Nkurunziza prête serment et entame un 3e mandat très controversé
Malgré la contestation, le président burundais réélu Pierre Nkurunziza a prêté serment jeudi 20 août à Bujumbura.
Le président burundais réélu Pierre Nkurunziza a prêté serment jeudi à Bujumbura pour un troisième mandat controversé, dont la conquête a plongé son pays dans une crise politique émaillée de violences meurtrières, lors d’une cérémonie annoncée au dernier moment par souci de sécurité et boudée par la communauté internationale.
Conformément à la Constitution, le président a prêté serment auprès de la Cour constitutionnelle, devant les deux Chambres du Parlement réunies. Il a notamment juré « fidélité (…) à la Constitution » et s’est engagé « à assurer l’unité nationale et la cohésion du peuple burundais », alors que ses adversaires l’accusent d’avoir profondément divisé son pays en briguant ce 3e mandat qu’ils jugent anticonstitutionnel.
Cette cérémonie surprise n’a été annoncée officiellement que quelques heures à l’avance, pour des raisons de sécurité, selon un membre du CNDD-FDD, le parti de M. Nkurunziza. Aucun chef d’Etat étranger n’a fait le déplacement. Etaient présents les ambassadeurs de plusieurs pays africains, ainsi que de Chine et de Russie. Les Etats-Unis et les pays de l’Union européenne avaient dépêché des diplomates de rang inférieur.
« La victoire que nous avons obtenue est une victoire de tous les Burundais, ceux qui nous ont élu ou ceux qui n’ont pas voté pour nous », a déclaré M. Nkurunziza après avoir prêté serment, promettant qu’il entamait son « dernier mandat » et allait « mettre en place très rapidement un gouvernement (…) d’union nationale ». « Pour cela, nous verrons, si c’est nécessaire, comment revoir l’article 129 de la Constitution, à travers le dialogue et la concertation », a-t-il poursuivi.
Cet article prévoit que seuls les ministres doivent être issus de partis ayant obtenu plus de 5% des voix aux législatives. Or l’opposition avait appelé au boycott des législatives et a rejeté les résultats. Seul Agathon Rwasa, principal opposant, a finalement accepter de siéger avec ses partisans, mais il a été élu sur une liste indépendante et d’un parti enregistré.
Mais l’article 129 prévoit également que le gouvernement doit comprendre 60% de Hutu et 40% de Tutsi. Cet équilibre politico-ethnique a été mis en place par l’Accord d’Arusha ayant ouvert la voie à la fin de la guerre civile (300.000 morts entre 1993 et 2006) et que les adversaires de M. Nkurunziza l’accusent de vouloir mettre à bas, menaçant dix ans de paix.
Cette prestation de serment a officiellement lancé le 3e mandat, très controversé, de M. Nkurunziza, élu en 2005 par le Parlement, puis en 2010 et le 21 juillet dernier au suffrage universel direct. Opposition, société civile, Eglise catholique et une partie du CNDD-FDD affirment que ce 3e mandat viole la Constitution et l’Accord d’Arusha, qui limitent à deux les mandats du chef de l’Etat.
– Six semaines de manifestations – Le Conseil national pour le respect de l’Accord d’Arusha et de l’Etat de droit (Cnared) « considère que le Burundi n’a plus de président » après « l’expiration (des) deux mandats présidentiels (de M. Nkurunziza) permis par la Constitution », a réagi cette large plate-forme de l’opposition, appelant « le peuple burundais à résister à ce coup d’Etat ». Selon ses partisans, le chef de l’Etat ayant été élu la première fois au suffrage indirect – en vertu d’une disposition spéciale de la Constitution applicable au premier président de l’après-transition post-guerre civile – son premier mandat n’entre pas en compte dans la limitation constitutionnelle.
L’annonce de la candidature de M. Nkurunziza, fin avril, a déclenché six semaines de manifestations populaires, quasi-quotidiennes à Bujumbura, finalement étouffées par une sanglante répression. Les autorités ont également maté en mai une tentative de coup d’Etat militaire. Malgré la réélection de M. Nkurunziza le 21 juillet lors d’une présidentielle jugée non crédible par la quasi-totalité de la communauté internationale, la situation sécuritaire continue de se dégrader avec des attaques nocturnes contre la police et des assassinats ciblés à Bujumbura et en province.
« Ceux qui ont fait le choix du chemin qui ne mène nulle part, d’attaquer et de combattre leur pays, nous leur conseillons d’y mettre fin sinon ils auront à faire au Dieu Tout-puissant », a menacé M. Nkurunziza, chrétien prosélyte, qui dit tenir son pouvoir de la volonté divine. Les observateurs craignent un retour des violences à grande échelle, dans un pays à l’histoire post-coloniale jalonnée de massacres entre Hutu (85% de la population) et Tutsi (15%) et qui reste traumatisé par la guerre civile.
M. Nkurunziza se retrouve très isolé: plusieurs hauts dignitaires de son régime ont fait défection et l’homme fort de l’appareil sécuritaire, le général Adolphe Nshimirimana, considéré comme son bras de droit, a été assassiné le 2 août. En outre, les partenaires internationaux du Burundi ont menacé de couper les vivres au pays, l’un des dix moins développés au monde, dont 52% du budget provient de l’aide extérieure.
AFP
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