La crise des réfugiés sans sommet
La gravité de la crise des réfugiés et des migrants qui arrivent en Europe n’est ni une surprise ni un fait sans précédent.
Le conflit syrien en premier lieu qui a vu plusieurs millions de ses habitants fuir dans les pays voisins (Liban, Jordanie, Turquie en première ligne) ne pouvait rester confiner à ces pays proches de l’Europe. De même que les nombreux conflits à la périphérie européenne — Libye — ou au—delà — Yemen, Soudan, Mali — sont venus accentuer une situation économique précaire. On parle de crise des migrants là où il y avant tout une crise des réfugiés. Et c’est bien cela le problème… Car il n’est pas possible de renvoyer la plupart des « migrants » qui arrive sur le sol européen vers leur pays d’origine, ou leur pays de transit. Mais jamais depuis au moins deux ans, la question du conflit syrien, comme l’arbitraire érythréen, la situation désespérante au Soudan n’ont été abordées au plus haut niveau européen (des chefs d’Etat et de gouvernement notamment).
Cette crise n’est pas un fait sans précédent non plus. Il y a 20 ans, lors de la crise des Balkans, plusieurs centaines de milliers d’ex-Yougoslaves avaient trouvé refuge en Europe : en Allemagne, en Autriche et en Hongrie en premier lieu (en Suisse et dans les pays nordiques ensuite).
Ce qui est assez extraordinaire est la très faible réponse européenne jusqu’ici. Chaque Etat — membre de l’UE ou candidat à l’adhésion — a jusqu’ici réagi dans son coin, avec une concertation minimale. Les uns (Bulgarie, Hongrie…) élèvent des murs, des fils barbelés (*), envoient l’armée à la rescousse pour freiner autant que possible le flux. D’autres se chargent de refiler la « patate chaude » aux voisins (Grèce, Macédoine/Fyrom, Serbie, Roumanie…). Quelques uns, plus rares, devancent l’appel des réfugiés (l’Allemagne ou l’Autriche notamment). Dans cette cacaphonie européenne, la France crie fort mais se garde bien de tomber dans un excès de générosité comme ses voisins germaniques…
La faiblesse de la réponse collective européenne sonne, de façon encore plus dramatique, dans cette fin de torpeur estivale dans le vide. Quelques responsables européens étaient bien au sommet sur les Balkans qui vient de se tenir à Vienne. Mais il s’agissait d’expression publique plutôt que de prise de décisions collectives. Au niveau de l’UE, le planning des réunions semble inchangé. Après une rencontre avec le président ukrainien Porochenko, le président du Conseil européen, le Polonais Donald Tusk n’a ainsi prévu à son programme qu’une visite en Slovénie et Croatie (décidément assez ethno-centré). Seule la Commission européenne a pris son bâton de pèlerin. «Cette crise n’est pas une crise autrichienne, italienne, française, allemande, grecque ou hongroise. C’est une crise européenne et cela requiert une réponse collective européenne » ont souligné dans un communiqué les commissaires Dimitris Avramopoulos (Migrations) et Frans Timmermans (Droits fondamentaux), qui seront à Calais lundi (en même temps que le Premier ministre français Manuel Valls) et en Autriche le 7 septembre.
Il y a quelques principes simples à remettre sur le devant de la scène a tenu à rappeler à Vienne, lors du sommet sur les Balkans, la chef de la diplomatie européenne Federica Mogherini : « Nous avons un devoir moral et juridique de protéger (les) réfugiés. (…)Ces personnes viennent en Europe pour (chercher) la protection. Ils ont besoin de l’Europe pour les protéger et nous devons être à la hauteur de nos standards en matière de droits de l’Homme et de respect des obligations internationales … »
Pour l’instant, rien n’a été bousculé au programme européen. L’idée d’un sommet européen d’urgence a bien fait son apparition à Paris comme à Berlin. Mais on se garde bien de hâter cette réunion à Bruxelles car on craint de convoquer une réunion pour rien. Une réunion au sommet des chefs d’Etat et de gouvernement n’aurait un sens que si les ministres de l’Intérieur parviennent à se mettre d’accord sur une stratégie à suivre, a ainsi reconnu aujourd’hui Angela Merkel lors d’une conférence de presse à Berlin. Un sentiment partagé au plan européen où on redoute par dessus-tout de voir, au lieu de décisions concertées, les Européens affirmer leurs divisions, se déchirer, voire pire, ne rien décider et, au final, un aveu d’impuissance s’installer. Comme le résume assez bien la chef de la diplomatie européenne, F. Mogherini. « Nous avons besoin d’une approche européenne, et tout le monde le dit. Le problème est que tout le monde comprend l’Europe d’une manière différente ».
La prochaine réunion programmée pour discuter de ces sujets reste donc toujours prévue les 8 et 9 octobre pour les ministres de l’Intérieur et les 15 et 16 octobre pour les Chefs d’Etat et de Gouvernement. D’ici là… prière aux réfugiés de passer leur chemin ou de trépasser !
(*) Tous les regards sont actuellement braqués sur les « barbelés » installés par la Hongrie. Mais le renforcement des frontières avec l’établissement d’une frontière stricte n’est absolument pas une nouveauté. C’est même une recommandation faite par les structures européennes aux pays membres de Schengen pour s’assurer d’une « non-perméabilité » de la frontière. Et sans l’assurance que la frontière est bien hermétique et contrôlable, il n’y a pas de possibilité d’intégrer la Zone Schengen aujourd’hui. Cette politique bénéficie d’ailleurs d’un soutien financier européen, par exemple, récemment en Bulgarie pour l’édification d’un mur face à la Turquie.
Source BRUXELLES2
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