Les bourdes du ministre de la Justice
Mohamed Ali Bathily, ministre de la Justice, a officiellement révélé les dessous du deal de la libération de Serge Lazarevic.
En affirmant, sans équivoque, que le Mali a mis en liberté quatre dangereux terroristes pour obtenir la libération de Serge Lazarevic, le dernier otage français, le ministre de la Justice a attisé la polémique et mis dans l’embarras les autorités françaises.
Le ministre malien de la Justice a affirmé le 12 décembre, sans ambages, devant les journalistes de France 24 que la libération du dernier otage français, Serge Lazarevic, par ses ravisseurs a été faite en échange de la mise en liberté de quatre dangereux terroristes détenus dans les geôles maliennes. Il s’agit du Tunisien Oussama Ben Gouzzi, du Sahraoui Habib Ould Mahouloud et des Maliens Mohamed Aly Ag Wadoussène et Haïfa Ag Achérif, son demi-frère. « Chaque fois que des innocents ont vu leur vie menacée et que nous pouvions faire quelque chose dans ce sens là, nous l’avons fait – y compris à l’intérieur lorsqu’il s’agissait de Maliens –, nous l’avons fait de surcroît lorsqu’il s’agit de ressortissants de pays qui sont quand même venus nous aider dans des moments les plus critiques », a expliqué Mohamed Ali Bathily
Sans retenu. Le ministre a cité l’exemple des négociations conduites avec les groupes armés à Kidal, dans le nord du pays, au terme desquelles « plus de 38 militaires maliens, des préfets, des policiers, des gendarmes maliens ont été libérés de la même manière et avec le même type d’échange ». A la question de savoir qu’est ce qu’il pense de la défense des droits des victimes comme la famille du surveillant de prison abattu par Mohamed Aly Ag Wadoussene, lors de son évasion de la maison centrale d’arrêt de Bamako, le ministre une curieuse réponse. « Chaque fois que l’occasion sera donnée de remettre la main sur Wadoussene –puisse qu’il a fuit une fois il a été rattrapé, on espère qu’il soit rattrapé une deuxième fois –, il sera jugé pour ce crime là qui n’est pas abandonné », a-t-il marmonné. « Toutes les vies se valent. Aucune vie n’est supérieure à l’autre », a-t-il répondu aux Maliens qui l’accusent d’avoir privilégié la vie d’un Français sur celle d’un Malien.
Polémique. Des déclarations à l’emporte-pièce qui ont surpris plus d’un sur les bords de la Seine. Car jamais on a vu un officiel, de surcroît un ministre, étaler au grand jour les tractations, pas toujours honorables, qui ont servi à la libération d’un otage. C’est pourquoi d’ailleurs, contactés par les journalistes, ni François Hollande, ni aucun membre du gouvernement français n’a voulu confirmer ou infirmer les propos du ministre malien. En certaines circonstances le silence vaut de l’or. Mohamed Ali Bathily a manqué une occasion de se taire. Mais ses déclarations risquent d’attiser la polémique qui s’est déjà installée au Mali depuis la parution des premières infos dans la presse. Outre l’AMDH (Association Malienne des Droits de l’Homme) qui est monté au créneau, les surveillants de prison qui ont perdu leur camarade tué à bout portant par Mohamed Aly Ag Wadoussene lors de son évasion de la maison centrale d’arrêt de Bamako menacent d’aller en grève.
Impunité. L’opposition qui a déjà fait entendre sa voix, à travers un communiqué signé par huit partis politiques, demande au président de la République de s’expliquer sur « les tenants de cette opération de promotion de l’impunité qui ne crédibilise pas la lutte contre le terrorisme ». Car, en agissant en dehors des règles de l’État de droit, « le président fragilise davantage notre pays et met à nu l’incompétence et le manque d’anticipation qui caractérisent l’action de son gouvernement ». Selon l’opposition, le président « fait peu de cas de la justice, des victimes et de leurs familles, et encourage l’impunité, autre marque de fabrique de sa gouvernance. La réparation des préjudices causés aux victimes et à leurs familles est piétinée. »
Ibrahim Cissé