L’armée interpelle IBK
Le général Mahamane Touré, chef d’état-major général des armées lors de la cérémonie de présentation des vœux.
Pour le général Mahamane Touré, sans forces armées solides et respectées, la signature d’un accord de paix global et définitif, ne nous permettra pas de faire l’économie d’une guerre contre les terroristes et les organisations criminelles, avant de parvenir à assurer le contrôle total de notre territoire.
La traditionnelle cérémonie de présentation de vœux de nouvel an a servi de cadre le 29 décembre au général Mahamane Touré, chef d’état-major général des armées pour interpeller le président de la République Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) sur les manques de moyens d’une armée appelée à jouer les premiers rôles. « L’année qui s’achève aura été marquée par des événements singuliers sur le plan sécuritaire dont certains par leur ampleur ont mis à rude épreuve notre outil de défense en reconstruction », a déploré le général Touré. Il s’agira selon lui d’envisager l’avenir avec plus de réalisme et de rigueur afin de doter la nation d’une armée restructurée, combattante, professionnelle, résiliente, et républicaine.
Déboires militaires. Les deux opérations actuellement conduites par les forces armées maliennes sur le territoire national peinent à trouver leurs marques. La première et la plus ancienne, appelée ‘’Soutoura’’ et qui continue à protéger le pays sur son flanc sud avec la Côte d’Ivoire a besoin d’être réadaptée. La seconde lancée, le 29 juillet 2013, sous le vocable de ‘’Maliba’’, a comme finalité, la restauration de l’autorité de l’Etat sur les régions du nord et la réduction de la menace terroriste. Elle est la plus importante, par son envergure et son intérêt stratégique et constitue l’axe d’effort principal de l’armée. Selon le chef d’état-major général des armées, la conduite de cette opération dans laquelle, la nation s’est fortement impliquée, engage des effectifs importants des forces de défense et de sécurité (FDS).
« L’opération ‘’Maliba’’, a enregistré quelques avancées notables, jusqu’en mai 2014. Le recul causé par les événements de Kidal, est un fait dont nous continuons à tirer les enseignements indispensables », a-t-il déclaré. En effet, la visite inopportune du Premier ministre Moussa Mara à Kidal le 17 mai et sa déclaration de guerre impromptue aux groupes rebelles à causé la mort de près de 200 personnes (d’après certaines sources) et le recul de l’armée des régions du nord du pays. Une déconvenue qui a sapé le moral des troupes .Même si le général Touré a assuré que l’opération se stabilise et se renforce actuellement, il reconnaît qu’elle reste fortement tributaire de quelques déficits capacitaires et du respect des engagements pris dans le cadre du cessez-le-feu du 23 mai 2014. Si les forces armées maliennes ne posent aucun acte de nature à être interprété comme une violation, risquant de porter ombrage au processus politique de dialogue inter-maliens d’Alger, ce n’est pas le cas des mouvements rebelles.
Pour M. Touré, les violations sans cesse répétées de l’accord de cessez-le-feu, par les groupes armés et leur irruption dans les espaces inoccupées par l’armée, ont entraîné la réaction des communautés concernées, à la fois dans le Haoussa que dans le Gourma. « En l’absence des Forces de défense et de sécurité, ces communautés agressées et violentées se sont organisées en groupes d’autodéfense, afin de prendre leurs destinées en mains et protéger leurs terroirs », a avoué le chef d’état-major général des armées. Il a précisé que ces groupes communautaires – bien que ne s’attaquant, ni ne perturbant jamais les déploiements de l’armée – n’ont en aucun cas été mis en place, ni suscités par l’Etat, contrairement à des rumeurs les qualifiant de ‘’milices gouvernementales’’. Ces groupes constituent d’ailleurs une des trois parties de la ‘’la plateforme’’, prise en compte dans le processus d’Alger, aux côtés du gouvernement et la coordination des mouvements armés.
Selon chef d’état-major Touré, la construction d’un modèle d’armée adapté aux besoins de la nation, devient un impératif au regard des défis sécuritaires de plus en plus complexes au Mali et dans le sahel. La formation du personnel, la préparation opérationnelle, l’équipement et le soutien des forces sont essentiels
Défaillances. « Monsieur le président de la République, chef suprême des armées, permettez-moi de vous affirmer que sans forces armées solides et respectées, ancrées solidement dans la nation, la signature d’un Accord de paix global et définitif, ne nous permettra pas de faire l’économie d’une guerre ou de combats soutenus, surtout contre les terroristes et les organisations criminelles, avant de parvenir à assurer le contrôle total et définitif de notre territoire », a-t-il interpellé IBK. Pour le Chef d’état-major général, nous avons l’obligation de mettre à niveau nos forces armées et ce par tous les moyens possibles. Les partenaires ont suffisamment joué leur partition. Il nous appartient de prendre le relais pour rétablir les normes, en termes de réarmement moral du personnel, de renforcement des capacités et des aptitudes opérationnelles de nos forces, notamment leur esprit de combativité, afin de relever le défi de la restauration et de la sauvegarde de notre intégrité et de notre souveraineté. Cependant, Le Général Touré a déploré le manque de moyens tragique des forces armées maliennes
« Le simple ravitaillement, le soutien logistique ou la relève de nos troupes dans des localités comme Tessalit ou Ménaka sont laissés au bon vouloir de la Minusma et de Barkhane, qui ont aussi leurs propres priorités. La capacité de déminage, ou de détection des Engins explosifs improvisés-EEI, est quasi-inexistante. Quand à celle de l’évacuation sécurisée et du traitement d’une manière décente de nos blessés, de leur prise en charge et de celle des familles des victimes, elles nous posent d’énormes difficultés », a dénoncé le chef des armées. Il a interpellé le chef de l’Etat pour doter l’armée de moyens afin résorber ces vulnérabilités et les défaillances pour l’année 2015. Pour lui le projet de politique nationale de défense et de sécurité, assorti de celui du premier projet de loi de programmation 2015-2019 d’un montant de 514 milliards de FCFA, qui viennent d’être adoptés par le Conseil supérieur de la défense nationale, prennent en compte l’essentiel de ces préoccupations. C’est pourquoi, il a demande leur mise en œuvre diligente, transparente et collégiale.
L’enjeu pour le Mali est de reconstruire son outil de défense. « Il faut en effet rappeler un postulat, les forces de défense et de sécurité maliennes, ont constitué par le passé et devront toujours constituer l’Alpha et l’Oméga de notre souveraineté. S’il est vrai que Janvier 2013, a constitué une parenthèse sombre dans l’histoire de nos FDS, lorsqu’il a fallu l’intervention de la France pour éloigner la menace terroriste, ceci ne doit plus jamais se reproduire », a-t-il martelé. Il a formulé les vœux que l’année 2015, voit la consécration de notre réarmement moral, le renforcement de nos capacités, une avancée notable dans la restructuration, voire la réforme des armées, le déclic du sursaut national pour une reconquête et un contrôle total de notre territoire, afin de créer les conditions idoines pour le retour total de l’administration, celui des personnes déplacées et des réfugiés, la reprise des activités socio-économiques des populations.
Fousseni TRAORE