Marche républicaine : un sursaut contre le terrorisme
C’était un dimanche, 11 janvier 2015. La France avait un rendez-vous avec l’histoire. La France s’est levée comme un seul homme avec ses alliés pour se dresser contre le terrorisme, la barbarie et pour défendre la liberté, l’égalité et la fraternité. De même, les grandes capitales d’Europe (Berlin, Londres, Rome, Madrid, Moscou, Vienne…), mais aussi Washington, Ramallah et Jérusalem entre autres ont battu le pavé à travers le monde pour condamner à l’unisson les attentats terroristes et meurtriers qui ont frappé la France dans l’âme. Trois jours d’une série d’attaques terroristes meurtrières s’abattent sur la France les 07 ; 08 et 09 janvier 2015 avec un bilan de 20 morts dont les trois terroristes les frères Chérif Kouachi, Saïd Kouachi et Amedy Coulibaly ainsi qu’une vingtaine de blessés. Parmi les victimes, il y avait des caricaturistes célèbres du journal satirique Charlie Hebdo, des policiers, des simples citoyens.
« L’amour plus fort que la haine ». Il n’en fallait pas plus pour mobiliser le peuple français, les étrangers vivant en France, parfois des touristes et les amis de la France à travers le monde. La mobilisation a été à la hauteur de l’indignation vécue pendant les trois jours. Dénommée « Marche Républicaine », elle était prévue entre Place de la République et Place de la Nation. Selon le ministère de l’intérieur, 3,7 millions de personnes ont participé à la marche républicaine contre le terrorisme dans toute la France. Du jamais vu depuis la libération de la France 1945. Au regard de la forte affluence, la marche était quasiment devenue un sit-in avec une foule compacte qui était presque cristallisée autour des deux Places (République et Nation) et entre les artères principales voisines ainsi que les Grands boulevards et le boulevard Saint Martin côté du 10ème arrondissement. Le profil des marcheurs étaient très varié : des chefs d’Etat aux bébés dans les poussettes en passant par des élus dont certains ont arboré l’écharpe tricolore (Bleu, blanc, rouge), anciens ministres, le citoyen lambda, hommes, femmes, jeunes, des enfants, personnes âgées, invalides avec béquilles ou dans un fauteuil roulant. « Liberté, Charlie », « Liberté ! », « Liberté ! » scandait la foule en faisant des acclamations ou en chantant des refrains de la marseillaise. Partout des pancartes et affichettes plaidant en faveur de la liberté d’expression, la république, le vivre-ensemble et la fraternité au-delà des religions, des races et des origines : « Je suis Charlie » « La République contre le fanatisme », « L’Amour plus fort que la haine », « Nous sommes Charlie », « Paix, Salam, Shalom », « Je suis Charlie, Je suis Flic, Je suis Juif », « Je suis Charlie, Je suis musulman, Je suis Français », « Pas en mon nom » (des musulmans se démarquant de ceux qui tuent au nom de l’islam), « Ils ont voulu les tuer, ils les ont rendus immortels ». Outre les drapeaux français, ceux des pays étrangers flottaient çà et là (Mali, Portugal, Tunisie, Algérie, Israël, suède, Roumanie…). Certains manifestants brandissaient leur crayon en signe de résistance d’autres jouent à l’humour en affichant une pancarte où c’est marqué « Morts de Rire ! » Les mêmes scènes se sont déroulées dans toutes les grandes villes françaises de Lille à Toulon, de Bordeaux à Perpignan.
Union sacrée contre le terrorisme. Chacun était conscient de vivre un moment historique et inédit dans l’histoire de la France. Un président de la république française n’avait pas manifesté dans la rue, depuis 1990 (où François Mitterrand avec près de 200.000 manifestants avaient manifesté contre le racisme et l’antisémitisme à Paris suite à la profanation des sépultures juives au cimetière de Carpentras dans le Vaucluse). Mais s’était la première fois qu’un chef d’Etat français manifeste dans la rue avec d’autres chefs d’Etat de pays étrangers. « Paris est devenue aujourd’hui la capitale du monde » a affirmé le président français, François Hollande à ses ministres.
