, le 4 décembre 2014, Oussama Ben Gouzzi (tunisien) et Habib Ould Mahouloud (sahraoui) auteurs de graves violations des droits humains ont été libérés par la Cour d’appel en même temps que Haïfa Ag Achérif, présumé terroriste. Et c’est en ce début de semaine que Mohamed Aly Ag Wadoussène, le plus dangereux de tous, a été libéré. Mohamed Aly Ag Wadoussène→
Otage libéré contre ravisseur. Mohamed Aly Ag Wadoussène, impliqué dans deux dossiers différents dont le premier est en phase de jugement et le second en instruction, est un déserteur de la garde nationale du Mali (contingent de 2009). Arrêté par la sécurité d’Etat le 10 décembre 2011 à Gao et mis sous mandat de dépôt en mars 2012, il est poursuivi pour terrorisme, association de malfaiteurs, prise d’otage et séquestration. Il est l’organisateur principal de l’enlèvement des deux français Serge Lazarévic et Philippe Verdon le 24 novembre 2011 à Hombori au nord du Mali, dont le dernier a été assassiné en mars 2013. Le 16 juin 2014, il s’échappe de la Maison centrale d’Arrêt de Bamako avec son demi frère Haïba AG Acherif. Lors de cette évasion il tue à bout portant le surveillant adjudant Kola Sofara dont la famille reçue par l’AMDH le 24 juin 2014 réclama l’ouverture d’une enquête afin de faire la lumière sur cet assassinat. Ainsi, une instruction a été aussitôt ouverte pour « évasion» et confiée au tribunal de première instance de la commune III. Le 24 juillet 2014, il est arrêté de nouveau par les forces de sécurité à Bamako et aurait été détenu depuis lors à la Sécurité d’Etat. Ce début de semaine, il a été libéré avec ses complices.
Une vie contre une autre. Sidi Sofara le frère du surveillant de prison tué a s’est révolté du fait que les autorités maliennes aient privilégié l’otage français sur la justice qui doit être rendu à son frangin. « Nos autorités sacrifient la vie de leurs propres citoyens au profit d’autres… L’assassin de mon frère doit répondre de son acte et nous ne lâcherons pas l’affaire », s’est-il insurgé. « Si nous comprenons la nécessité de trouver des moyens pour libérer les otages nous considérons que ces solutions ne doivent pas violer les droits des victimes et le principe de la séparation des pouvoirs au Mali » s’est indigné Moctar Mariko, le président de l’AMDH. D’autant plus que ce n’est pas la première fois que les autorités de Bamako échangent des prisonniers contre des otages français. En 2010, pour obtenir la libération de Pierre Camatte, Bamako a été contraint par les autorités françaises de mettre en liberté par un simulacre de procès quatre dangereux terroristes. A l’époque l’Algérie et la Mauritanie avaient vivement protesté en rappelant leurs ambassadeurs.
Ibrahim Cissé