Le président Ali Bongo veut donner son héritage à la jeunesse
Le président gabonais Ali Bongo le 8 avril 2014 à l’Elysée à Paris – Bertrand Guay
Le président gabonais Ali Bongo a déclaré qu’il allait confier la fortune héritée de son père à une fondation. Une annonce surprenante, alors que l’enquête sur les « biens mal acquis » de la famille Bongo se poursuit.
Il veut donner sa part d’héritage à la « jeunesse gabonaise ». Et cette annonce du président Ali Bongo Ondimba a considérablement surpris à Libreville, où beaucoup expriment leur scepticisme et s’interrogent sur cette opaque succession autour de laquelle se déchirent les héritiers du patriarche Omar Bongo.
Dans un discours prononcé lundi lors du 55e anniversaire de l’indépendance de l’ex-colonie française, le chef de l’Etat a affirmé que « tous les revenus tirés de la part d’héritage » qui lui revient « seront versés à une fondation pour la jeunesse et l’éducation ».
Allant plus loin, le président a annoncé « au nom des enfants » d’Omar Bongo – qui a « régné » 41 ans avant de décéder en 2009 – que deux propriétés parisiennes ayant appartenu au patriarche seraient cédés à l’Etat « pour le franc symbolique », tout comme un immense domaine familial situé à Libreville qui sera dévolu à l’implantation d’une nouvelle université.
« promesses sans lendemain ». Sur les réseaux sociaux, les réactions ont fusé après cette annonce aussi généreuse qu’inédite. Si certains saluent la « philanthropie » du président sur sa page Facebook, de nombreux internautes le critiquent ouvertement.
« Notre pays agonise depuis plusieurs années parce que sa richesse prend des destinations inconnues et avantage un groupuscule de personnes. Il ne s’agit pas de renoncer seulement à votre part, mais de restituer au Gabon l’intégralité de tout ce qui lui a été pris et confisqué », affirme un Gabonais.
« Comme d’habitude, Ali Bongo fait des promesses sans lendemain », a réagi Zacharie Myboto, président de l’Union nationale, l’un des principaux partis d’opposition. « Plusieurs procédures judiciaires sont en cours sur l’héritage de la famille, alors comment peut-il se permettre d’attribuer tel ou tel bien ? On ne sait même pas à qui ils appartiennent. »
Six ans après la mort d’Omar Bongo, la succession à laquelle peuvent prétendre 53 héritiers déclarés est en effet loin d’être réglée. Si les actifs déjà identifiés sont estimés à plusieurs centaines de millions d’euros, le montant total de l’héritage, tout comme les modalités de sa transmission, restent flous.
Selon Mediapart, il fait l’objet d’une féroce bataille au sein du clan Bongo, Ali et son influente sœur Pascaline étant les deux seuls légataires universels de la succession. Ce qui veut dire qu’à eux deux, « ils doivent se partager la moitié du pactole, réparti en terres, en comptes bancaires, en villas, en immeubles, en bateaux, en avions et en parts sociales dans de nombreuses sociétés », affirme Mediapart.
« Echapper à l’enquête » en cours. Pour Marc Ona Essangui, figure de la société civile et membre de la plateforme internationale « Publiez ce que vous payez », « il n’y a jamais vraiment eu de différence entre le patrimoine de l’Etat et celui de la famille : quand on donne de la main gauche, on récupère avec la main droite ».
Et de souligner que les deux hôtels parisiens auxquels Ali Bongo fait allusion sont dans le viseur de la justice française dans le cadre de l’enquête sur les « biens mal acquis ».
Depuis 2010, deux juges parisiens enquêtent sur les conditions d’acquisition en Franced’un très important patrimoine immobilier et mobilier par plusieurs chefs d’Etat africains – Omar Bongo, le Congolais Denis Sassou Nguesso et l’Equato-guinéen Teodoro Obiang – et leurs proches.
Le don par Ali Bongo de sa part d’héritage « serait une forme de restitution au peuple gabonais des richesses dont il a été privé durant des décennies », estime Me William Bourdon, l’avocat des ONG Transparency International et Sherpa, à l’origine de la plainte sur les biens mal acquis.
Toutefois, « on est en droit de se demander si ce n’est pas un coup politique pour retrouver un crédit largement entamé (avant la présidentielle de 2016, NDLR), ou pour essayer d’échapper aux conséquences de l’enquête » en cours, juge-t-il.
AFP
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