Mali : la paix à l’épreuve de l’insécurité, de l’impunité et de la lutte contre le terrorisme
A l’occasion d’une mission internationale au Mali, la FIDH et l’AMDH publient une note dans laquelle elles s’inquiètent du niveau de violence qui persiste dans le pays, 8 mois après la signature de l’Accord de paix, de l’impact de la lutte contre le terrorisme et de l’impunité persistante des auteurs des crimes les plus graves commis depuis 2012.
Depuis le début de l’année 2015, plus de 200 attaques terroristes et de banditisme ont été enregistrées dans le Nord et le Centre du Mali provoquant la mort de plus de 200 personnes dont une majorité de civils. 140 de ces attaques furent le fait de groupes armés terroristes, 42 % d’entre elles ayant visé les forces des Nations unies. En 2015, les attaques des groupes armés ont fait environ 150 morts et 250 blessés dont 50 % étaient des civils. Les attaques ayant visé la MINUSMA ont fait, à elles seules, 29 morts et 80 blessés faisant du Mali le pays le plus dangereux pour une mission des Nations unies.
« Huit mois après la conclusion de l’Accord de Paix, les groupes armés terroristes, mafieux et autres mènent en moyenne 30 attaques armées par mois provoquant une insécurité persistante et des violations graves des droits humains envers les populations et les forces internationales. Il faut progresser dans la mise en œuvre de l’accord de paix et actionner de nouveaux leviers tels que la justice pour faire baisser le niveau de violence et protéger les populations civiles » ont déclaré nos organisations.
Nos organisations ont pu constater la persistance de violations des droits humains perpétrées par les groupes armés terroristes, pro-gouvernementaux, et ex-rebelles qui seraient notamment responsables d’une douzaine de disparitions forcées et de l’exécution de personnes accusées d’être des informateurs. Les forces de sécurité maliennes sont elles aussi responsables de violations, notamment des arrestations arbitraires, des mauvais traitements et des actes de torture dans le cadre des opérations anti-terroristes Séno et Jiguiya lancées fin 2015. Près de 300 personnes seraient actuellement détenues en relation avec le conflit au Nord du pays dont 55 % le seraient sans mandat légal.
Si les procédures judiciaires engagées contre l’ex-chef putschiste de la junte militaire au pouvoir en 2012 ont avancé, les victimes des crimes commis au Nord du Mali par les groupes armés rebelles, les groupes djihadistes et les forces armés maliennes n’ont pas connu d’évolution notable privant ainsi les victimes de leur droit à la vérité et la justice mais également les autorités maliennes d’un levier important pour limiter la prolifération d’acteurs de violence sur le terrain. Depuis 2013, les autorités maliennes ont même libéré 220 personnes arrêtées en relation avec le conflit au Nord principalement à la demande des groupes armés dans le cadre des mesures de confiance de l’Accord de Paix. Selon nos organisations, au moins 46 des personnes libérées seraient des auteurs présumés de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre ou d’autres graves violations des droits humains.
Pour répondre à ces enjeux, nos organisations appellent les autorités maliennes à faire de la lutte contre l’impunité une réalité notamment en instaurant un Pôle judiciaire spécialisé dans les crimes les plus graves ; en garantissant que les personnes libérées ne soient pas présumées responsables de graves crimes ou encore en procédant aux inculpations et interpellations des présumés responsables identifiés, notamment ceux cités dans la présente note.
De même, les efforts engagés en faveur d’un processus de réconciliation nationale ne doivent pas sapés par de nouvelles nominations au sein de la Commission vérité, justice et réconciliation (CVJR) qui seraient de nature à remettre en cause l’impartialité de ses membres en raison de la présence de représentants de groupes armés ou de potentiels présumés responsables de crimes. Selon nos organisations, l’effectivité du travail de la CVJR en faveur de la réconciliation passera par la qualité de sa composition mais également par sa capacité à garantir à toutes les victimes la recherche de la vérité, de la justice et de leur réparation en toute sécurité.
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