Six cas d’abus sexuels en Centrafrique: Eufor et Sangaris mis en cause par l’ONU
L’affaire des violences sexuelles en Centrafrique vient de trouver un nouvel épisode. Le Bureau du Haut Commissaire des Nations Unies pour les droits de l’homme vient, en effet, de publier son rapport d’enquête sur les évènements qui se sont déroulés en 2014. Elles mettent en cause les militaires des forces internationales (européenne et française) déployées en Centrafrique : les Géorgiens de l’opération de stabilisation EUFOR RCA, ainsi qu’une autre nationalité non confirmée (1), et les militaires français de Sangaris. Toutes deux localisées sur le site de l’aéroport de Bangui, à deux pas du camp de réfugiés de M’Poko.
Des affaires déjà connues. Il ne s’agit pas en soi de nouvelles affaires (comme le dit le bureau du commissaire) mais de la confirmation – par le biais de témoignages des victimes – de faits déjà échantillonnés. Mais ces faits sont graves d’après les témoignages recueillis. On parle de viols de pratiques sexuelles avec des jeunes filles et des jeunes garçons, mineurs, parfois très jeunes (de 7 ans à 14 ans) (2). Ces six allégations « ont eu lieu dans les environs ou à l’intérieur du camp de déplacés internes de M’Poko, situé près de l’aéroport dans la capitale, Bangui » confirme l‘ONU. Précisons qu’il s’agit, pour l’instant, de présomptions, reposant uniquement sur des témoignages d’enfants ou d’adolescents, mais qui semblent suffisamment précises pour être prises au sérieux.
Le personnel géorgien (Eufor RCA) clairement mis en cause. Selon le communiqué publié par les Nations-Unies : « Quatre de ces filles ont indiqué que leurs agresseurs appartenaient à des contingents opérant au sein de la force de l’Union européenne (EUFOR/RCA). Deux des filles interviewées ont déclaré avoir été violées par des soldats de l’EUFOR et les deux autres filles ont dit avoir été payées pour avoir eu des rapports sexuels avec d’autres soldats de l’EUFOR. Bien que la nationalité de certains des soldats ne soit pas clairement établie, trois de ces filles ont déclaré qu’elles pensaient que leurs agresseurs faisaient partie du contingent géorgien de l’EUFOR. Ces quatre filles étaient âgées de 14 à 16 ans au moment des faits présumés. »
… ainsi que le personnel français de Sangaris « Le personnel onusien des droits de l’homme a aussi interviewé une fille et un garçon respectivement âgés de 7 et 9 ans lorsqu’ils auraient été abusés en 2014 par des membres des troupes françaises Sangaris. La fille a dit avoir pratiqué des actes sexuels par voie orale sur des soldats français en échange d’une bouteille d’eau et d’un sachet de biscuits. Elle a déclaré, tout comme son frère de neuf ans, que d’autres enfants avaient été abusés de la même manière lors d’incidents répétés impliquant plusieurs soldats français. »
Des accusations extrêmement graves. Pour le commissaire des Nations-Unies aux droits de l’Homme, « Ces accusations sont extrêmement graves et il est crucial que ces cas fassent l’objet d’une enquête approfondie et urgente » Des enquêtes ont déjà été diligentées côté français, coté géorgien et côté européen. « Je suis encouragé par les réponses initiales reçues des pays concernés et de l’Union européenne; elles montrent qu’ils prennent ces terribles allégations très au sérieux. »
Ne pas laisser ces crimes impunis. Mais il a joute aussi que « bien trop de ces crimes restent impunis, leurs auteurs bénéficiant d’une impunité totale. Cela favorise tout simplement la commission d’autres violations. » et de rappeler « Alors que de plus en plus de cas émergent, impliquant de plus en plus de contingents nationaux, il apparaît clairement que toutes les forces militaires étrangères, qu’elles soient onusiennes ou pas, doivent mener des actions beaucoup plus robustes et efficaces pour empêcher d’autres abus et cas d’exploitation, et cela pas seulement en RCA. » « Les Etats ont l’obligation d’enquêter, de poursuivre les auteurs et de s’assurer que les victimes reçoivent les réparations auxquelles elles ont droit. »
Politique de tolérance zéro du coté UE… Du coté européen, on a réagi très vite. « L’Union européenne prendre ces allégations très au sérieux » a indiqué le porte-parole de la Haute représentante de l’UE. Nous suivons une « politique de tolérance zéro » sur ce qu’on appelle « une mauvaise conduite sexuelle ou une activité criminelle ». Le service diplomatique européen examine également « toute information relative à l’EUFOR RCA qui pourrait se révéler pertinente » en liaison avec les Etats membres car ce sont eux qui sont responsables au premier chef.
La responsabilité des Etats au final. Comme le rappelle l’UE, « la responsabilité de toute enquête, action disciplinaire ou pénale reste dans les mains des États » contribuant à la mission. L’Union européenne – comme tout Etat qui participe à une mission ou opération militaire dans un pays tiers – prend bien soin de signer avec les autorités du pays concerné un accord, qui le statut de convention internationale, permettant d’exempter de toute responsabilité pénale sur le territoire où les faits sont commis les agents et militaires engagés sur le terrain. Cela ne signifie pas une exonération totale. Les actes peuvent être poursuivis dans l’Etat d’origine.
Salir le drapeau, c’est trahir. Du côté français, on n’a pas encore officiellement réagi à cette nouvelle mise en accusation. Mais on se rappelle les propos très durs tenus par le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian à l’encontre de ce type de faits. « Si les faits sont avérés, je ne mesurerai pas ma colère, parce que lorsque le soldat français est en mission, il est la France. Si d’aventure un seul d’entre eux a commis de tels actes, qu’il se dénonce immédiatement — avait-il affirmé dans une interview donnée au Journal du dimanche, début mai 2015. « Si quelqu’un a sali le drapeau, parce que c’est de cela qu’il s’agit, il faut qu’il le dise dès à présent, car cela revient à trahir ses camarades, l’image de la France et la mission des armées. »
La justice, saisie, doit suivre son cours. Le ministre de la Défense assurait d’ailleurs « immédiatement transmis le rapport à la justice » dès qu’il avait eu connaissance des faits, fin juillet 2014, soit très tôt avant que les faits prennent l’ampleur médiatique que l’on connait. Une enquête compliquée par l’éloignement des faits dans le temps et dans le lieu, le départ des soldats impliqués du théâtre, et l’absence d’éléments formels permettant d’identifier de façon précise certains auteurs… Mais, d’après les sources de B2, on estime que l’institution militaire a fait son travail, c’est à la justice de faire le sien désormais.
Source Bruxelles 2
(1) Selon nos données, il pourrait s’agit soit tout simplement de Français placés sous commandement EUFOR RCA, soit d’Estoniens qui sont parmi les premiers à être arrivés sur place.
(2) On ne peut pas parler de prostitution même s’il apparait y avoir eu des rapports consentis en échange d’argent ou de biens, l’âge des victimes présumées ne permettant pas de faire prévaloir un quelconque accord de leur part.
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