L’accord de paix signé par tous les belligérants au Mali
Sidi Brahim Ould Sidati, un dirigeant du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA) a signé l’accord au nom de la CMA.
La rébellion à dominante touareg du nord du Mali a signé samedi à Bamako l’accord de paix entériné le 15 mai par le camp gouvernemental et la médiation internationale, censé permettre de tourner la page du jihadisme dans cette partie du Sahel.
L’accord vise à instaurer une paix durable dans le nord du Mali, qui a connu une série de rébellions touareg depuis les premières années d’indépendance du pays, en 1960. En 2012, cette vaste région a été transformée en sanctuaire et en base d’opérations jihadiste, jusqu’au lancement à l’initiative de laFrance de l’opération Serval en janvier 2013.
Au nom de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, rébellion), Sidi Brahim Ould Sidati, un dirigeant du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA), a ajouté sa signature à celles figurant déjà sur l’accord, sous les youyous de l’assistance.
Lors de cette cérémonie marquée par de nombreuses effusions et expressions de fraternité entre dirigeants de groupes qui s’affrontaient encore sur le terrain récemment, le ministre algérien des Affaires étrangères Ramtane Lamamra, chef de file de la médiation internationale, a salué « un nouveau départ, une nouvelle opportunité et une nouvelle destinée pour cette grande nation malienne ».
« La communauté internationale sera toujours à vos côtés mais elle ne peut faire la paix à votre place », a prévenu le chef de la Mission de l’ONU (Minusma), Mongi Hamdi. « Il y aura des moments de doute et de découragement, des tensions et de la méfiance », a-t-il prédit, juste après la signature, appelant les protagonistes à faire preuve de « bonne foi et bonne volonté ». « Faites-moi confiance », a lancé aux participants le président malien Ibrahim Boubacar Keïta. « Nous ferons en sorte que nul ne soit déçu », a-t-il assuré.
Selon un représentant de la CMA, Mahamadou Djeri Maïga, « il ne faut pas que ça ressemble aux accords précédents » entre Bamako et les rébellions antérieures, restés pour l’essentiel lettre morte. « Il faut que chacun respecte ses engagements », a-t-il déclaré à l’AFP.
La délégation rebelle s’est ensuite rendue au palais présidentiel pour rompre le jeûne du Ramadan avec le chef de l’Etat, a-t-on appris auprès du Palais. Au même moment, le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a fait savoir qu’il se rendrait lundi au Mali « pour marquer la présence et le soutien de la France à cet accord », selon son entourage.
Le chef de la diplomatie française Laurent Fabius a quant à lui salué l’accord et « félicité » la médiation algérienne dans le processus. « Nous continuerons à oeuvrer avec la communauté internationale pour accompagner la mise en oeuvre de cet important accord », a-t-il ajouté dans une déclaration.
Le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon a également félicité les signataires de l’accord et les médiateurs, les assurant du soutien des Nations Unies dans sa mise en œuvre. « La paix au Mali demeure la responsabilité du Mali et des Maliens, et le Secrétaire général exhorte toutes les parties à continuer à ouvrer de bonne foi afin de progresser dans cette direction et à appliquer intégralement les dispositions du cessez-le-feu » a déclaré M. Ban dans un communiqué.
– ‘Rôle essentiel de l’ONU’ – La CMA avait paraphé l’accord négocié depuis des mois à Alger la veille de sa signature le 15 mai à Bamako par le camp gouvernemental et la médiation internationale, mais exigeait pour le signer des discussions supplémentaires. Elle s’y est finalement engagée après avoir signé le 5 juin à Alger avec le gouvernement deux documents, portant l’un sur des garanties d’application prévoyant l’« insertion prioritaire et majoritaire des combattants des mouvements politico-militaires notamment de la CMA » au sein des forces de sécurité dans le Nord, et l’autre sur des « arrangements sécuritaires ».
L’accord prévoit la création d’Assemblées régionales dotées de pouvoirs importants, élues au suffrage universel direct, mais, comme le souhaitait Bamako, ni autonomie ni fédéralisme.
Dans une tribune publiée vendredi, les ministres français et néerlandais des Affaires étrangères Laurent Fabius et Bert Koenders, ce dernier ancien chef de la Minusma, ont encouragé la rébellion à franchir le pas et les pays européens à soutenir davantage la force de l’ONU. Cette crise touche « aux intérêts de l’Europe entière, au travers de la montée du terrorisme et de l’amplification des flux de migrants, et la mission de l’ONU joue un rôle essentiel dans la stabilisation du Mali et, indirectement, de la région », selon eux.
