Nelson Mandela, un an après
Nelson Mandela appelait de ses vœux une nouvelle « nation arc-en-ciel en paix avec elle-même et avec le monde ».
Il y a un an jour pour jour l’ancien président sud-africain, prix Nobel de la paix, Nelson Mandela mourait à l’âge de 95 ans dans son domicile à Johannesburg. Retour sur le parcours exceptionnel de cet homme d’Etat qui aura marqué son époque.
Rolihlahla Mandela naît le 18 juillet 1918 dans le village de Mvezo, au bord de la rivière Mbashe au Transkei, dans la province de l’actuel Cap-Oriental en Afrique du Sud. Son prénom, Rolihlahla, signifie « enlever une branche d’un arbre » ou, plus familièrement, « fauteur de troubles ». A l’école, où il est le premier de sa famille à aller, l’institutrice lui donne le nom de « Nelson ». Il rejoint l’université de Fort Hare, la seule université acceptant les Noirs, pour y faire des études en droit. C’est là qu’il découvre les questions politiques et les théories non-violentes de Gandhi. En 1939, il finit par s’enfuir à Johannesburg pour échapper à un mariage arrangé. Il travaille dans un cabinet d’avocat et reprend ses études de droit à l’université du Witwatersrand.
Le combat politique. Mandela intègre le 1er janvier 1943 l’ANC (l’African National Congress), un parti politique fondé en 1912 pour défendre la majorité noire face à la domination politique et économique de la minorité blanche. Depuis la fondation de l’Union d’Afrique du Sud en 1910, les lois ségrégationnistes ou discriminantes se sont multipliées : interdiction pour les Noirs d’être propriétaire de terres en dehors des « réserves » indigènes existantes, expropriation de nombreux paysans noirs, ségrégation résidentielle avec des quartiers réservés aux noirs, interdiction des mariages mixtes… De son côté, la ligue de jeunesse de l’ANC, mise en place notamment par Mandela, est partisane d’une ligne plus offensive et souhaite multiplier les grandes manifestations pour faire plier le pouvoir.
En 1952, Nelson Mandela est élu président de l’ANC du Transvaal (région du nord-est de l’Afrique du Sud) et vice-président au niveau national. Il mène la « defiance campaign » qui prône la désobéissance civile contre les lois considérées injustes. Mandela est condamné à neuf mois de prison avec sursis, se voit interdire toute réunion et est placé en résidence surveillée chez lui à Johannesburg. L’ANC, qui se veut non-racial, entend intégrer les Indiens et les communistes blancs. Nelson Mandela et cent cinquante-six autres personnes sont arrêtées le 5 décembre 1956 et accusés de trahison. Après un long combat judiciaire, les accusés sont acquittés. Après le massacre de Sharpeville en mars 1960, (79 morts dont 8 femmes et 10 enfants), Mandela abandonne la stratégie non-violence et fonde en 1961 Umkhonto we Sizwe (MK), branche militaire prônant l’action armée. En mai 1961, une grève générale est lancée et des actions de sabotage sont menées à travers le pays.
Mandela est arrêté. Le 5 août 1962, Nelson Mandela est arrêté après dix-sept mois de clandestinité et est emprisonné au fort de Johannesburg. Le 25 octobre, il est condamné à cinq ans de prison. Après un coup de filet à la direction de l’ANC, Nelson Mandela est cette fois accusé par le ministère public de quatre sabotages, de trahison et de complot. Lors du procès, il finit sa déclaration ainsi :
"Toute ma vie je me suis consacré à la lutte pour le peuple africain. J'ai combattu contre la domination blanche et j'ai combattu contre la domination noire. J'ai chéri l'idéal d'une société libre et démocratique dans laquelle toutes les personnes vivraient ensemble en harmonie et avec les mêmes opportunités. C'est un idéal pour lequel j'espère vivre et agir. Mais, si besoin est, c'est un idéal pour lequel je suis prêt à mourir"
Les accusés sont jugés coupables le 11 juin 1964 et condamnés à la détention à perpétuité. Des peines condamnées par le Conseil de sécurité des Nations unies.
Nelson Mandela est emprisonné dans l’île prison de Robben Island, sous le numéro de matricule 46664. Il est mondialement connu, devenant le symbole de la lutte anti-apartheid. Les conditions de vie sont très dures et Mandela, prisonnier de classe D (la plus basse), n’a droit qu’à un visiteur et une lettre tous les six mois. Dehors, la contestation fait rage, notamment lors des émeutes de Soweto pendant lesquelles plusieurs centaines de manifestants meurent. Mandela est transféré à la prison de Pollsmoor, près du Cap. Il a régulièrement des contacts avec les autorités et commence même à négocier.
La libération. Mandela est libéré le 11 février 1990. Quelques jours plus tôt, le président Frederik De Klerk avait annoncé la levée de l’interdiction de l’ANC et de plusieurs autres organisations anti-apartheid. Mandela négocie avec le président sud-africain dans un climat parfois tendu. Le 30 juin 1991, le parlement supprime les dernières lois de l’apartheid encore en vigueur et Nelson Mandela est élu président de l’ANC en juillet. Nelson Mandela et Frederik De Klerk reçoivent le 15 octobre 1993 le prix Nobel de la paix pour leurs actions en faveur du démantèlement de l’apartheid en Afrique du Sud et de l’égalité raciale.
Au sommet de l’Etat. Après la victoire de l’ANC (62,6% des voix) aux premières élections générales multiraciales le 27 avril 1994, Nelson Mandela est élu président de la République d’Afrique du Sud. Il forme un gouvernement d’unité nationale avec l’ANC, le Parti national et le parti zoulou. Ses deux vice-présidents sont alors Thabo Mbeki (ANC) et Frederik De Klerk (NP). Lors de son investiture, Mandela célèbre la fin de l’apartheid et le retour de l’Afrique du Sud dans la communauté internationale, appelant de ses vœux une nouvelle « nation arc-en-ciel en paix avec elle-même et avec le monde ». Le 27 avril devient un jour férié en Afrique du Sud, le jour de la Liberté. Comme annoncé le 1er janvier 1999, Mandela ne se représente pas pour un second mandat. Agé de 77 ans, il se met en retrait de la vie politique, se consacre à de nombreuses œuvres caritatives et prend position sur de nombreux sujets liés à l’actualité nationale et internationale.
Le pays retient son souffle. Le porte-parole de la présidence annonce le 8 juin 2013 que Mandela est hospitalisé pour une pneumonie, dans un état grave. C’est son quatrième séjour à l’hôpital depuis décembre. En mars, des proches avaient laissé entendre qu’il commençait à perdre la mémoire. Il avait aussi été hospitalisé fin mars-début avril pendant dix jours, également pour une infection pulmonaire récurrente, probablement liée aux séquelles d’une tuberculose contractée pendant son séjour sur l’île-prison de Robben Island, au large du Cap. Début septembre, il est finalement ramené chez lui dans sa maison de Johannesburg, équipée comme un hôpital. Le 5 décembre 2013 Jacob Zuma, le président sud-africain annonce que Nelson Mandela est mort, à l’âge de 95 ans