Recul de la croissance en Afrique
Le recul de la croissance est dû à la chute des prix du pétrole et d’autres matières premières exportées par le continent.
L’Afrique subsaharienne a enregistré une croissance de 4% en 2015 comparée à 4.5% en 2014. Ce ralentissement est en partie dû à la chute des prix du pétrole et d’autres matières premières exportées par le continent. C’est la première fois que l’Afrique affiche un taux de croissance annuel en dessous de 4,4% depuis deux décennies, beaucoup moins que la moyenne de 6,4% des années 2001-2006.
Selon les dernières prévisions du Groupe de la Banque mondiale publiées aujourd’hui 13 avril, la croissance de l’Afrique subsaharienne ralentira autour de 4,0% en 2015, au lieu des 4,5% enregistrés en 2014. Ce recul s’explique largement par la baisse des cours du pétrole et des autres matières premières. Telles sont les conclusions de la dernière édition d’Africa’s Pulse, publication semestrielle du Groupe de la Banque mondiale qui analyse les perspectives économiques de l’Afrique subsaharienne. Le rapport a été présenté dans le cadre des Réunions de printemps qui auront lieu cette semaine à Washington DC et rassembleront les ministres des Finances et du Développement du monde entier qui discuteront de l’état de l’économie mondiale et du développement international.
Selon les projections, en 2015 la croissance sera inférieure à la moyenne de 4,4% réalisée en Afrique au cours des deux dernières décennies. Elle se situerait toutefois autour de 4,7% si l’on exclut l’Afrique du Sud. Ces chiffres sont bien loin du pic de croissance de 6,4% enregistré au cours des années 2002 à 2008.
« La croissance est toujours au rendez-vous en Afrique subsaharienne malgré de nouveaux défis et des facteurs externes défavorables. Mais ces défis s’accompagnent toutefois d’opportunités nouvelles », a déclaré Makhtar Diop, le vice-président du Groupe de la Banque mondiale pour l’Afrique. « La fin du super-cycle des matières premières donne en effet au continent l’occasion d’accélérer ses réformes structurelles en faveur d’une croissance susceptible de réduire la pauvreté de manière plus efficace».
Matières premières. L’Afrique subsaharienne est un exportateur net de matières premières. Le pétrole est la matière première la plus commercialisée de la région, suivi par l’or et le gaz naturel. Ces trois produits représentent plus de 90% de l’ensemble des exportations des huit principaux pays exportateurs de pétrole et 30% de leur PIB. La récente baisse des cours du pétrole a dégradé les termes de l’échange de la plupart des pays de la région, d’autant qu’elle s’étend à d’autres matières premières. En effet, Africa’s Pulse souligne que les prix des autres matières premières sont désormais davantage liés à ceux du pétrole. Les 36 pays africains qui verraient leurs termes de l’échange se dégrader abritent 80% de la population du continent et représentent 70% de l’activité économique.
Du fait de la grande diversité économique du continent, l’impact de la baisse des cours des matières premières sera toutefois variable selon les pays, même parmi les pays producteurs de pétrole. Au Nigéria, par exemple, si l’économie sera affectée cette année, la croissance devrait repartir en 2016 et au delà. La diversification de l’économie, en particulier le secteur des services, devrait en effet tirer la croissance. En revanche, les pays exportateurs de pétrole à l’économie moins diversifiée, comme l’Angola ou la Guinée équatoriale, devraient souffrir plus durablement de la faiblesse des cours du pétrole. Plusieurs pays importateurs de pétrole tels que la Côte d’Ivoire, le Kenya et le Sénégal devraient pour leur part conserver une croissance forte. Au Ghana, l’inflation toujours élevée et la politique de redressement budgétaire menée par le gouvernement, devraient continuer de peser sur la croissance. En Afrique du Sud, les difficultés du secteur de l’électricité ralentiront encore la croissance.