Près de 44 chefs d’Etat et de gouvernement (européens, africains et asiatiques) avaient fait le déplacement pour témoigner leur soutien à la France face au terrorisme mais aussi rendre hommage aux victimes des attentats qui viennent d’avoir lieu en France et à travers elles (victimes) à tous ceux et toutes celles qui ont été frappées par le terrorisme dans le monde. Cette de “ligne de front“ constituée de chefs d’Etat en coude-à-coude était un message fort pour manifester leur volonté commune à combattre le terrorisme par une synergie d’actions. Le Mali qui a bénéficié un appui considérable de la France en janvier 2013 pour stopper l’avancée des narco-terroristes sur le reste du pays était représenté de haut rang par le président Ibrahim Boubacar Keïta. Pendant cette manifestation, la France a visiblement voulu montrer un symbole fort avec le Mali. En effet, sur la première ligne, le président Hollande avait à sa gauche, la Chancelière Angéla Merkel et à sa droite, notre chef de l’Etat, M. Ibrahim Boubacar Keïta qui tenait à sa droite le président Benyamin Netanyahou d’Israël et derrière lui se tenait l’ancien président français Nicolas Sarkozy et son épouse Carla Bruni. Parmi les autres chefs d’Etat africains ayant également fait le déplacement l’ont peut citer Mahamadou Issoufou du Niger, Macky Sall du Sénégal, Ali Bongo du Gabon et Yayi Boni du Bénin. Le carré des officiels était séparé de la foule de manifestants. Puis un carré constitué de plusieurs membres de la classe politique française, toute obédience confondue (droite, gauche, centre…) à l’exception du Front national (extrême droite) qui a préféré manifester en province.
Cette marche républicaine a été un fort moment de communion d’une part entre les Français, les étrangers vivant parmi eux et d’autre part entre population civile et les forces de l’ordre (Police et gendarmerie). Le courage et la détermination avec laquelle ces derniers sont intervenus pour maîtriser la situation ont été très bien appréciés par les Français. Ainsi ils étaient fortement applaudis à chaque moment que leurs camions fendaient la foule. La manifestation a pris fin vers 21 h00 dans le calme, sans incident malgré le risque d’attentat.
Nécessité d’ouvrir le débat. Rappelons que le 7 janvier 2015, les deux frères Kouachi ont froidement abattu 12 personnes à la rédaction de Charlie Hebdo, dont les célèbres caricaturistes Cabu, Charb, Wolinski, et Tignous. Le lendemain tôt le matin, à la suite d’une fusillade perpétrée par Amédy Coulibaly à Montrouge, une policière municipale, Clarissa Jean-Philippe et une autre personne a été blessée. Le surlendemain une double prises d’otages : l’une a eu lieu à Dammartin-en-Goële où les frères Kouachi seront tués pendant l’intervention et l’autre à la porte de Vincennes dans l’hyper marché Cacher où quatre juifs (Yoav Hattab, Yohan Cohen, Philippe Braham et François-Michel Saada) seront froidement abattus par Amédy Diarra avant que lui-même ne soit tué pendant l’intervention des forces de l’ordre.
La marche républicaine en France en ce 11 janvier 2015, a été historique de par le nombre de manifestants mobilisés (3,7 millions), autrement dit c’était une occasion similaire au jour de la libération de Paris en 1945. Elle fut aussi mémorable car elle a su rassembler les Français autour de ses valeurs fondamentales nourries par le triptyque : Liberté, Egalité et Fraternité et ce en transcendant les clivages et les barrières. Enfin la marche sera inoubliable car elle a pu mobiliser des hommes et des femmes épris de liberté à travers le monde en moins de 48 heures. Cependant ce sursaut patriotique ne doit pas se faner tel, une fleur faute d’humidité. La France doit approfondir le débat autour du concept de RESPECT : respect mutuel, respect de la différence, respect mutuel de la liberté de chacun, respect des lois de la République, elles mêmes respectueuses des libertés de conscience et de religion de chaque citoyen…. Enfin comment concilier ou réconcilier au mieux la liberté d’expression et le respect des religions ? Peut-on apporter une restriction à la liberté d’expression en sanctionnant le blasphème ? Autant de questions qui doivent alimenter aujourd’hui les débats de société en France au nom de la quête du mieux vivre ensemble.
Dr Bakary TRAORE