Le chef militaire de cette force, le général danois Michael Lollesgaard, a déploré mercredi au Conseil de sécurité de graves lacunes de ses troupes en termes d’entraînement, de logistique et de capacités de renseignement, qui les rendent « extrêmement vulnérables ». Cette signature doit « permettre de clarifier la situation sur le terrain », en isolant les « bandes incontrôlées, jihadistes, narcotrafiquants qui continuent les violences », a affirmé à l’AFP l’éditorialiste malien Souleymane Drabo, soulignant néanmoins que le rétablissement de la sécurité prendrait du temps.
Bien que les jihadistes aient été dispersés et en grande partie chassés de cette région par Serval – relayée depuis août 2014 par « Barkhane », dont le rayon d’action s’étend à l’ensemble sahélo-saharien – des zones entières échappent encore au contrôle des autorités maliennes comme des forces internationales.
AFP
Les dates clés au Mali depuis l’opération Serval– OPÉRATION SERVAL – – 11 jan 2013: La France lance l’opération Serval pour arrêter la progression des jihadistes qui contrôlent le nord du Mali, et soutenir les troupes maliennes face à la menace d’une offensive vers Bamako. Dès le 14 janvier, les islamistes évacuent les grandes villes après des bombardements français et Paris engage des troupes au sol. Les 26 et 28 janvier, les soldats français et maliens conquièrent le bastion islamiste de Gao (nord-est), avant d’entrer sans combat dans Tombouctou (nord-ouest). Deux jours plus tard, les forces françaises s’emparent de l’aéroport de Kidal (extrême nord-est), les soldats tchadiens « sécurisant » la ville quelques jours après. En février, une opération est lancée dans l’Adrar des Ifoghas (extrême nord-est) et de violents combats opposent soldats français et tchadiens aux jihadistes. Fin février, un chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), l’Algérien Abdelhamid Abou Zeïd, est tué par l’armée française. En octobre, des soldats français, maliens et de la force de l’ONU lancent une opération dans le Nord, où les groupes jihadistes ont repris leurs attaques en septembre, après plusieurs mois d’accalmie. – DÉPLOIEMENT DE LA MINUSMA – – 1er juillet 2013: La Mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma) est officiellement mise en place, prenant le relais de la Misma (force panafricaine). – ELECTION PRÉSIDENTIELLE – – 11 août 2013: Ibrahim Boubacar Keïta est élu au second tour de la présidentielle (77,6%) face à Soumaïla Cissé. – DÉROUTE DE L’ARMÉE A KIDAL – – 21 mai 2014: Des groupes rebelles touareg et arabes infligent une lourde défaite à l’armée malienne à Kidal, dont ils s’assurent le contrôle. Un cessez-le-feu est signé par Bamako et trois groupes armés, dont la rébellion touareg du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA). – BARKHANE REMPLACE SERVAL – – 13 juillet 2014: La force Serval est remplacée par Barkhane, une opération plus large de lutte contre le jihadisme avec 3.000 soldats français mobilisés dans cinq pays du Sahel, effective à partir du 1er août. – ATTAQUES JIHADISTES – – 5 jan 2015: Onze soldats sont tués dans l’attaque, revendiquée par Aqmi, d’un camp militaire à Nampala, près de la frontière mauritanienne. En octobre, neuf soldats nigériens de la Minusma avaient été tués dans une attaque jihadiste près de Gao. – ATTENTAT DE BAMAKO – – 7 mars 2015: Un attentat dans un restaurant au cœur de Bamako – le premier visant des Occidentaux dans la capitale – fait cinq morts, trois Maliens, un Français et un Belge. L’attaque est revendiquée par Al-Mourabitoune, le groupe jihadiste de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar. La mort de ce dernier a été annoncée une fois de plus, le 14 juin dans un raid américain en Libye, mais démentie, notamment par son groupe. – ATTAQUES REBELLES/GROUPES PRO-GOUVERNEMENTAUX – – 27 avril 2015: Un groupe armé favorable à Bamako s’empare des positions rebelles à Ménaka (nord-est). La Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA, rébellion à dominante touareg) réplique par une série d’attaques. Ces affrontements, les plus meurtriers depuis un an, mettent en péril le cessez-le-feu. – ACCORD DE PAIX SANS LES REBELLES – – 15 mai 2015: Le gouvernement et les groupes qui le soutiennent, ainsi que la médiation internationale, signent à Bamako l’accord de paix négocié à Alger, sans les principaux groupes rebelles, qui minimisent une « signature unilatérale ». – SIGNATURE DE L’ACCORD PAR LES REBELLES – – 5 juin 2015: La rébellion s’engage à signer l’accord le 20 juin après la signature de deux documents à Alger. – 19 juin: après la levée par le gouvernement des mandats d’arrêt visant des dirigeants rebelles, les groupes pro-Bamako évacuent Ménaka, écartant les ultimes obstacles à la signature par la rébellion. – 20 juin: la rébellion signe l’accord de paix à Bamako.
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