Mali : Le décret sur la nouvelle durée de la transition est illégal
Par son Décret N°2022/0335 PT-RM du 06 juin 2022, le chef de l’État du Mali a fixé la durée de la transition à vingt-quatre (24) mois à compter du 26 mars 2022.
Au visa de ce décret, outre la Constitution de 1992 et la Charte de la transition, la Loi N°2022-001 du 25 février 2022 portant révision de la Charte de la transition.
La durée initiale de la Charte a été fixée à l’article 22 de la Charte de la transition. Il y était indiqué que « la durée de la transition est fixée à dix-huit (18) mois à compter de la date d’investiture du Président de la transition ».
Cette Charte révisée par la suite, a été promulguée par la loi précitée.
L’article 22 nouveau de la Charte révisée a, en son alinéa 1, précisé que : « la durée de la transition est fixée conformément aux recommandations des assises nationales de la refondation ».
Ce sont les « forces Vives de la Nation représentées au sein du Comité national pour le Salut du peuple (CNSP) », comprenant entre autres, le « mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques du Mali (M5- RFP) », les « Partis et Regroupements politiques », les « organisations de la Société civile» et les « Maliens établis à l’extérieur », les « Mouvements signataires de l’accord pour la Paix et la réconciliation au Mali, issu du processus d’Alger » et les « Mouvements de l’inclusivité » qui ont adopté le texte de la Charte.
Le parallélisme des formes est un principe de droit selon lequel un acte pris selon une certaine procédure ne peut être modifié ou abrogé qu’en suivant une procédure identique .
En application de ce principe, mais également eu égard à l’importance de la durée de la transition, notamment dans le dispositif même de la Charte, celle-ci ne peut nullement être révisée par un décret, y compris lorsque ce décret est pris par le chef de l’État avec le contreseing du premier ministre.
Il revient plutôt aux forces vives, elles et elles seules, de procéder à la modification de la durée de la transition, en adoptant les mêmes formes qu’auparavant !
En ne procédant pas de la sorte, le décret n’a pas de base légale et reste exposé à la censure.
Il y’a à dire pas mal de choses d’autres non conformes au sujet de ce décret. Du point de vue aussi bien de la forme, que du fond, mais également au plan politique. Par exemple, l’on peut s’interroger quant à l’urgence pour le chef de l’État à prendre un décret, de surcroit dans un domaine qui n’est de de son ressort, ni même de sa compétence ; qui plus est, la date d’entrée en vigueur dudit décret est reportée dans le temps, au 26 mars 2022, le faisant rétroagir de plus de deux mois auparavant. Il apparaît d’évidence que la prise de ce texte résulte de la non-urgence à agir.
Sans compter qu’en voulant se hâter pour contenter l’opinion nationale, lassée des effets néfastes d’un embargo, celle-ci se rend compte du caractère grotesque de la manœuvre.
La levée nécessaire et indispensable de l’embargo de la CEDEAO/UEMOA sur le Mali est une question si précieuse qu’aucun ego personnel, aucun jeu ou calcul politique et/ou politicien ne devrait venir contrarier les chances et perspectives d’aboutissement.
C’est bien ce qui, semble-t-il, a été reproché à la délégation malienne à Abuja dimanche dernier à l’occasion du sommet extraordinaire sur le Mali entre autres. Lorsqu’il s’est agi pour la CEDEAO, d’avancer vers la levée de l’embargo, contre la bonne foi du gouvernement de transition du Mali dont d’aucuns ont mis en doute puisque mise à mal plus d’une fois déjà dans les mêmes contextes.
Agissons à garder le calme et la sérénité nécessaire, permettant de prendre la mesure des enjeux de la levée des sanctions, pour le Mali et les Maliens et gardons foi en la bonne foi, utile pour nous tirer de cette mauvaise passe.
Mamadou Ismaïla KONATE Avocat à la Cour Ancien ministre