Une marche contre les ministres véreux
La Coordination nationale de veille citoyenne (CNVC) entend mobiliser le peuple comme sur cette photo d’archive.
Face à l’inaction du président de la République, pour la première fois des Maliens veulent marcher pour réclamer la démission des ministres impliqués dans les scandales financiers révélés dans les audits de la Cour suprême et du Vérificateur général.
Une organisation de la société civile projette d’organiser une marche de protestation, demain samedi 6 décembre, pour demander la démission des ministres impliqués dans les surfacturations liées à l’achat du second avion présidentiel et des équipements militaires. Cette initiative qui est une première sur les rives du Niger à Bamako, est pilotée par la Coordination nationale de veille citoyenne (CNVC) qui entend faire savoir au président de la République Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) qu’il a eu tort de garder dans son gouvernement des ministres sur lesquels pèsent de forts soupçons de détournement de deniers publics. L’attitude du président est d’autant plus incompréhensible que malgré deux rapports d’audits accablants de la Cour Suprême et du Bureau du Vérificateur Général, il garde un silence obscur.
La colère d’IBK. Interpellé par l’opposition le 20 novembre à Koulouba, lors d’une rencontre formelle, qui lui demande de s’adresser au peuple par rapport aux graves accusations contenues dans les deux rapports concernant ses ministres, la réponse du président IBK a été des plus ambiguës. « Je ne le ferai pas, je ne suis pas à la barre… je suis le chef de l’Etat », aurait-il lancé dépité. Pourtant les informations contenues dans les audits – qui furent d’ailleurs réalisés suites aux sanctions imposés par le FMI (Fonds monétaire international) – aurait fait réagir tout chef d’Etat dans une démocratie. Mais comme le dit si bien un leader de l’opposition « Nous interpellons le président, mais on s’est rendu compte apparemment qu’interpeller ne suffit pas. Il n’en a cure, il se comporte comme s’il n’avait pas un bail avec le peuple malien. »
C’est ce que les initiateurs de la marche du samedi veulent faire comprendre au chef de l’Etat. Un président de la République a un bail avec son peuple surtout s’il est élu à 77 % des suffrages exprimés. Et il ne peut garder le silence et ne rien faire, si des audits officiels disent qu’il y a détournement de deniers publics et mettent en cause trois ministres de son gouvernement. Qui d’ailleurs saura garder le silence sur 28 milliards détournés au détriment du trésor public ? Quel leader serait sans réaction sur les scandales financiers, les paradis fiscaux, les sociétés-écrans et le montage financier douteux dans l’acquisition du deuxième avion présidentiel ? Quel chef d’Etat protégera un ministre qui a accordé une caution de 100 milliards pour garantir les activités d’une société privée qui a obtenu indûment un marché de fournitures d’équipements militaires ?
République bananière. Les ministres concernés par ces affaires ne sont nullement inquiétés, ils se pavanent comme si de rien n’était et vaquent à leurs affaires. Le dossier est dit-on transmis à la justice. Mais qu’attendent les ministres de l’Economie, des Investissements et de la Communication qui sont fortement impliqués dans ces affaires pour démissionner et faire face à la justice. Sous d’autres cieux, plus démocratique, ces trois seraient déjà remerciés. Mais sur les bords du Djoliba il n’y a pas de quoi fouetter un chat. C’est là, les prémisses d’une république bananière.
Fousseni TRAORE