La mère Ghislaine Dupont, tuée au Mali, en appelle à Hollande
Portraits affichés de Ghislaine Dupont et Claude Verlon devant le siège de Radio France Internationale (RFI).
La mère de la journaliste Ghislaine Dupont, assassinée au Mali en 2013 en même temps que le technicien qui l’accompagnait, Claude Verlon, en appelle samedi à François Hollande dans une «lettre ouverte» publiée par des quotidiens régionaux.
«Vingt mois se sont écoulés. (….) aucun élément de vérité n’est venu éclairer ce double assassinat en dépit de l’opiniâtreté du juge d’instruction Marc Trévidic», déplore Marie-Solange Poinsot. «J’attends beaucoup de la demande de la levée du secret-défense, formulée par le juge à propos d’écoutes téléphoniques et de faits troublants révélés par l’enquête. J’attends aussi, mais en vain, depuis bientôt deux ans, des éclaircissements de la part de l’Etat français et de l’Etat-major des armées puisque ce sont nos soldats qui ont relevé leurs corps peu après leur exécution», le 2 novembre 2013 à Kidal, dans le nord du Mali, écrit Mme Poinsot.
En quête de vérité. La mère de la journaliste de RFI s’interroge également sur les liens entre «les éliminations successives de certains chefs jihadistes soupçonnés d’avoir commandité ces exécutions. Il est dit que ces neutralisations dépendent directement de vous, chef des armées. Sans espérer obtenir votre confirmation, nous venons nous inquiéter de ce que la justice et nous-mêmes pourrions encore attendre quant à l’arrestation des tueurs, leur jugement et la mise au jour de la vérité». Sur ce drame, «deux engagements ont été pris au niveau de l’Etat, qui n’ont pas été tenus. Vous-même, dès le lendemain, m’assuriez que Ghislaine était « l’honneur de la France » et que tout serait mis en œuvre pour éclairer cette tragédie», rappelle encore Mme Poinsot qui conclut: «Ce silence persistant m’est intolérable, voire suspect, et m’oblige à rendre publique ma requête».
Deux des principaux chefs jihadistes au Sahel, dont l’un avait revendiqué l’assassinat des deux journalistes, ont été tués dans le nord du Mali par les forces spéciales françaises, avait annoncé en mai le gouvernement français. L’un de ces deux jihadistes, Abdelkrim le Touareg, est le «responsable présumé de l’assassinat des journalistes de RFI», avait ensuite souligné le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, ajoutant: «La France a la mémoire longue».
Avec AFP
Lettre ouverte au Président François Hollande
Monsieur le Président de la République, Cette lettre ouverte, écrite par une mère endeuillée et âgée, vous parviendra pleine d’émotion mais aussi de ressentiment. Le 2 novembre 2013, ma fille Ghislaine Dupont, grand reporter et conseillère éditoriale de Radio France Internationale et Claude Verlon, technicien de cette même radio, ont été assassinés au nord Mali à la veille d’une émission spéciale sur la réconciliation nationale où chaque partie allait pouvoir s’exprimer. Revendiquée par AQMI, leur exécution eut lieu près de Kidal, là où stationnaient les militaires de l’opération Serval, des forces spéciales, l’armée malienne et un contingent de la Minusma. Ghislaine et Claude étaient arrivés à Kidal le jour de la libération des otages d’Arlit. Vingt mois se sont écoulés, un accord de paix a été signé au Mali mais aucun élément de vérité n’est venu éclairer ce double assassinat en dépit de l’opiniâtreté du juge d’instruction Marc Trévidic qui va, hélas, quitter son poste. Nous, famille et amis, savons que son enquête souffre d’un manque de collaboration de la justice malienne mais aussi des évènements régulièrement relatés par la presse. Ainsi, avons-nous appris, Monsieur le Président, les éliminations successives de certains chefs djihadistes, soupçonnés d’avoir commandité ces exécutions. Il est dit que ces neutralisations dépendent directement de vous, Chef des Armées. Sans espérer obtenir votre confirmation, nous venons nous inquiéter de ce que la justice et nous-mêmes pourrions encore attendre quant à l’arrestation des tueurs, leur jugement et la mise au jour de la vérité. Quel lien peut-il exister, par exemple, entre la libération des différents otages détenus dans cette région d’Afrique – parfois échangés contre des prisonniers- et la mort de Ghislaine et Claude ? J’attends beaucoup de la demande de levée du secret défense formulée par le juge à propos d’écoutes téléphoniques et de faits troublants révélés par l’enquête préliminaire. J’attends aussi mais en vain depuis bientôt deux ans, des éclaircissements de la part de l’État français et de l’Etat-major des Armées puisque ce sont nos soldats, présents sur place, qui ont relevé leurs corps peu après leur exécution. Monsieur le Président, le temps s’écoule mais ni la douleur ni la colère ne se tarissent. Je ne doute pas que vous compreniez la première mais souhaite que vous entendiez la seconde. Deux engagements ont été pris au niveau de l’État, qui n’ont pas été tenus. Vous-même, dès le lendemain matin, m’assuriez que Ghislaine était « l’honneur de la France » et que tout serait mis en œuvre pour éclairer cette tragédie. Depuis, l’une de vos conseillères s’est engagée à faciliter une rencontre avec l’Etat-major des armées pour m’expliquer, ainsi qu’aux proches réunis en association, ce qui s’est passé ce 2 novembre 2013 entre l’alerte (peu après 13 heures) et la découverte (14 heures 30) des deux cadavres. Promesse sans suites. Ce silence persistant m’est intolérable voire suspect et m’oblige à rendre publique ma requête. Dans l’espoir d’être enfin entendue, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma haute considération. Le 2 juillet 2015 Marie-Solange Poinsot
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