Sida-Ebola : deux virus qui font trembler le monde
La visite du président IBK au Centre National d`Appui aux Maladies (CNAM) où sont pris en charge les cas suspects d’Ebola.
Cette année, la fièvre hémorragique au virus Ebola a inéluctablement volé la vedette au VIH/Sida. Au Mali, qui n’a jusque-là connu que moins d’une dizaine de cas, certains commençaient même à se demander si la Journée mondiale allait être célébrée et prolongée sur un mois comme c’est le cas depuis plusieurs années.
Ebola ! VIH ! Ces deux virus, selon les biologistes, ne manquent pas de points communs : Ils ne suscitent pas seulement la peur voire semer la psychose, mais exposent aussi les personnes infectées à la discrimination et à la stigmatisation. «Ebola, c’est pire que le Sida», témoigne un photographe qui a vécu le martyr avec sa famille parce que suspecté d’être contaminé après un séjour mouvementé en Guinée-Conakry.
Il est vrai que, contrairement au virus Ebola, le VIH ne se transmet pas en serrant la main d’un porteur, en mangeant avec lui, en lui faisant l’accolade, en s’occupant de lui lorsqu’il tombe malade… Il se transmet couramment par les rapports sexuels non protégés, les accidents sanguins…
Aujourd’hui, les acteurs de la lutte contre le VIH/Sida craignent que la peur d’Ebola ne soit un facteur de blocage pouvant les ramener à la case-départ. Une crainte d’autant justifiée que presque tous les programmes nationaux qui s’occupent des grandes endémies ou des épidémies sont concernés autant par le virus Ebola que par la lutte contre le Sida.
«L’épidémie du virus Ebola rappelle étrangement ce que toutes les personnes vivant avec le VIH ont connu, il y a une vingtaine d’année et même une dizaine d’années. La peur, les rumeurs et la cohésion sociale, et aussi la discrimination faisaient partie du quotidien des malades vivant avec le VIH», souligne un sociologue.
Mutualiser les moyens. Il existe des similitudes entre ces deux maladies, non pas sur le mal ou les modes de transmission mais sur la perception que l’on a d’elles. Les services où sont accueillies aujourd’hui les personnes infectées par Ebola sont perçues comme ceux où étaient reçues celles touchées par le sida. Mais, au fil du temps, les services au sein desquels on rentrait pour mourir sont devenus ceux où l’on vient sans peur et où l’on sauve. Quant à la communauté scientifique, analysent des observateurs, elle doit tirer profit des ressources financières allouées au sida pour servir aujourd’hui la cause Ebola.
Face à ces deux menaces, l’OMS conseille la mutualisation et délégation des tâches dans les pays en développement, notamment en Afrique. Et cela d’autant plus que, souligne l’organisation, les personnels de santé sont largement insuffisants sur le continent africain. Il s’agit surtout de «mieux gérer les risques et de profiter de ce qui est appris».
Les chercheurs eux-mêmes qui travaillent sur l’épidémie du sida sont mobilisés par le virus Ebola. Aujourd’hui, selon des statistiques de l’ONUSIDA, la situation épidémiologique du sida est stabilisée. La couverture globale est comprise entre 50 % et 60 %.
Toutefois, il y a une meilleure couverture en Afrique de l’Est et Afrique australe par rapport à l’Afrique du Centre et celle de l’Ouest. Globalement, moins de cas sont constatés, encore beaucoup trop de décès bien sûr mais moins d’infections avec un meilleur accès aux traitements même si les disparités régionales perdurent.
Le nombre de malades ayant accès aux médicaments a augmenté. En 2013, 2,3 millions de personnes supplémentaires ont pu bénéficier d’une thérapie, ce qui permet de faire baisser la transmission du virus. Selon le rapport 2014 de l’ONUSISA, en Afrique subsaharienne, 76 % des personnes ne sont pas susceptibles de transmettre le virus grâce au traitement antirétroviral.
Le défi de nos jours, c’est d’agir de sorte que l’épidémie de la fièvre hémorragique au virus Ebola ne remette ces acquis en question. Une crainte réelle pour qui sait que l’épidémie du virus Ebola dérègle les systèmes de santé. Ainsi, même si l’accès aux soins reste possible, les personnels de santé sont largement touchés.
Face au VIH/Sida, la protection est habituellement un acte individuel. Mais dans le contexte présent marqué par Ebola, constate le président Ibrahim Boubacar Kéita, «elle devient une mission nationale et collective, requérant la mobilisation de nous tous». Tant que nous serons sous la menace de ces deux virus, la vigilance, la prudence et surtout le sens de la responsabilité doivent être de mise.
Moussa Bolly