Les investissements directs étrangers (IDE) ont marqué le pas en 2014 à cause du ralentissement des marchés émergents et de la baisse des cours des matières premières. Les pays africains ont su cependant mobiliser les marchés obligataires internationaux pour financer leurs projets d’infrastructure : la Côte d’Ivoire est revenue sur les marchés en février 2015 et l’Éthiopie a réalisé sa première émission en décembre 2014. Si le poids de la dette reste globalement maîtrisé, les ratios de dette publique par rapport au PIB ont augmenté sensiblement ces dernières années dans les pays qui disposent d’un meilleur accès au marché des obligations. Les incertitudes liées aux politiques monétaires au niveau mondial incitent également à la prudence.
« Comme nous l’avions prévu, les facteurs favorables à la croissance se sont inversés. C’est dans ce contexte difficile que la région peut et doit démontrer qu’elle a mûri, et qu’elle est capable de poursuivre par ses propres moyens les progrès économiques et sociaux déjà réalisés. Les pays qui doivent entreprendre un ajustement budgétaire ou de leur taux de change doivent avant tout protéger les Africains les plus démunis afin de ne pas effacer les gains réalisés au cours des dernières années », a indiqué Francisco Ferreira, économiste en chef du Groupe de la Banque mondiale pour l’Afrique.
Risques. Les conflits qui se poursuivent dans certaines zones et les incidents violents émanant de groupes extrémistes comme Boko Haram et les Chabab constituent un risque sécuritaire qui pourrait remettre en cause les acquis du développement. En outre, l’épidémie de virus Ebola a souligné les faiblesses structurelles des systèmes de santé de la Guinée, du Liberia et de la Sierra Leone qui ont été les plus affectés, mais également d’autres pays.
Bien que des progrès importants aient été réalisés pour contenir l’épidémie d’Ebola, on ne pourra pas crier victoire tant qu’il y aura de nouvelles personnes contaminées. Une étude de la Banque mondiale publiée en janvier dernier estime que les pertes économiques devraient s’élever à au moins 1,6 milliard de dollars pour les trois pays les plus durement frappés (la Guinée, la Sierra Leone et le Liberia). Les coûts sociaux dans les domaines de la nutrition, de la santé et de l’éducation devraient être tout aussi importants. Le Groupe de la Banque mondiale a jusqu’ici mobilisé près d’un milliard de dollars de financement au profit de ces trois pays.
Défis. Dans la plupart des pays exportateurs de pétrole, les politiques budgétaires devraient rester restrictives en 2015. Ces pays ont en effet pris des mesures pour limiter leurs dépenses et faire ainsi face à la baisse attendue de leurs recettes. Si les dépenses d’investissement devraient être principalement affectées par ces mesures d’économie, les dépenses courantes, y compris les subventions pétrolières, devraient également diminuer. Malgré ces efforts d’ajustement, les déficits budgétaires devraient rester élevés, même dans les pays importateurs nets de pétrole.
« Les déficits budgétaires élevés et des dépenses publiques peu performantes constituent une source de vulnérabilité pour de nombreux pays de la région. Il est urgent que ces pays améliorent leur situation budgétaire et accroissent leur résilience aux chocs externes », a souligné Punam Chuhan-Pole, économiste principale à la Banque mondiale pour l’Afrique et coauteur de cette publication.
Au-delà des politiques macroéconomiques, le rapport souligne le besoin de réformes structurelles dans toute la région afin de relever et maintenir la croissance de la productivité dans l’ensemble des secteurs. Ces réformes devraient créer un processus de transformation structurelle de l’Afrique de nature à générer des emplois et une croissance plus inclusive. Tous les secteurs de l’économie bénéficieraient d’une réduction des coûts de transport, d’énergies moins onéreuses et plus fiables ainsi que d’une main d’œuvre plus compétente et éduquée.
La Banque mondiale a financé au cours de son exercice budgétaire 2015, près de 160 projets à hauteur de 15,7 milliards de dollars. Ces financements comprennent un montant record de 10,2 milliards de dollars en prêt à taux zéro et en subventions de l’Association internationale de développement (IDA). Ces décaissements du fonds de la Banque mondiale pour les pays les plus pauvres sont les plus élevés jamais enregistrés pour une région dans l’histoire de la Banque mondiale.
Source : Banque mondiale