L’Expert indépendant sur le Mali denonce des violations massives des droits de l’Homme
L’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali Suliman Baldo.
Au terme de sa quatrième visite au Mali du 1er au 10 mars – visite qui l’a conduit à Gao et à Kidal du 3 au 6 -, l’Expert indépendant sur la situation des droits de l’homme au Mali Suliman Baldo a exprimé de vives préoccupations face aux violations massives des droits les plus fondamentaux dont continuent à être victimes les populations dans les zones affectées par la guerre. Faisant allusion à la fragilité de l’accord de cessation d’hostilité signé à Alger le 19 février, M. Baldo a déclaré que « les tensions créées par la situation actuelle de ni guerre ni paix encourageaient ceux qui ne s’intéressent pas à la paix à saboter les efforts en cours ».
C’est dans ce contexte que s’inscrivent les attaques terroristes récentes qui ont causé cinq morts civiles à Bamako, et les tirs contre le camp de la Minusma à Kidal et dont le bilan est de deux enfants et un militaire de la Minusma tués et plusieurs militaires onusiens blessés. « Ces attaques contre des civils et des installations de la Minusma sont condamnables et les auteurs doivent être identifiés et traduits devant la justice » a affirmé Baldo.
Les parties engagées dans le conflit au nord du Mali continuent à régulièrement violer les accords de cessation d’hostilité signés à Kidal et à Alger afin de renforcer et étendre leurs zones de contrôle, et pour renforcer leurs positions dans le processus de paix d’Alger, a déclaré l’expert. « Les groupes armés extrémistes ou terroristes, qui ne sont pas signataires de ces accords, ont un intérêt évident à saboter tout processus pouvant aboutir au retour de la paix et de la stabilité au Mali », a-t-il ajouté.
« Étant donné la complexité de ce conflit dont les multiples dimensions dépassent les frontières de Mali, les acteurs nationaux, à savoir, le Gouvernement malien, des Mouvements de la Plateforme et de la Coordination devront faire preuve de bonne foi et de confiance en ce moment crucial et œuvrer ensemble pour conclure la paix durable tant attendue par les populations du Mali », a ajouté l’expert.
L’Expert indépendant a de nouveau insisté sur la nécessité de placer les victimes au centre de ce processus de paix et de réconciliation et de faciliter la participation des femmes dans ce processus. « La situation sécuritaire précaire qui prévaut au Nord du Mali a un impact très négatif sur la jouissance et la protection de tous les droits humains, notamment les droits civils, politiques, sociaux, culturels et économiques », a réitéré l’Expert indépendant.
« Toutes les parties prenant part au conflit ont commis de sérieuses violations, y compris des atteintes au droit à la vie, des disparitions forcées, des cas de torture, de violences sexuelles, d’arrestations et de détentions arbitraires, et des atteintes au droit à la propriété. Ces derniers mois, des communautés entières ont été forcées de se déplacer afin de se protéger de châtiments collectifs imminents », a déclaré M. Baldo.
Le retrait des autorités maliennes civiles de régions entières du Nord à la suite des événements de mai 2014 a laissé à la population un sens d’abandon quasi total. L’Expert indépendant s’est dit profondément préoccupé par le fait que la situation dans le nord du Mali s’était considérablement détériorée depuis sa dernière visite.
« En l’absence de magistrats et d’autres agents de la chaîne pénale, un climat d’impunité s’installe dans le Nord. Deux juges du Tribunal de la Commune III de Bamako et un juge de Pôle anti-terroriste sont actuellement en charge des enquêtes sur les violations de droits de l’homme et du droit humanitaire international perpétrées depuis le début de la crise en 2012 », a-t-il déclaré.
Par ailleurs, le risque pour les acteurs humanitaires œuvrant dans les régions du nord est très élevé à cause de fréquentes attaques armées et des actes de banditisme dirigés contre eux. Ces attaques, et l’usage fréquent de mines et d’engins explosifs improvisés par des groupes terroristes sur les axes routiers, continuent d’aggraver la crise humanitaire et d’entraver les mouvements des civils. De plus, les casques bleus de la Minusma sont de plus en plus pris pour cible, comme le montre l’attaque survenue dimanche matin et l’attaque suicide contre le même camp il y a deux mois.
Plusieurs interlocuteurs ont parlé des événements tragiques survenus à Gao le 27 mars 2015 et qui ont causé la mort de trois manifestants et blessé 17 personnes. « Je voudrais présenter mes condoléances aux familles endeuillées », a ajouté M. Baldo.
Le rapport final de l’équipe de haut niveau mandatée par le Secrétaire général des Nations Unies pour enquêter sur ces événements sera présenté d’ici à la fin mars 2015. « Je ne veux pas préjuger de l’issue de cette enquête, mais j’aimerais souligner que les casques bleus sont tenus de respecter les normes les plus élevées. Les responsables devront rendre des comptes », a-t-il poursuivi.
L’expert a conclu sa visite, au cours de laquelle il s’est rendu dans le nord du pays, notamment à Kidal et à Gao, par un appel à la communauté internationale afin qu’elle redouble ses efforts pour aider le Mali à sortir de cette situation et renforce la coopération technique pour le développement du pays.
Au cours de sa visite de neuf jours, M. Baldo a rencontré le ministre de la Justice et des droits de l’Homme et Garde des sceaux, le ministre de la Solidarité, de l’action humanitaire et de la reconstruction du Nord ainsi que d’autres hauts responsable du gouvernement malien. Il s’est également entretenu avec des représentants de la société civile, y compris des associations de victimes, ainsi qu’avec le corps diplomatique et des agences du système des Nations Unies.
L’Expert indépendant présentera un rapport sur la situation des droits de l’homme au Mali au Conseil des droits de l’homme des Nations unies le 24 mars 2015, et il fera une mise à jour orale de son rapport. Enfin, l’expert a rappelé qu’il rendra compte des messages reçus des autorités, de la société civile et des victimes au Conseil des droits de l’homme.
Source : OHCR