La photo d’Aylan, l’enfant syrien mort noyé, bouleverse l’Europe
Les sauveteurs ont repêché 12 corps sans vie parmi lesquels celui d’Aylan Kurdi, âgé de 3 ans et son frère, Galip, 5 ans.
La photo de la dépouille d’un enfant syrien, retrouvé mort sur une des plages de la station balnéaire de Bodrum en Turquie, a ému la toile.
L’Europe, où les tensions montaient face à l’afflux de dizaines de milliers de réfugiés et de migrants, était sous le choc jeudi après la publication la veille – notamment par le quotidien britannique The Independent – de photos du corps sur une plage turque d’un petit garçon mort noyé dans le naufrage de deux embarcations transportant des Syriens.
Ces bateaux étaient partis dans la nuit de mardi à mercredi de la ville côtière turque de Bodrum à destination de l’île grecque de Kos, l’un des plus courts passages maritimes entre la Turquie et l’Europe, lorsqu’ils ont chaviré, ont expliqué les garde-côtes turcs.
STR – Dogan news agency – AFP – Un officier de police turc devant le corps d’un enfant migrant retrouvé mort sur une plage de Bodrum, au sud de la Turquie, le 2 septembre 2015.
Rapidement prévenus par les cris des naufragés, les sauveteurs ont repêché 12 corps sans vie parmi lesquels celui d’Aylan Kurdi, âgé de 3 ans et dont le frère, Galip, 5 ans, a aussi péri dans le naufrage, selon des médias turcs. Les photos des deux frères et du cadavre d’Aylan, tee-shirt rouge et short bleu, face contre terre, sur une des plages de la station balnéaire de Bodrum a envahi les réseaux sociaux sous le mot-dièse #KiyiyaVuranInsanlik (« l’humanité échouée » en turc), qui est devenu l’un des mot-dièse les plus partagés sur Twitter.
A la Une. « Si ces images extraordinairement fortes d’un enfant syrien rejeté sur une plage ne modifient par l’attitude de l’Europe vis-à-vis des réfugiés, qu’est-ce qui le fera ? », interroge The Independent, qui en a fait sa Une.
« Ces images sont extraordinaires et rappellent durement que, alors que les leaders européens essaient de plus en plus d’empêcher les migrants de s’installer sur le continent, de plus en plus de réfugiés meurent en plein désespoir, tentant de fuir les persécutions et de se mettre en sécurité », explique le journal britannique, classé à gauche. « The Independent a pris la décision de publier ces images parce que, parmi les mots souvent désinvoltes sur la ‘crise des migrants en cours’, il est beaucoup trop facile d’oublier la réalité de cette situation désespérée à laquelle beaucoup de migrants sont confrontés. »
←Aylan Kurdi
Les images étaient aussi largement reprises par la presse européenne, y compris par des journaux qui avaient auparavant adopté une ligne dure sur la crise migratoire. « Toute petite victime d’une tragédie humaine », titre ainsi jeudi le Daily Mail sur une photo montrant un policier turc portant le cadavre de l’enfant. « Insoutenable », juge de son côté The Mirror.
En Italie, le quotidien La Repubblica a tweeté « La photo qui fait taire le monde », et en Espagne, El Pais en faisait le « symbole du drame migratoire », tandis qu’El Periodico titrait sur le « Naufrage de l’Europe ».
Quotas. « Certains disent que l’image est trop offensante pour être partagée en ligne ou imprimée dans nos journaux », écrit dans une tribune Peter Bouckaert, directeur pour les situations d’urgence de Human Rights Watch. « Mais ce que je trouve offensant c’est que des corps d’enfants noyés viennent s’échouer sur nos rivages, alors que l’on aurait pu en faire plus pour leur sauver la vie », a-t-il ajouté expliquant avoir lui-même longtemps hésité avant de tweeter la photo du corps d’Aylan Kurdi.
« On est sans voix face à cette image », c’est « atroce », a de son côté déploré le philosophe Bernard-Henri Lévy sur BFMTV. « Je suis tout simplement bouleversé comme le monde entier et la seule chose que l’on peut espérer c’est que cette image serve d’avertissement, de leçon. »
« Cest quelque chose qui est quotidien depuis des années maintenant. On ne peut pas parler uniquement de quotas. Je sais bien qu’on ne peut pas évidemment recevoir toute la misère du monde, mais encore une fois ce sont des êtres humains », s’est aussi indigné Philippe Douste-Blazy, le président d’Unitaid.
« Vous imaginez, vous vivez là-bas, vous n’avez plus de terre, vous n’avez pas beaucoup d’autres solutions que de partir », a réagi Yann Arthus-Bertrand sur notre antenne. « Même si vous êtes avocat ou architecte vous partez quand même parce que c’est la seule façon de donner de l’éducation à vos enfants. Vous devez partir. »
Pétition. Pour faire face à cet afflux de populations fuyant la guerre, les persécutions et la pauvreté au Moyen-Orient et en Afrique, « le plus important est d’apporter la paix et la stabilité » dans les régions en crise, a pour sa part affirmé le Premier ministre britannique David Cameron. « Je ne pense pas qu’une réponse puisse être trouvée en prenant en charge de plus en plus de réfugiés », a-t-il insisté. Dans le même temps, une pétition exhortant le gouvernement britannique à accueillir davantage de réfugiés avait recueilli mercredi en fin de journée plus de 44.000 signatures sur le site internet du Parlement.
Pour négocier une sortie de crise, la Commission européenne plaide pour une modification des accords de Dublin, au risque de relancer les divisions récurrentes entre les 28 sur ce chantier, à l’approche d’une réunion européenne le 14 septembre. La question sera abordée jeudi et vendredi par le numéro deux de l’exécutif européen Frans Timmermans et le commissaire chargé des migrations Dimitris Avramopoulos, en visite en Grèce.
L’Allemagne, la France et l’Italie ont à cet égard réclamé, dans une lettre de leurs chefs de la diplomatie publiée mercredi, une refonte du droit d’asile en Europe, qu’ils jugent dépassé, et une meilleure répartition des migrants dans toute l’UE.
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