Mali : Moscou s’est opposé à une enquête de l’ONU sur le massacre de Moura
VETO. Vendredi, Moscou a bloqué une déclaration du Conseil de sécurité, rédigée par la France, demandant une « enquête indépendante » sur des allégations d’exactions.
Vendredi 8 avril sur France 5, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a sérieusement mis en doute la version des autorités maliennes sur les événements de Moura, ce village du centre malien au cœur de l’actualité ces derniers jours. « Les autorités de Bamako annoncent 200 terroristes tués, sans pertes civiles. J’ai du mal à croire, j’ai du mal à comprendre, j’ai du mal à accepter ces explications », a martelé Jean-Yves Le Drian réclamant une « enquête des Nations unies » alors que les versions divergent toujours entre les autorités maliennes qui affirment pour leur part avoir « neutralisé » 203 djihadistes dans cette localité et plusieurs ONG, dont Human Rights Watch qui a fait état de l’exécution sommaire de près de 300 civils par des soldats maliens associés à des combattants russes entre le 27 et le 31 mars à Moura.
Les enquêtes indépendantes bloquées
Samedi, depuis Gao, au Mali, la ministre allemande de la Défense Christine Lambrecht a également exigé une enquête sur les « atrocités » commises fin mars à Moura, renouvelant ses doutes quant au maintien de l’engagement militaire allemand dans le pays. « Nous voyons que les soldats maliens sont formés de manière formidable par des soldats allemands hautement motivés et qualifiés, et qu’ils partent ensuite en mission avec ces capacités, par exemple avec des forces russes, voire avec des mercenaires », a-t-elle déclaré. « Et la question se pose alors de savoir si cela peut être compatible avec nos valeurs, surtout si nous devons ensuite assister à des atrocités comme à Moura », a-t-elle poursuivi.
Un tribunal militaire malien a bien annoncé, la semaine dernière, sous la pression de la communauté internationale, l’ouverture d’une enquête. Mais les autorités refusent toujours que les Nations unies – à travers la Division des droits de l’homme de la Mission des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma), qui a ouvert une enquête – se rendent sur place.
La mission Minusma de l’ONU « a cherché à accéder à la zone et a pu effectuer un survol de reconnaissance le 3 avril », a dit, jeudi, l’émissaire de l’ONU pour le Mali, El-Ghassim Waneau Conseil de sécurité. Mais « l’autorisation de déploiement d’une mission intégrée n’a, jusqu’à présent, pas été autorisée », a déploré l’émissaire. « Si l’annonce, hier soir (mercredi), par le procureur du tribunal militaire de Mopti de l’ouverture d’une enquête (…) est une initiative bienvenue, il est impératif que les autorités maliennes apportent la coopération nécessaire à ce que la Minusma ait accès au site des violations alléguées, conformément à son mandat », a-t-il souligné.
Depuis le début de l’année, la Minusma a ouvert dix-sept enquêtes sur des allégations d’attaques contre des civils, d’arrestations extrajudiciaires, de mauvais traitements, de disparitions forcées et d’exécutions extrajudiciaires dans le centre du Mali.
« Nous avons aidé nos amis maliens »
Dans ce contexte, la junte malienne a reçu le soutien de son allié russe. En effet, Moscou a bloqué la demande du Conseil de sécurité de l’ONU d’avoir des « enquêtes indépendantes » sur ce massacre présumé intervenu fin mars de plusieurs centaines de civils. Cette demande figurait dans une déclaration rédigée par la France et qui a été soumise à l’approbation du Conseil de sécurité. Le texte soulignait la « profonde préoccupation » de ses membres « face aux allégations de violations et atteintes aux droits humains au Mali » et réclamait « des enquêtes approfondies et indépendantes pour établir les faits, trouver les responsables et les traduire en justice ».
La Russie, soutenue par la Chine, s’y est opposée, selon plusieurs sources diplomatiques jointes par l’AFP. Moscou et Pékin « ne voyaient pas la nécessité » de ce texte, jugé « prématuré » alors qu’une enquête a été ouverte par les autorités maliennes, a indiqué à l’AFP un de ces diplomates sous le couvert de l’anonymat.
Le ton est totalement différent du côté de Moscou. Le ministère russe des Affaires étrangères est allé jusqu’à féliciter le Mali ou plutôt la junte qui a pris le pouvoir depuis août 2020, pour sa « victoire importante » contre le « terrorisme » et qualifié de « désinformation » les allégations sur le massacre de civils par les forces maliennes, tout comme celles sur l’implication de mercenaires russes de la société privée Wagner dans l’opération. Tout en accusant l’Occident d’avoir « mis en scène » une campagne visant à « mettre l’accent sur la participation de Moscou dans des crimes de guerre ». « Nous avons aidé nos amis maliens et nous allons continuer de le faire », poursuit le communiqué. Un soutien sans faille entre les deux pays alliés, qui s’est illustré, le jeudi 7 avril, lorsque Bamako a voté contre la résolution sur la suspension de la Russie du Conseil des droits de l’homme de l’organisation multilatérale à l’Assemblée générale de l’ONU.
La France et les Occidentaux dénoncent l’appel fait, selon eux, par les autorités maliennes au groupe de sécurité privée russe Wagner, aux agissements controversés. Les autorités maliennes assurent ne pas recourir à des mercenaires et parlent de coopération d’État à État avec la Russie.
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