Le temps d’un festival, le Mali meurtri rêve d’une renaissance culturelle
Le groupe malien Songhoy Blues sur scène lors du Festival Bamako Acoustik, le 27 janvier 2016 à Bamako.
Damon Albarn, Tony Allen, Songhoy Blues, Cheick Tidiane Seck…: hôte d’une constellation de gloires de la musique africaine et mondiale pour le Festival Acoustik Bamako, la capitale malienne rêve d’une renaissance culturelle, malgré l’état d’urgence instauré après l’attentat meurtrier contre un grand hôtel fin novembre.
« C’est très important pour moi, pour nous, de faire bouger la culture malienne », explique le maître de la kora Toumani Diabaté, initiateur de cette première édition, close samedi soir après quatre jours de concerts qui ont drainé un public nombreux.
« Le Mali est le cœur de la culture en Afrique », ajoute Toumani Diabaté, heureux que ses invités aient répondu présents malgré la menace jihadiste qui pèse sur le pays.
Le 20 novembre, l’attaque du Radisson Blu de Bamako a fait 20 morts dont 14 étrangers.
Un imposant dispositif de sécurité a été mis en place à l’entrée du Conservatoire des Arts et Métiers Multimédia et de l’Institut Français où se sont produits les artistes.
Selon Fatou Sow, productrice exécutive du festival, les « artistes ont accepté de venir jouer gratuitement pour soutenir le Mali ».
C’est le cas notamment du chanteur britannique Damon Albarn (Blur, Gorillaz), un habitué du Mali, qui en est à son dixième séjour.
C’est lui qui a découvert le groupe malien Songhoy Blues, originaire du nord du pays, tombé sous la coupe des groupes jihadistes jusqu’à l’intervention militaire internationale lancée en janvier 2013 à l’initiative de la France.
« En 2012, lorsque les jihadistes ont envahi le nord du Mali, cela a contraint mes camarades à fuir vers le Sud. Ils sont venus ici. L’idée est venue de créer le groupe. Pour nous c’était un moyen de résister » explique Aliou Touré, le chanteur de Songhoy Blues.
« Jouer à Bamako, ça nous réconforte. Vous savez, le Mali ne peut rien sans sa culture, sans sa musique », estime-t-il. « Notre rêve est de pouvoir retourner un jour chez nous, animer le peuple meurtri ».
En attendant, le groupe, qui connaît un succès fulgurant avec son premier album Music in Exile, s’apprête à repartir en tournée en Australie.
– Ouverture au monde – Julien Lebarbu, enseignant français, n’a raté aucun concert du festival: « On a assisté à plusieurs échanges très riches au niveau musical: on sent bien que le Mali est un pays ouvert sur le monde et que le monde est ouvert au Mali ».
Le public a notamment pu apprécier le métissage des répertoires maliens et écossais proposé par Alba Griot Ensemble.
Pour le chanteur malien Habib Koité, « ce festival c’est comme une renaissance, comme le retour du pays vers la culture, vers les rencontres. C’est ça qu’on a l’habitude de faire ici : inviter le monde entier, les musiques qui viennent d’ailleurs ».
« A un moment donné, on ne pouvait plus être hospitalier, on ne pouvait plus accueillir les gens », regrette-t-il, espérant que cette page sera bientôt tournée.
Derek Gripper, musicien sud-africain qui adapte à la guitare classique le répertoire mandingue de Toumani Diabaté, est très ému de venir pour la première fois jouer au Mali. Au cours de la semaine, « j’ai rencontré tellement de musiciens incroyables », s’enthousiasme-t-il.
Gary Dourdan, connu pour son rôle dans la série américaine « Les experts », partage cette euphorie. « J’aime le Mali. Je ne pensais pas que j’allais aimer ce pays à ce point », confie-t-il.
« Je savais qu’il y avait beaucoup de grands maîtres ici », confie l’acteur, qui a montré ses talents de chanteur lors de la soirée inaugurale, en présence de la première dame du Mali et de la ministre de la Culture. « J’ai beaucoup voyagé ces derniers années, mais ce séjour au Mali est le plus incroyable ».
« On est très heureux de pouvoir faire la fête », se réjouit Alima Togola, étudiante en arts dramatiques, « on remercie Toumani d’avoir amené » toutes ces stars au Mali ».
« Je demande à tout le monde de revenir au Mali car ici il n’y a plus de guerre », lance-t-elle, en allusion à l’accord de paix signé en mai-juin 2015 entre le gouvernement, les groupes qui le soutiennent et l’ex-rébellion à dominante touareg du nord du pays.
Malgré cet accord, les attaques jihadistes persistent et se sont étendues depuis l’année dernière du nord au centre au sud du pays.
AFP
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